IRRC No. 906

La protection des biens culturels en Syrie : une nouvelle chance pour les États de se mettre en conformité avec le droit international ?

Télécharger PDF
Cet article est aussi disponible en

Abstract
La guerre en Syrie dure maintenant depuis six ans, causant des destructions massives et de très lourdes pertes humaines. Les efforts internationaux de paix ayant échoué d’emblée, il semble de plus en plus improbable, dans un avenir proche, de parvenir à une résolution du conflit ou à une solution politique. Face à cette impasse, les États, la société civile et la communauté internationale ont recherché des mesures concrètes et temporaires, susceptibles de contribuer à ce que le droit international soit mieux protégé et respecté. Récemment, en prescrivant aux États tiers des mesures pratiques et réalistes pour protéger les biens culturels, divers éléments apparaissent comme les signes avant-coureurs d’un changement dans la réponse de la communauté internationale. En se fondant sur la responsabilité des États tiers « de respecter et faire respecter » le droit international humanitaire, cet article analyse le cadre juridique protecteur des biens culturels ainsi que les mesures innovantes prises récemment à cette fin, qui contribuent au respect du droit international en Syrie, en dehors de toute assistance ou intervention militaires.

Traduit de l'anglais.

 

« Une nation est en vie tant que sa culture est en vie »

Inscription à l’entrée du Musée national d’Afghanistan, où quelque 2 750 objets ont été détruits par les Talibans en 2001.

Introduction

Devant des négociations politiques ne menant à rien, face à l’irrespect systématique du droit international humanitaire (DIH) et aux lourdes restrictions imposées aux organisations humanitaires internationales, la communauté internationale ne ressent qu’accablement et frustration face à la crise en Syrie. Chacun s’accorde à reconnaître qu’aucune autre guerre civile n’a été plus meurtrière que ce conflit1 qui constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales2 . Cependant, la voie politique est dans l’impasse, il n’y a aucune envie d’intervenir militairement et les décisions contraignantes et didactiques du Conseil de sécurité des Nations unies (NU) exigeant le respect du DIH sont restées lettre morte3 . Comme désormais les chances de parvenir à la paix sont bien minces, toutes les mesures concrètes et pratiques qui pourraient permettre d’améliorer le respect du DIH en Syrie, seraient les bienvenues. C’est pourquoi le présent article analyse les mesures innovantes qui ont été prises afin de protéger le patrimoine culturel dans le conflit qui a déchiré la Syrie et qui s’est étendu à l’Irak4 . Celles-ci montrent la manière dont un cadre juridique international peut offrir aux États une feuille de route pour déployer tout un éventail de mesures concrètes dans le but de respecter et faire respecter le DIH5 .

Cet article commence par une vue d’ensemble des régimes juridiques, que ce soit le DIH ou d’autres branches du droit, qui permettent d’assurer la protection des biens culturels dans le conflit en Syrie. Il explique ensuite en quoi la protection des biens culturels est importante, même dans une guerre qui se caractérise par une telle brutalité et par tant de souffrances humaines. En analysant les mesures internationales de protection et en examinant les mesures innovantes qui ont été imaginées face à la destruction des biens culturels en Syrie, l’autrice tente de dégager quelques mesures concrètes qui pourraient être considérées comme faisant partie d’une « boîte à outils de conformité » et qui pourraient servir de modèle pour des actions futures. Enfin, l’article relève des insuffisances dans ces mesures de protection et propose des solutions susceptibles d’y remédier.

Cadre juridique pour la protection des biens culturels en Syrie

Les biens culturels syriens sont protégés par un cadre juridique large composé du DIH, de traités internationaux sur l’application du droit transnational, du droit des droits de l’homme, et de résolutions contraignantes du Conseil de sécurité des Nations unies.

Droit international humanitaire

Le conflit armé qui se déroule actuellement en Syrie est régi par le DIH conventionnel et coutumier. Au-delà des protections prévues par l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949, étant donné que la Syrie n’est pas partie au Protocole additionnel II de 1977 (PA II), la conduite des hostilités sur son territoire est soumise aux règles du DIH qui sont aujourd’hui considérées comme appartenant au droit coutumier6 . La protection des biens culturels dans les conflits armés est reconnue par tous et depuis bien longtemps, comme étant une norme coutumière. En 1946, le Tribunal militaire international de Nuremberg déclara que les règles contenues dans la Convention (IV) de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, y compris donc ses dispositions relatives à la protection des biens culturels, étaient « admises par tous les États civilisés et regardées par eux comme l’expression codifiée des lois et coutumes de la guerre7  ». La 27e session de la Conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a adopté une résolution relative à la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (Convention de La Haye de 1954) qui a réaffirmé que « les principes fondamentaux que sont la protection et la préservation des biens culturels en cas de conflit armé pourraient être considérés comme faisant partie du droit international coutumier8  ».

Dans son arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence dans l’affaire Tadić, la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), a considéré que l’article 19 de la Convention de La Haye de 1954 ainsi que l’essentiel du PA II relevaient du droit coutumier9 . La Chambre d’appel a également souligné que les règles coutumières applicables à un conflit armé non international couvrent la protection des biens civils et « en particulier les biens culturels10  ». Ces règles, qui exigent le respect des biens culturels11 et qui interdisent « toute destruction délibérée du patrimoine culturel de grande valeur pour l’humanité [traduction CICR]12  », sont également opposables au comportement des groupes armés non étatiques combattant en Syrie13 .

Ce corpus juridique protège les biens culturels au travers de règles qui contraignent chacune des parties au conflit à respecter les biens culturels en leur fixant quatre obligations fondamentales : 1) s’interdire l’utilisation de ces biens, celle de leurs dispositifs de protection et celle de leurs abords immédiats à des fins qui pourraient exposer ces biens à une destruction ou à une détérioration en cas de conflit armé (sauf en cas de nécessité militaire impérative) ; 2) s’abstenir de tout acte d’hostilité contre des biens culturels (sauf, ici aussi, en cas de nécessité militaire impérative) ; 3) « interdire, […] prévenir et, au besoin, […] faire cesser tout acte de vol, de pillage ou de détournement de biens culturels » ; et 4) s’interdire, de manière absolue, toute mesure de représailles à l’encontre des biens culturels14 .

Ces protections fondamentales sont inscrites dans la Convention de La Haye de 1954 et dans ses deux protocoles, lesquels forment ensemble les seuls traités traitant explicitement de la protection du patrimoine culturel en temps de guerre. Si la Syrie a ratifié la Convention de La Haye de 1954 et son Premier Protocole en 1958, elle n’a pas ratifié le Deuxième Protocole qui renforce la protection des biens culturels. D’autres États impliqués dans le conflit en Syrie ont eux aussi ratifié la Convention de La Haye 1954, parmi lesquels la Fédération de Russie et les États-Unis. Plus récemment, le Royaume-Uni a ratifié à la fois la Convention de 1954 et son Deuxième Protocole, tandis que la France a adhéré au Deuxième Protocole15 . Adopté en 1999 en réponse à des questionnements sur l’efficacité de la Convention de La Haye de 1954 lors de la deuxième guerre du Golfe et lors des guerres balkaniques qui conduisirent à des attaques délibérées contre le patrimoine culturel et à la destruction massive de biens culturels, le Deuxième Protocole contient des dispositions qui améliorent considérablement la protection du patrimoine culturel en cas de conflit armé16 . Cependant, la Convention de La Haye de 1954, l’instrument international suprême pour la protection des biens culturels en temps de paix et en période de conflit armé, y compris dans les cas d’occupation, offre à elle seule une protection considérable. Rédigée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale au cours de laquelle des villes entières regorgeant de monuments et riches en patrimoine culturel ont été dévastées, la Convention de 1954 a eu pour but de mettre un frein à ces pratiques destructrices17 . En cela, elle est d’une saisissante actualité dans le conflit en Syrie, marqué par la destruction des zones urbaines et de leurs centres historiques, à l’instar de la vieille ville d’Alep ou du quartier historique de Homs18 .

Dans sa définition des « biens culturels », la Convention de La Haye de 1954 englobe trois catégories : les biens, meubles ou immeubles, qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples tels que les monuments d’architecture, d’art ou d’histoire, religieux ou laïques, ou un intérêt historique ou artistique tels que les œuvres d’art ou les collections scientifiques ; les édifices destinés à conserver les biens culturels meubles, tels que les musées, les bibliothèques, les dépôts d’archives ainsi que les refuges temporaires en temps de guerre ; et les « centres monumentaux » comme les cités historiques ou les sites archéologiques19 . Une protection limitée est également accordée, pendant un conflit armé, à des moyens de transport d’urgence et aux personnels spécialisés autorisés, dans des cas bien définis et sous certaines conditions20 . Ces dispositions obéissent à la même logique que celle régissant la protection des abris contre les bombardements aériens, ambulances et hôpitaux civils dans les Conventions de Genève21 et sont indispensables pour une protection complète des biens culturels22 .

Comme les dommages causés aux biens culturels en Syrie sont essentiellement dus à leur utilisation à des fins militaires ou aux attaques dont ils sont la cible23 , les dispositions de la Convention de La Haye de 1954 méritent une attention toute particulière. La Convention de La Haye de 1954 exige des parties qu’elles protègent les biens culturels, ce qui comprend la sauvegarde et le respect de ces biens24 . Il est demandé aux États de préparer, dès le temps de paix, la sauvegarde des biens culturels contre les effets prévisibles d’un conflit armé25 . Une fois que le conflit armé a éclaté, la « protection » des biens culturels impose de prendre des mesures concrètes pour éviter que ceux-ci ne soient détruits ou détériorés26 . Cela comporte, conformément à l’article 4, une obligation négative de s’interdire d’utiliser les biens culturels, leurs dispositifs de protection et leurs abords immédiats à des fins qui pourraient exposer ces biens à une destruction ou à une détérioration en cas de conflit armé, que ces biens soient situés sur leur propre territoire ou sur celui d’autres parties27 . La protection comprend aussi une obligation positive de « respecter » les biens culturels, en s’interdisant de les attaquer et en « s’abstenant de tout acte d’hostilité à leur égard28  » ; en interdisant, prévenant et, au besoin, en faisant cesser tout acte de vol, de pillage ou de détournement de biens culturels, ainsi que tout acte de vandalisme à l’égard de ces biens ; et en s’interdisant tout mesure de représailles à l’encontre des biens culturels29 .

Conformément à la Convention de La Haye de 1954, les biens culturels perdent leur immunité contre leur utilisation à des fins militaires ou contre des actes d’hostilité, « dans les cas où une nécessité militaire exige, d’une manière impérative, une telle dérogation30  ». Les obligations relatives au vol, au pillage, au détournement, au vandalisme et aux représailles sont absolues et il ne peut y être dérogé. Il y a d’intenses discussions à propos de la nature d’une dérogation fondée sur une « nécessité militaire », pour déterminer si « le champ pour invoquer une [nécessité militaire impérative] est plutôt large [traduction CICR]31  » ou s’il s’agit d’une norme juridique stricte rattachée à l’obligation générale de protection des biens culturels32 . L’article 11 de la Convention de 1954 instaure un régime de protection spéciale et précise que l’immunité d’un bien culturel sous protection spéciale ne peut être levée « qu’en des cas exceptionnels de nécessité militaire inéluctable, et seulement aussi longtemps que cette nécessité subsiste », sous réserve que cette nécessité soit constatée à un haut niveau du commandement.

Comme Jiří Toman le souligne dans son Commentaire du Deuxième Protocole relatif à la Convention de la Haye de 1954, la Convention a été adoptée bien avant que les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1977 ne codifient les évolutions du droit international humanitaire relatifs à la définition de la notion de l’« objectif militaire33  ». Le Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954, adopté en 1999, que la Syrie a signé mais pas ratifié, intègre dans ses dispositions protectrices des biens culturels, la définition que donne le Protocole additionnel I (PA I) des « objectifs militaires ». Il dispose ainsi qu’une dérogation fondée sur une nécessité militaire impérative en vertu de l’article 4 de la Convention de La Haye de 1954 ne peut être invoquée que si : i) le bien culturel, par sa fonction, a été transformé en objectif militaire (c’est-à-dire un bien qui, par sa nature, son emplacement, sa destination ou son utilisation apporte une contribution effective à l’action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offrent en l’occurrence un avantage militaire précis34 ) ; et ii) il n’existe pas d’autre solution pratiquement possible pour obtenir un avantage militaire équivalant à celui qui est offert par le fait de diriger un acte d’hostilité contre cet objectif35 . Cela veut donc dire que lorsqu’il est possible de choisir entre plusieurs objectifs, l’attaque doit être dirigée contre une ou des cibles, autres que des biens culturels, même si leur détérioration ou leur destruction procure un avantage militaire moindre. Aussi, le Deuxième Protocole relatif à la Convention de 1954 a introduit des conditions plus explicites, en précisant la notion de « nécessité militaire » pour y inclure le principe de distinction, codifié dans les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1977. Il a été ainsi réaffirmé que le traitement des biens culturels « va bien au-delà » de celui accordé aux autres biens civils36 .

Même si les règles spéciales figurant dans le Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954 peuvent ne pas s’appliquer à la Syrie, il convient de relever que les biens culturels sont protégés par un ensemble de dispositions du DIH particulièrement solides et détaillées. Les dispositions conventionnelles traitant spécifiquement des biens culturels dans les conflits armés ont été complétées par l’interdiction de commettre tout acte d’hostilité dirigé contre des biens culturels figurant au paragraphe 1 de l’article 53 du PA I et à l’article 16 du PA II, qui ne prévoient aucune dérogation en cas de nécessité militaire impérieuse37 . Savoir dans quelle mesure ces dispositions du Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954, celles du PA I ou celles du PA II appartiennent au droit coutumier et sont donc applicables au conflit en Syrie, dépasse le champ du présent article.

Il est toutefois intéressant de noter que le Statut du TPIY38 et le Statut de la Cour pénale internationale (CPI39 ) reprennent l’approche retenue dans des instruments plus anciens comme le Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre de La Haye de 1907 (Règlement de 190740 ). Le Statut de Rome incrimine, tant dans les conflits armés internationaux que non internationaux, « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, à condition qu’ils ne soient pas des objectifs militaires » et, dans les conflits armés internationaux, la « destruction et l’appropriation de biens » protégés par les Conventions de Genève de 194941 . Ces deux crimes trouvent leur origine dans les deux dispositions du Règlement de 1907 qui mentionnent les biens culturels42 , l’une à propos de la conduite des hostilités, « dans les sièges et bombardements43  » et l’autre dans le cas où un belligérant exerce une autorité militaire sur un territoire, pour interdire toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle de biens culturels44 . Même si pour certains, ces dispositions ne sont pas assez détaillées et ne parviennent pas à faire comprendre que la protection des biens culturels ne se limite pas à la sauvegarde du patrimoine culturel matériel, mais qu’elle vise avant tout l’importance qu’ils présentent pour le patrimoine culturel des populations locales et de toute l’humanité45 , elles sont l’expression d’une coutume. Selon l’Étude du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sur le droit coutumier, dans la conduite des hostilités, chaque partie au conflit doit respecter les biens culturels, « prendre des précautions particulières […] au cours des opérations militaires afin d’éviter toute dégradation aux bâtiments consacrés à la religion, à l’art, à la science, à l’enseignement ou à l’action caritative, ainsi qu’aux monuments historiques, à condition qu’ils ne constituent pas des objectifs militaires » ; en outre, les « biens qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples ne doivent pas être l’objet d’attaques, sauf en cas de nécessité militaire impérieuse46  ». Bien qu’il n’y ait eu que peu d’affaires dans lesquelles une juridiction pénale internationale ait dû statuer sur la « nécessité militaire » à propos d’attaques contre des biens culturels, on peut citer l’affaire Prlić et consorts, dans laquelle la Chambre d’appel du TPIY a annulé les conclusions de la Chambre de première instance à propos de la destruction du Vieux Pont de Mostar en se fondant sur le fait que la « nécessité militaire » est définie par l’absence d’alternative à la destruction du bien culturel considéré47 . L’affaire Strugar illustre aussi les difficultés pour bien appréhender cette notion en droit international pénal48 .

Comme évoqué précédemment, la Convention de La Haye de 1954 établit un système de protection spéciale. Ce système mérite que l’on s’y intéresse car on trouve en Syrie, six sites inscrits au patrimoine mondial49 , tous en péril, ainsi que onze autres sites d’une valeur culturelle universelle exceptionnelle qui sont en attente d’examen pour être inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial50 . La protection spéciale repose sur plusieurs principes fondamentaux parmi lesquels l’avertissement en temps utile, l’inscription à un registre et l’obligation que toute attaque contre un bien culturel soit ordonnée à un haut niveau de commandement opérationnel. À l’origine, le système d’inscription au registre avait été conçu pour un nombre restreint de refuges destinés à abriter des biens culturels meubles, des centres monumentaux et d’autres biens culturels immeubles de très haute importance. La protection spéciale est accordée par une inscription au « Registre international des biens culturels sous protection spéciale ». Ce système, tout comme la Liste des biens culturels sous protection renforcée établie par la suite par le Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954, ont eu peu de succès. Si le Registre international a été actualisé en 2015 pour y inscrire un certain nombre de sites culturels du Mexique, la dernière fois qu’un État a voulu faire inscrire un site au registre remonte à 1978, ce qui fait que le régime de protection spéciale n’a jamais été pleinement utilisé51 . Le système de protection renforcée qui a suivi et qui combine certains aspects de la protection spéciale prévue par la Convention de La Haye de 1954 avec les critères d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial tels que définis dans la Convention de l’UNESCO concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel de 1972, ne compte que douze sites placés sous protection renforcée52 . Tous ont également été inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. De facto, s’agissant des sanctions pénales en cas de violations, la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO53 a remplacé les listes des biens placés sous protection spéciale et sous protection renforcée, comme l’ont montré l’affaire Jokić devant le TPIY54 et l’affaire Al Mahdi devant la CPI55 . Le système actuel de protection repose essentiellement sur une certaine forme de « protection certifiée » ou « enregistrée », en ce que le détenteur du bien enregistre ou certifie que les biens ne seront jamais utilisés à des fins militaires. Si cela est respecté, les biens ne pourront donc jamais être l’objet d’une attaque licite. Aussi, l’intérêt d’inscrire des biens sur un registre est que l’ennemi sera informé bien en amont que toute attaque contre ces biens engendrerait de graves conséquences pour son auteur.

Si la Convention de La Haye de 1954 ne contenait aucune disposition prescrivant un avertissement efficace en temps utile pour les biens culturels placés sous protection générale, cela a été prévu pour les biens culturels placés sous protection spéciale, montrant ainsi que la levée de l’immunité contre les attaques n’est pas immédiate. La protection spéciale ne peut être levée « qu’en des cas exceptionnels de nécessité militaire inéluctable, et seulement aussi longtemps que cette nécessité subsiste » ; dans « tous les cas où les circonstances le permettent, la décision de lever l'immunité [doit être] notifiée suffisamment à l’avance à la partie adverse56  ». En outre, une attaque ne peut être ordonnée qu’à un niveau élevé du commandement opérationnel, car « le chef d’une formation égale ou supérieure en importance à une division » est le seul à pouvoir décider si une attaque contre un bien culturel placé sous protection spéciale est justifiée par une nécessité militaire inéluctable57 . Le Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954 a durci ces conditions pour les biens culturels placés sous protection renforcée, en imposant que l’ordre d’attaquer soit donné au niveau le plus élevé du commandement opérationnel58 .

Dans les cas où la protection spéciale a été perdue, la protection générale prévue à l’article 4 de la Convention de La Haye de 1954 continue de s’appliquer. Par exemple, en vertu du paragraphe 1 de l’article 11, lorsque l’immunité des biens culturels sous protection spéciale est levée à la suite d’une violation de ses engagements par la partie adverse, le filet de sécurité institué par le paragraphe 2 de l’article 4 selon lequel il peut être dérogé à la protection en cas de « nécessité militaire […] impérative », demeurera et se substituera à la « nécessité militaire inéluctable » visée au paragraphe 2 de l’article 11. Et bien entendu, même lorsque la protection générale cesse, les règles du DIH continuent de s’appliquer, le droit international coutumier complétant les dispositions de la Convention de 1954.

En vertu du droit coutumier, les parties à un conflit armé sont tenues de respecter et de faire respecter le DIH. C’est là une règle de DIH coutumier confirmée par la pratique des États, dans les conflits armés internationaux et non internationaux59 . De plus, les Hautes Parties contractantes aux Conventions de Genève, « qu’elles soient parties ou non à un conflit armé, s’engagent à faire respecter les Conventions par les autres Hautes Parties contractantes et les parties non étatiques à un conflit armé60  ». Cette obligation comporte deux dimensions, l’une interne et l’autre externe. Tant les États qui sont engagés dans le conflit en Syrie que ceux qui ne le sont pas ont un intérêt juridique à respecter le DIH en faisant tout ce qui est raisonnablement en leur pouvoir afin de s’assurer que les règles sont respectées par toutes les parties au conflit armé et pour prévenir ou faire cesser des violations61 .

Les obligations de DIH, telles que prévues par les Conventions de Genève et d’autres instruments, sont donc des obligations erga omnes partes, autrement dit des obligations qui s’imposent à toutes les autres Parties contractantes62 . Elles viennent ainsi compléter l’obligation interne, telle que fixée par le paragraphe 1 de l’article 4 et le paragraphe 1 de l’article 7 de la Convention de La Haye de 1954, qui prévoient que les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter les biens culturels situés tant sur leur propre territoire que sur celui des autres Hautes Parties contractantes sur lequel elles exercent un contrôle. Étant donné le champ possible de la dimension externe de cette obligation pour les États qui ne sont pas parties au conflit en Syrie, il est important d’examiner ce qu’elle implique précisément.

Selon l’Étude du CICR sur le DIH coutumier, les protestations diplomatiques et les mesures collectives sont les deux principaux moyens à disposition des États pour tenter de faire cesser les violations du droit international63 . S’agissant des violations contre des biens culturels, le Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954 fait explicitement référence à l’obligation erga omnes de faire respecter ses dispositions. Ainsi, l’article 31 dispose que « [d]ans les cas de violations graves du présent Protocole, les Parties s’engagent à agir, tant conjointement, par l’intermédiaire du Comité, que séparément, en coopération avec l’UNESCO et l’Organisation des Nations Unies et en conformité avec la Charte des Nations Unies64  ». Cette disposition s’ajoute à la possibilité pour un État, prévue par la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972, de demander une assistance internationale pour protéger des biens culturels en danger65 . Le Deuxième Protocole, qui compte aujourd’hui environ soixante-dix États parties66 , dispose que ces États ont l’obligation d’extrader ou de poursuivre les auteurs de violations de ses dispositions et de s’accorder une entraide judiciaire à cette fin67 . Au-delà de ces prescriptions, il y a eu peu de précisions quant au type de mesures que les États qui ne sont pas parties à un conflit armé pourraient prendre conformément à leur obligation de « faire respecter les règles [règles du DIH] en toutes circonstances », conformément au droit coutumier68 , inscrite à l’article 1 commun aux quatre Conventions de Genève et reprise par la Convention de La Haye de 195469 .

Application transnationale du droit

Outre les obligations imposées aux parties au conflit, la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels de 1970 (Convention de l’UNESCO de 1970) protège elle aussi les biens culturels syriens. Il s’agit là d’un instrument capital en ce qu’il introduit une responsabilité partagée des États dans la protection des biens culturels. La Syrie a ratifié la Convention de l’UNESCO de 1970, mais ne l’a pas transposée dans sa législation70 . Cette Convention traite avant tout de la protection des biens culturels en temps de paix71 en instituant diverses mesures préventives (comme la tenue d’un inventaire national et le suivi des échanges commerciaux), des dispositions relatives à la restitution et une coopération internationale indispensable pour la mise en œuvre de ses dispositions. Lorsque le patrimoine culturel est mis en danger par certains pillages, l’article 9 prévoit la possibilité pour un État de faire appel aux autres États en vue de prendre les mesures concrètes nécessaires comme le contrôle de l’importation et de l’exportation72 . Cet article renforce également l’interdiction du pillage des biens culturels qui figure parmi les interdictions contenues dans le Règlement de La Haye de 1907 (lesquelles ont aujourd’hui un caractère coutumier) et dans la Convention de 1954, en créant un mécanisme de protection approprié contre de tels actes73 .

À première vue, la Convention de l’UNESCO de 1970 semble être particulièrement adaptée pour protéger les biens culturels syriens, au regard de l’ampleur des pillages de musées et des excavations illégales de sites archéologiques dans ce pays74 . Étant donné le pillage des sites archéologiques en Syrie et en Irak, organisé méthodiquement par le groupe armé État islamique en Irak et en Syrie (EIIL) au travers de sa « division des antiquités », les dispositions de la Convention ont pris une autre dimension en endiguant les flux financiers alimentant le terrorisme75 . En faisant preuve de vigilance et en prenant des mesures concrètes relevant de leur propre juridiction, les États tiers qui ne sont pas parties au conflit en Syrie peuvent participer à la protection des biens culturels et faire respecter les règles du droit international. Comme la Syrie, l’Irak ainsi que les États voisins, la Jordanie, la Turquie et le Liban, sont tous parties à la Convention, l’engagement des États parties tiers, pourrait constituer un socle solide pour prévenir le transfert transnational de biens culturels provenant de pillages en Syrie.

La Convention de l’UNESCO a été rédigée en réponse à l’accroissement des vols dans les musées et sur les sites archéologiques dans l’ensemble de l’hémisphère sud à la fin des années 1960 et au début des années 1970, lesquels ont conduit à l’importation frauduleuse d’objets dont la provenance n’était pas identifiée, pour finir dans des collections privées ou publiques de pays occidentaux76 . La Convention part du principe que tous les États doivent participer à la lutte contre le trafic illicite en contrôlant davantage ce qui entre sur leur territoire et en aidant à restituer les objets volés. Toutefois, s’agissant de la Syrie, un certain nombre d’obstacles empêchent la pleine application de la Convention. Comme certains observateurs l’ont souligné, il sera extrêmement difficile de retrouver la trace d’objets qui auraient été illicitement exportés, étant donné que beaucoup ont été excavés de sites en toute illégalité et qu’ils étaient donc jusqu’alors inconnus, tandis que d’autres proviennent de musées dont les collections n’ont jamais été convenablement inventoriées. De plus, la rupture des relations diplomatiques entre la Syrie et certains pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, va rendre encore plus improbable une quelconque coopération internationale dans ce domaine77 . Si ces efforts ont été confortés par l’adoption en février 2015 de la résolution 2199 du Conseil de sécurité des NU, comme cela est expliqué ci-dessous, il reste encore bien des obstacles pour enrayer le trafic d’objets d’art syriens.

Ni la Syrie ni aucun de ses voisins ne sont parties à la Convention d’UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés de 1995 qui vient renforcer et compléter les dispositions de la Convention de l’UNESCO de 1970 en établissant un corps minimum de règles juridiques aux fins de restitution et de retour des biens culturels afin d’harmoniser les diverses législations nationales en vigueur. Cet instrument n’est cependant pas dépourvu d’intérêt car il pourrait s’appliquer dans les pays d’importation et être utilisé dans le futur. La Convention d’UNIDROIT qui a un effet direct en droit national, énonce des moyens concrets permettant de demander le remboursement d’objets culturels volés et illicitement exportés. Récemment, une initiative d’États membres du Conseil de l’Europe visant à porter un coup d’arrêt au marché noir des antiquités, a débouché sur la Convention de Nicosie sur les infractions visant des biens culturels (également connue sous le nom de « Convention sur les antiquités du sang ») qui est désormais ouverte à la signature de tous les pays du monde78 . Destinée à améliorer encore la prévention, les enquêtes et les poursuites des infractions pénales visant des biens culturels, elle aborde la question du réseau complexe des intermédiaires, des prestataires, des restaurateurs et des vendeurs d’œuvres d’art qui participent ainsi à la destruction et au trafic de biens culturels. La récente Convention de Nicosie vise à combler les insuffisances du système actuel, telles qu’elles ont été identifiées par le Conseil de sécurité des NU au travers de ses nombreux appels aux États afin qu’ils adoptent des mesures nationales efficaces pour prévenir et combattre le trafic des biens culturels ainsi que d’autres infractions connexes, dans ses résolutions 2199 (12 février 2015), 2253 (17 décembre 2015), 2322 (12 décembre 2016) et 2347 (24 mars 2017). Ces résolutions sont étudiées plus en détail ci-après.

Droit international des droits de l’homme

La protection du patrimoine culturel est solidement confortée par le droit international des droits de l’homme qui reconnaît le droit d’avoir accès au patrimoine culturel et d’en jouir, le droit de participer à la vie culturelle, le droit des minorités d’avoir le libre accès à leur culture, le droit des peuples autochtones à disposer d’eux-mêmes et de préserver, de contrôler, de protéger et de développer le patrimoine culturel en temps de paix et en période de guerre79 . Selon l’Experte indépendante dans le domaine des droits culturels,

[l]e droit d’accéder au patrimoine culturel et aux bénéfices qui en découlent comprend le droit des individus et des communautés de, notamment, connaître, comprendre, découvrir et voir le patrimoine culturel, d’en faire usage, de le préserver, de le mettre en commun et de le développer, ainsi que celui de bénéficier du patrimoine culturel et des créations d’autrui. Il comprend également le droit de prendre part au recensement, à l’interprétation et au développement du patrimoine historique, ainsi qu’à la conception et à la mise en œuvre de politiques et de programmes de préservation et de sauvegarde80 .

L’Experte indépendante affirme que l’accès au patrimoine culturel et la jouissance de ce patrimoine sont considérés comme un droit fondamental et sont liés aux droits de l’homme, tels que le droit à la liberté d’opinion et d’expression, le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, les droits économiques, le droit à l’éducation et le droit au développement. Sous l’angle des droits de l’homme, le patrimoine culturel est important dans sa « dimension humaine » compte tenu de ce qu’il signifie pour les individus et les groupes ainsi que pour leur identité81 .

Envisagé sous cet angle, le droit international des droits de l’homme établit indiscutablement une protection des biens culturels. Dans son Observation générale no 21, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels rappelle que l’obligation des États de faciliter l’exercice du droit de chacun de participer à la vie culturelle conformément à l’article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui prévoit l’obligation de respecter et de protéger le patrimoine culturel sous toutes ses formes et de tous les groupes82 . En précisant que cette obligation s’applique en période de conflit armé, l’Observation générale no 21 souligne que l’obligation de respecter et protéger le patrimoine culturel inclut « la protection, la préservation et la restauration des sites historiques, monuments, œuvres d’art et œuvres littéraires, entre autres83  » et relève que « les obligations de respecter et de protéger les libertés, le patrimoine culturel et la diversité culturelle ne peuvent être énumérées séparément car elles sont liées les unes aux autres », ce qui signifie que le patrimoine culturel d’un peuple ne peut être envisagé indépendamment de ce dernier ni de ses droits84 . Au-delà de la préservation ou de la sauvegarde d’un objet ou d’une pratique culturelle en soi, aborder le patrimoine culturel sous l’angle des droits de l’homme « oblige à tenir compte des droits des personnes et des communautés en rapport avec cet objet ou cette pratique et, en particulier, d’établir un lien entre le patrimoine culturel et sa source de production85  ».

Selon la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, une approche de la protection du patrimoine culturel fondée sur les droits de l’homme et la dimension humaine a eu une influence sur les traités internationaux qui protègent le patrimoine culturel en tant que tel. Soulignant le soutien massif en faveur de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel (1972) et de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003), la Rapporteuse spéciale a observé que l’on est passé, ces dernières années, d’une préservation et d’une sauvegarde du patrimoine culturel en tant que tel à une protection du patrimoine culturel liée à sa valeur essentielle pour les êtres humains compte tenu de leur identité culturelle86 .

Résolutions du Conseil de sécurité des NU sur ce sujet

Quatre résolutions du Conseil de sécurité des NU traitent des attaques contre les biens culturels en Syrie et en Irak, sur les territoires desquels l’EIIL a conduit sa campagne de destruction des biens culturels87 et où des années de conflit armé ont mis en péril un riche patrimoine culturel. En mai 2003, à la suite de l’invasion de l’Irak par les États-Unis, ouvertement critiqués pour leur incapacité à protéger les musées et les institutions culturelles irakiennes du pillage pendant les premiers jours de l’occupation, le Conseil de sécurité des NU a adopté la résolution 1483. Celle-ci demandait aux États membres d’aider à la reconstruction de l’Irak après le conflit, notamment de « prendre les mesures voulues pour faciliter la restitution, en bon état, aux institutions iraquiennes des biens culturels iraquiens […], notamment en frappant d’interdiction le commerce ou le transfert de ces biens88  ». À bien des égards, cette résolution a jeté les bases de la réponse apportée par le Conseil de sécurité à la destruction des biens culturels irakiens ces quinze dernières années. Plus encore, le Conseil de sécurité ayant considéré que la situation en Irak en 2003 constituait toujours une menace pour la paix et la sécurité internationales, il convient de relever que la résolution a été adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des NU, ce qui la rend contraignante pour tous les États membres des NU. Cette résolution a par ailleurs posé la restitution des biens culturels irakiens et l’interdiction de leur transfert comme faisant partie de la reconstruction de l’Irak au lendemain du conflit et les a liées au maintien de la paix et de la sécurité internationales.

La résolution 2139 qui appelait principalement toutes les parties au conflit en Syrie à autoriser un accès à l’aide humanitaire et qui fut adoptée à l’unanimité en février 2014, appelait également les parties à « préserver la diversité de la société syrienne qui fait sa richesse et le patrimoine culturel du pays, et à prendre les mesures nécessaires pour protéger les sites du patrimoine mondial qui se trouvent en Syrie89  ». Même si elle n’a pas été adoptée en vertu du Chapitre VII, cette résolution a fait de la protection des biens culturels une question liée aux violences et à la détérioration de la situation humanitaire en Syrie.

Un an plus tard, en février 2015, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité et en vertu du Chapitre VII de la Charte des NU, la résolution 2199, qui abordait directement la destruction du patrimoine culturel par l’EIIL. La résolution « condamne les destructions du patrimoine iraquien et syrien » par Daech et demande à tous les États Membres de l’Organisation de « prendre les mesures voulues pour empêcher le commerce des biens culturels [illicitement acquis] iraquiens et syriens et des autres objets ayant une valeur archéologique, historique, culturelle, scientifique ou religieuse90  », rappelant ainsi les termes de la résolution 1483. La résolution 2199 décide, quant à elle, de mesures concrètes, notamment l’interdiction du commerce transnational de ces objet et demande à l’UNESCO, à INTERPOL et aux autres organisations compétentes de faciliter la mise en œuvre de ces dispositions91 .

En ce qu’elle aborde la destruction du patrimoine culturel, la résolution 2199 a marqué une étape décisive pour la communauté internationale. Avant 2015, les conflits en cours au Moyen-Orient, notamment en Irak et en Syrie, mais aussi au Mali, avaient suscité une attention considérable sur la question de la destruction du patrimoine culturel par des groupes armés. Après plusieurs années de pressions, le Conseil de sécurité des NU a condamné la destruction du patrimoine syrien et réaffirmé l’importance de la prévention du trafic illicite des objets d’art syriens, comme il l’avait fait pour l’Irak en 2003 par la résolution 1483. En faisant le lien entre la lutte contre le terrorisme et le trafic de biens culturels par des organisations terroristes, le Conseil de sécurité a adopté cette résolution afin de lutter contre le financement des organisations terroristes, en particulier de l’EIIL et du Front al-Nosra, le trafic illicite de biens culturels leur ayant permis de renforcer leurs capacités opérationnelles92 .

Il est important de relever qu’une interdiction similaire visant les atteintes au patrimoine culturel irakien en 2003, a permis de réduire le volume d’objets vendus illicitement sur le marché international93 . La résolution 2199 a ouvert la voie au renforcement de la protection des biens culturels contre la destruction.

Depuis, les États et les organisations internationales ont pris appui sur la résolution 2199 pour placer la protection de la culture dans les priorités du Conseil de sécurité. Par exemple, le 27 avril 2016, pour faire suite à la résolution 2199, la France et la Jordanie, qui était encore membre du Conseil de sécurité, ont organisé une réunion en « formule Arria », c’est-à-dire une session confidentielle et informelle, sur la lutte contre la destruction, le pillage et le vol du patrimoine culturel et l’obligation de rendre des comptes pour ces actes. Le 20 janvier 2017, le Conseil de sécurité a fait une déclaration à la presse sur la destruction du patrimoine culturel et les exécutions à Palmyre, en Syrie94 . À la suite de l’adoption de la résolution 2199, l’UNESCO a élaboré une stratégie pour renforcer son action en matière de protection de la culture dans les situations d’urgence. Cette stratégie, qui fait expressément référence aux droits de l’homme et aux droits culturels, énumère les mesures à prendre pour réduire la vulnérabilité du patrimoine culturel avant, pendant et après un conflit. Elle aborde également la réhabilitation du patrimoine culturel, en reconnaissant son rôle dans le renforcement du dialogue interculturel et pour intégrer la protection de la culture dans l’action humanitaire, ainsi que les stratégies de sécurité et les processus de construction de la paix95 . La stratégie a été suivie par l’adoption de directives opérationnelles pour la mise en œuvre de la Convention de l’UNESCO, qui ont pour but de renforcer les actions visant à restituer à la Syrie des biens culturels objets d’un trafic illicite96 .

Tous ces efforts ont abouti à l’adoption à l’unanimité, en mars 2017, de la résolution 2347 du Conseil de sécurité des NU, la première portant exclusivement sur le patrimoine culturel. Bien qu’elle n’ait pas été adoptée en vertu du Chapitre VII, l’UNESCO a salué le soutien unanime à cette résolution qui reflète une reconnaissance nouvelle de l’importance de la protection du patrimoine pour la paix et la sécurité97 .

Les négociations qui ont entouré la résolution 2347 sont instructives en ce sens qu’elles ont révélé toute une série d’opinions divergentes sur la manière de traiter certains aspects spécifiques de la protection du patrimoine culturel en cas de conflit armé. Dans le projet initial, ce texte reprenait des éléments issus de plusieurs décisions précédentes du Conseil de sécurité relatives à la lutte contre le terrorisme et notamment de la résolution 2199. En outre, les rédacteurs - la France et l’Italie - ont intégré des formulations utilisées dans les textes d’autres organes et organisations des NU, ainsi que dans des conventions internationales et d’autres sources de droit international. À l’origine, la résolution 2347 devait reprendre la résolution 2199 et en étendre le champ, limité à la seule menace terroriste pesant sur les biens culturels, pour y ajouter, plus largement, la protection du patrimoine culturel dans les conflits armés. Certains membres du Conseil de sécurité, en particulier la Russie et l’Égypte, étaient embarrassés par ce champ trop large, estimant que le texte risquait d’être trop vague et pas assez précis98 .

Le projet initial faisait aussi référence aux deux principales conclusions de la Conférence internationale sur la protection du patrimoine en péril qui s’était tenue à Abou Dhabi en 2016, en saluant l’intention de créer un fonds international pour la protection du patrimoine culturel ainsi qu’en encouragent la création d’un réseau de refuges dans le pays d’origine et, en dernier ressort, dans un autre pays99 . Le principe même de la création de refuges pour mettre à l’abri des biens culturels à l’extérieur du territoire national, a particulièrement troublé certains membres qui accordent de l’importance au respect de la souveraineté et qui se sont interrogés sur l’applicabilité universelle de ce principe, étant donné que seuls deux pays, la France et la Suisse, s’étaient dotés d’une législation autorisant la création de tels refuges. D’autres États s’opposaient à la référence faite à la création d’un fonds international pour la protection du patrimoine culturel en péril et, en guise de compromis, le projet mettait l’accent sur le fait que les États avaient la responsabilité première de protéger leur patrimoine culturel et, le cas échéant, la possibilité de créer des refuges sur leur propre territoire plutôt que de créer des refuges internationaux100 .

Hormis ces points de divergence, les États membres semblent être tombés d’accord sur la liste de mesures à mettre en œuvre qui leur était proposée. Parmi celles-ci, on trouve la création et l’amélioration d’inventaires nationaux du patrimoine culturel et la mise en commun de ces données avec les autorités compétentes ; l’adoption de règlements, conformes aux normes internationales, régissant l’exportation et l’importation de biens culturels ; le partage d’informations avec INTERPOL, l’UNESCO, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime ou d’autres organisations ; l’adoption de dispositions en vue d’assurer le retour en toute sécurité des biens culturels qui ont été déplacés ou enlevés en raison d’un conflit armé. La résolution 2347 a également reconnu que les opérations de maintien de la paix des NU pouvaient être chargées de la protection du patrimoine culturel101 . Bien qu’il reste à voir si les autorités compétentes sur le terrain demanderont à bénéficier d’une telle assistance, comme cela est prévu par la résolution, cela montre que le Conseil de sécurité des NU a tiré les leçons de l’expérience de la Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). La MINUSMA, qui aide les autorités de transition maliennes à protéger les sites culturels et historiques en coopération avec l’UNESCO, est aujourd’hui la seule mission de maintien de la paix des NU en exercice qui a cette tâche dans son mandat102 .

On retrouve les principes établis par ces résolutions dans des décisions plus récentes du Conseil de sécurité, comme la résolution 2379, qui instaure une équipe d’enquêteurs indépendante chargée d’amener l’EIIL à rendre des comptes pour les crimes perpétrés en Irak. En condamnant les crimes commis par l’EIIL, cette résolution fait expressément référence à la destruction du patrimoine culturel, y compris les sites archéologiques, et au trafic de biens culturels103 . Cela montre que, pour le Conseil de sécurité, la protection des biens culturels englobe des mesures relatives à l’obligation de rendre des comptes.

Les biens culturels, un champ de bataille en Syrie

Les dommages causés aux biens culturels en Syrie témoignent de la façon dont la guerre a été menée. Un très grand nombre de sites patrimoniaux et de musées ont été endommagés car ceux-ci se sont trouvés pris dans les combats, comme les vieilles villes de Bosra et d’Alep104 . D’autres sites, tels le Krak des Chevaliers et la citadelle d’Alep, ont été utilisés à des fins militaires105 . Le pillage et le trafic illicite sont devenus des sources de financement participant à la prolifération des armes, avec des groupes bien organisés et souvent armés qui prennent systématiquement pour cible de nombreux sites archéologiques en Syrie pour pratiquer des excavations clandestines106 . La situation des musées est elle aussi préoccupante, avec de multiples exemples de pillages de biens culturels de valeur. Des groupes armés, parmi lesquels l’EIIL, ont délibérément pris pour cible des biens culturels, comme le site de Palmyre107 .

La destruction du patrimoine syrien a également été politisée, les forces armées gouvernementales et les groupes armés s’accusant réciproquement d’avoir anéanti le patrimoine culturel syrien et utilisant ces accusations à des fins de propagande. Le gouvernement accuse les groupes islamistes de pillage, tandis que les groupes armés dénoncent l’emploi indiscriminé de l’artillerie lourde contre des sites historiques108 . Les deux parties ont été accusées d’installer des positions militaires sur des sites patrimoniaux109 . Le contrôle sur le patrimoine culturel est aussi devenu une affaire hautement politique : ainsi, le théâtre romain de Palmyre a accueilli un concert de l’orchestre symphonique du théâtre Mariinsky de Saint Pétersbourg (Russie110 ), avant d’être lourdement endommagé par une explosion perpétrée délibérément par l’EIIL111 .

Le patrimoine culturel se trouve donc aux premières lignes de front de la guerre en Syrie. C’est, à la fois un champ de bataille et la cible des nouveaux acteurs de ce conflit, sa destruction étant utilisée à des fins de propagande. Tout cela a mis les règles actuelles du droit international à rude épreuve. Des observateurs ont attiré l’attention sur le fait que la condamnation unanime de la destruction des biens culturels en Syrie dans les médias était considérée par une grande partie des Syriens comme une marque d’indifférence pour les milliers de morts provoqués par ce conflit et que la destruction d’objets d’art et de sites antiques ne pouvait pas être mise sur le même plan que les souffrances humaines112 .

Cette observation mérite notre attention. C’est aussi une question qui a été évoquée dans les conclusions des juges de la CPI. Ainsi, dans l’affaire Al Mahdi, les juges ont clairement indiqué que « [la Chambre] est d’avis que, bien que fondamentalement graves, les crimes contre les biens le sont généralement moins que les crimes contre les personnes113  ».

Cette différenciation entre les crimes contre les biens et les crimes contre les personnes peut toutefois, être artificielle. Selon la Rapporteuse spéciale dans le domaine des biens culturels, comme en témoignent de nombreuses communications qu’elle a reçues, les aspects matériel et immatériel du patrimoine culturel sont étroitement liés. Elle affirme que la protection du patrimoine culturel est inséparable de la protection des vies humaines. La destruction des biens matériels (définis de manière large par la Convention de La Haye de 1954, comme comprenant des biens meubles et des biens immeubles114 ) entraîne la destruction de l’immatériel, telles les pratiques religieuses et culturelles, les traditions, les coutumes, les expressions artistiques et le folklore, l’histoire et la mémoire, ainsi que l’identité d’une société ou d’une communauté. La Rapporteuse spéciale insiste sur le fait que « [l]es attaques combinées sur le patrimoine culturel, les populations et leurs droits culturels sèment la terreur, la peur et le désespoir115  ».

Pour d’autres, le patrimoine culturel est élevé au rang de « bien public international » qui mérite à ce titre que la communauté internationale y prête attention et s’en préoccupe. L’internationalisme culturel, tout comme le nationalisme culturel, deux approches opposées, ont tous deux marqué de leur empreinte les instruments juridiques internationaux relatifs aux biens culturels116 . L’internationalisme culturel considère que les biens culturels appartiennent au patrimoine culturel de tous les peuples et qu’ils présentent donc un intérêt mondial. Cette idée tire son origine de la notion de « patrimoine commun à toute l’humanité » qui remonte à la période napoléonienne117 et qui fut énoncée formellement, pour la première fois, dans le Préambule de la Convention de La Haye de 1954, lequel dispose que « les atteintes portées aux biens culturels, à quelque peuple qu’ils appartiennent, constituent des atteintes au patrimoine culturel de l’humanité entière, étant donné que chaque peuple apporte sa contribution à la culture mondiale118  ». Au contraire, selon le nationalisme culturel, les biens culturels devraient rester dans leur pays d’origine et être accessibles à la société et à la communauté auxquelles ils appartiennent. D’après le nationalisme culturel qui repose sur le principe de souveraineté nationale, le patrimoine culturel d’une population est indissociable des biens culturels et c’est pourquoi leur restitution doit donc être exigée. Cette idée est au cœur de la Convention de l’UNESCO de 1970. Mais cette Convention montre aussi que ces deux courants de pensée ne sont pas incompatibles. L’internationalisme culturel peut englober le nationalisme culturel119 . Les biens culturels peuvent ainsi « appartenir » à l’ensemble de l’humanité – et leur destruction concerne alors l’humanité tout entière –, tout en restant préservés et appréciés là où ils sont, avec l’histoire, l’origine et l’environnement qui sont les leurs120 . On retrouve cette idée dans la Convention de l’UNESCO qui considère que « les biens culturels sont un des éléments fondamentaux de la civilisation et de la culture des peuples121  ».

De ce point de vue, il y a des ressemblances frappantes entre d’une part la manière dont la protection du patrimoine et des biens culturels a été inscrite dans le droit international et, d’autre part, l’idée qui est à l’origine de la notion de crime contre l’humanité. On considère généralement que le crime contre l’humanité est caractérisé par deux principaux éléments. Tout d’abord il s’agit d’un crime tellement odieux qu’il est considéré comme une attaque contre le statut d’être humain122 . Deuxièmement, le crime est d’une telle gravité qu’il porte atteinte non seulement aux victimes directes, mais également à toute l’humanité, ce qui signifie que l’humanité tout entière a un intérêt à le punir. Il a été observé que « tandis que les règles proscrivant les crimes de guerre concernent le comportement criminel de l’auteur d’un crime directement envers un sujet protégé, les règles proscrivant les crimes contre l’humanité concernent le comportement d’un criminel non seulement envers la victime immédiate, mais aussi envers l’humanité tout entière » en ce qu’ils constituent des attaques odieuses à la dignité humaine et à la notion même d’humanité. Ils portent donc atteinte – ou sont susceptibles de porter atteinte – « à tous les membres de l’humanité indépendamment de leur nationalité, de leur appartenance ethnique et de l’endroit où ils se trouvent123  ». C’est ce deuxième aspect qui présente une similitude frappante avec l’idée qu’une attaque contre les biens culturels de n’importe quel peuple cause un préjudice au patrimoine culturel de l’humanité tout entière.

Cette idée a été reprise par la jurisprudence internationale. Ainsi, dans le cadre de l’examen de la gravité de l’infraction d’endommagement de biens culturels dans l’affaire Strugar, la Chambre de première instance du TPIY a fait observer que « de tels biens présentent par définition une “grande importance pour le patrimoine culturel des peuples”124  ». Cette approche a pour résultat de considérer que la victime d’une infraction d’endommagement des biens culturels « doit être plus largement entendue au sens de “peuple” et non d’individu ». Malgré le caractère abstrait de cette approche, la Chambre a estimé que l’infraction avait eu de graves conséquences pour la victime dans la mesure où elle était caractérisée par les mêmes critères de gravité que d’autres violations portées devant le TPIY125 . Par exemple, dans l’affaire Jokić, la Chambre de première instance a fait observer que la destruction et les dommages causés à la vieille ville de Dubrovnik constituaient des crimes très graves et a conclu que « si une attaque contre des bâtiments civils constitue une violation grave du droit international humanitaire, c’est un crime encore plus grave d’attaquer un site spécialement protégé tel que la vieille ville126  ». Dans l’affaire Kordic et Cerkez, la Chambre de première instance a considéré que les attaques contre des mosquées antiques de Bosnie-Herzégovine équivalaient à « une attaque contre l’identité religieuse même d’un peuple » et qu’en tant que telles ces attaques illustraient « de manière quasi exemplaire la notion de “crimes contre l’humanité”, car de fait, c’est l’humanité dans son ensemble qui est affectée par la destruction d’une culture religieuse spécifique et des objets culturels qui s’y rattachent127  ». Comme l’a expliqué le juge Cançado Trindade dans son opinion relative à l’ordonnance de la Cour internationale de Justice (C.I.J.) en l’affaire du Temple de Préah Vihéar au Cambodge, « les titulaires ultimes du droit à la sauvegarde et à la préservation du patrimoine culturel et spirituel sont les collectivités humaines concernées, voire l’humanité tout entière128  ».

Et, effectivement, en filigrane de la condamnation de Al Mahdi, on voit que l’accusation a mis l’accent sur les conséquences de ses crimes sur les personnes, en affirmant que les souffrances humaines dont dues, en grande partie, à la destruction de biens culturels. Pendant la phase des réparations, les juges ont identifié « la communauté internationale » comme l’une des victimes concernées par les crimes commis129 . Dans son jugement, la Chambre de première instance a fait observer que, dès lors que les monuments étaient inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, « l’attaque dont ils ont fait l’objet semble particulièrement grave car leur destruction affecte non seulement les victimes directes des crimes – les fidèles et habitants de Tombouctou – mais aussi toute la population du Mali et la communauté internationale130  ». À l’appui, les juges ont pris note d’un témoignage qui a décrit comment « l’ensemble de la communauté internationale, pour qui le patrimoine appartient à la vie culturelle, souffre de la destruction de ces sites protégés131  ». Bien que la CPI s’inspire clairement de la jurisprudence du TPIY, c’est la première fois, avec l’affaire Al Mahdi, que la communauté internationale en tant que telle, a été reconnue comme une victime, lors de la phase des réparations. Le droit à réparation est étendu à la communauté internationale dans son ensemble. Il s’agit d’une décision audacieuse et remarquable car, jusque-là, l’interdiction d’attaquer les biens culturels n’était pas associée aux répercussions sur les personnes et aucune des dispositions des conventions sur le patrimoine culturel n’établit de lien entre les dommages causés aux biens culturels et le préjudice subi par les êtres humains, leur tissu social ou leurs pratiques religieuses. Bien qu’ils soient sur l’idée que « les atteintes portées aux biens culturels, à quelque peuple qu’ils appartiennent, constituent des atteintes au patrimoine culturel de l’humanité entière132  », ce sont les mouvements de défense des droits de l’homme et la jurisprudence pénale internationale qui ont su faire le lien entre le patrimoine et l’identité de l’être humain.

Selon une autre approche, les crimes contre les biens et les crimes contre les personnes ne devraient pas être opposés ; en réalité, il n’y a pas de hiérarchie entre ces crimes dès lors que la protection des biens culturels devrait être partie intégrante de toute action humanitaire. En août 2013, Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO, soulignait :

Je suis bien consciente que face à une crise humanitaire tragique, la question du patrimoine culturel syrien peut paraître secondaire. Cependant, je reste convaincue que cette crise doit être abordée, telle qu’elle est, dans toutes ses dimensions. Nous n’avons pas à choisir entre protéger des vies humaines et sauvegarder la dignité d’un peuple au travers de sa culture. Les deux doivent être protégés, car ils ne font qu’un. Il n’y a pas de culture sans peuple, ni de société sans culture [traduction CICR]133 .

Cette approche fait fortement écho à celle de la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels pour laquelle la protection des biens culturels revient à protéger l’un des fondements de la vie humaine134 .

Dans la pratique, cela signifie que la protection du patrimoine culturel est désormais prise en compte dans la réponse humanitaire. L’un des objectifs de la Stratégie pour le renforcement de l’action de l’UNESCO en matière de protection du patrimoine culturel et de promotion du pluralisme culturel135 , adoptée par la 38e Conférence générale de l’Organisation, est d’« intégrer la protection de la culture dans l’action humanitaire, les stratégies de sécurité et les processus de construction de la paix en faisant participer les acteurs concernés en dehors du domaine de la culture […] notamment ceux de l’humanitaire, de la sécurité et de la consolidation de la paix136  ». En février 2016, l’UNESCO a signé un accord de partenariat avec le CICR qui prévoit un échange d’informations sur les biens culturels menacés en cas de conflit armé et l’assistance du CICR pour les opérations de sauvegarde, d’évacuation ou de protection d’urgence de biens culturels particuliers exposés à un risque imminent137 . Pour Irina Bokova, alors directrice-générale de l’UNESCO, ce partenariat témoigne « de l’intérêt mondial croissant porté à la protection du patrimoine culturel qui ne relève pas seulement de l’urgence culturelle mais constitue également un impératif humanitaire138  ». Partant de là, une discussion s’est engagée sur le point de savoir si la destruction des biens culturels devrait être un indicateur précoce qui permettrait d’agir pour prévenir des atrocités et si elle peut, en soi, entraîner la « responsabilité de protéger ». En 2014, le Bureau des NU pour la prévention du génocide et la responsabilité de protéger a élaboré un « Cadre d’analyse des atrocités criminelles », véritable outil d’évaluation du risque de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dans lequel la destruction de biens liés à l’identité culturelle ou religieuse est considérée comme un indicateur important pour la prévention des atrocités criminelles139 . Cette démarche est confortée par des précédents historiques qui montrent que la réhabilitation de biens culturels a contribué au redressement social et économique. Ainsi, après la guerre civile espagnole et, plus tard, les guerres balkaniques, « les personnes déplacées et les réfugiés ne sont revenus dans leurs villes et villages qu’une fois entamée la reconstruction de sites patrimoniaux qui avaient pour eux une grande signification, même si cette reconstruction a démarré des années plus tard [traduction CICR]140  ».

En 2015, l’UNESCO a convoqué un groupe d’experts chargés de déterminer si la « responsabilité de protéger », telle qu’elle est énoncée aux paragraphes 138-140 de la résolution 60/1 (par laquelle l’Assemblée générale des NU a adopté le Document final du Sommet mondial de 2005), pouvait être appliquée au patrimoine culturel. Le groupe d’experts a reconnu que la destruction intentionnelle et le détournement du patrimoine culturel pouvaient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité et pouvaient apporter la preuve d’une volonté génocidaire et entrer, de ce fait, dans le champ de la « responsabilité de protéger141  ». Comme l’a déclaré Raphael Lemkin, le juriste à l’origine du terme génocide, « brûler des livres n’est pas la même chose que brûler des corps […] mais lorsque l’on s’oppose […] à la destruction massive d’églises et de livres, on intervient juste à temps pour éviter que des corps ne soient brûlés [traduction CICR]142  ».

À bien des égards, la responsabilité de protéger fait déjà partie du cadre protecteur du patrimoine et des biens culturels. Cela atteste que les biens culturels font partie intégrante de la vie humaine, qu’ils constituent un bien public international ainsi qu’un impératif humanitaire, comme expliqué précédemment. Par exemple, la Convention concernant la protection du patrimoine mondial de 1972 instaure un système par lequel les États peuvent mettre en place des mesures internationales de protection qui peuvent prévenir les dommages causés aux biens culturels menacés, en sécurisant des zones sensibles à l’aide de clôtures, en mettant en place des patrouilles et des équipes de surveillance ainsi qu’en émettant des avertissements143 . Le caractère transnational des obligations juridiques relatives à la lutte contre le trafic de biens culturels, telles qu’établies par la Convention de l’UNESCO de 1970, implique que tous les États parties s’engagent à prendre des mesures de protection. Cela signifie que si la mise en œuvre nationale est insuffisante, il existe des mécanismes permettant de restituer des biens culturels exportés illicitement, à des pays comme la Syrie144 . D’un point de vue pratique, la Convention de l’UNESCO exige des États tiers qu’ils prennent des mesures concrètes pour protéger les biens culturels menacés, conformément à l’obligation de « respecter et faire respecter » les dispositions des Conventions de Genève « en toutes circonstances145  ». Il s’agit là d’un exemple de mesure concrète que les États peuvent prendre dans les domaines relevant de leur propre juridiction et dans leurs relations avec les forces qu’ils soutiennent, afin d’offrir une protection réelle et tangible dans le cadre du conflit armé en Syrie ; cela montre le caractère unique de la protection juridique internationale accordée aux biens culturels et cela atteste que la protection des biens culturels s’inscrit dans un véritable effort d’application du droit international.

Mesures de protection innovantes en réponse à la destruction de biens culturels en Syrie

La protection du patrimoine culturel est l’un des rares domaines où la communauté internationale s’est mobilisée pour trouver des mesures innovantes en réponse à la situation en Syrie. Le résultat est perfectible et les mesures n’ont pas eu partout la même efficacité, mais elles ont ouvert de nouveaux horizons dans un conflit alors marqué par l’absence de respect et un mépris généralisé du droit international. Sur le terrain, les personnes et les institutions culturelles ont endossé le rôle de premiers intervenants et ont comblé le vide en mettant sur pied une réponse efficace de la société civile. Les États ont, peut-être de manière plus significative, adopté des mesures concrètes qui ont participé à la protection des biens culturels syriens et qui ont ouvert la voie à d’autres formes de protection pour le futur. Enfin, les organisations internationales ont donné plus d’ampleur à leurs actions pour prévenir la destruction du patrimoine culturel en élargissant leurs mandats.

Des acteurs non étatiques tels que les institutions culturelles et des bénévoles locaux, que ce soit dans les pays concernés ou dans d’autres États, ont été les premiers à réagir face aux menaces pesant sur les biens culturels. Les réseaux de bénévoles locaux en Syrie assurent la sécurité et la protection des sites archéologiques contre les excavations illégales et préservent les musées du pillage. Ce sont également eux qui ont aidé à récupérer des objets pillés ayant une grande valeur culturelle et à collecter des informations sur les objets en péril146 . Des musées à l’étranger, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni147 , ont mis en place des programmes de renforcement des capacités pour former les professionnels des antiquités syriennes et irakiennes à la protection des collections contre les le pillage et d’autres menaces. Ainsi, dans le cadre de son projet visant à sauvegarder le patrimoine syrien et irakien148 , la Smithsonian Institution’s Cultural Rescue Initiative, a formé des employés des musées syriens à l’utilisation de sacs de sable et d’autres matériaux ainsi qu’au recours à d’autres procédés afin de protéger les mosaïques antiques du musée de Maz’arra, dans la province d’Idlib, qu’il n’était pas possible de déplacer149 . Si de telles initiatives sont louables, il n’en reste pas moins qu’il s’agit pour la plupart d’entre elles, d’actions prises dans l’urgence qui n’auraient pas été nécessaires grâce à de meilleures mesures préventives. Par exemple, conformément à la Convention sur le Patrimoine mondial de 1972 à laquelle elle est partie, la Syrie aurait pu demander une assistance internationale pour protéger ses biens culturels menacés150 . Cette assistance internationale, qui aurait consisté à sécuriser les zones sensibles menacées à l’aide de clôtures, à mettre en place des moyens de surveillance et des patrouilles, ainsi qu’à émettre des avertissements, aurait pu servir de « mesures préventives contre le pillage […] alors que l’éclatement du conflit armé semblait inévitable et alors que les principales voies de communication telles que les aéroports et les routes étaient encore ouvertes ou sûres [traduction CICR]151  ».

Plus particulièrement, des États tiers ont adopté des mesures qui ont prouvé leur capacité d’assumer leurs responsabilités dans la protection des biens culturels en Syrie. Par ces mesures, ces États (qu’ils soient ou non eux-mêmes parties au conflit armé en Syrie) ont contribué à faire respecter le droit international en Syrie, conformément à leurs obligations en vertu de l’article 4, paragraphe 1 et de l’article 7, paragraphe 1 de la Convention de La Haye de 1954 et de l’article 1 commun aux Conventions de Genève. Ils ont également élaboré des mécanismes de protection innovants et efficaces qui ont élargi l’horizon au-delà de l’assistance et de l’intervention militaires pour les États désireux de contribuer à améliorer le respect du droit international en Syrie. Bien qu’aucune de ces mesures de protection des biens culturels n’ait été présentée comme destinée à s’acquitter pleinement de l’obligation des États de faire respecter le DIH, certaines ont été prises en réponse à la généralisation des attaques contre le patrimoine culturel dans les conflits contemporains et comme un impératif pour la paix. Ainsi, en septembre 2017, lors de la présentation de la nouvelle politique de l’Union européenne relative à la protection du patrimoine culturel à l’Assemblée générale des NU, la Haute représentante de l’UE, Federica Mogherini, a souligné que la protection du patrimoine culturel est « une question de sécurité et de politique étrangère [traduction CICR]152  ». En adoptant une nouvelle loi pour la protection des biens culturels qui transpose en droit interne la Convention de l’UNESCO de 1970, Monika Grutters, la ministre adjointe chargée de la Culture et des Médias du gouvernement fédéral allemand, a déclaré que ce nouveau texte de loi aiderait à « protéger les biens culturels […] d’autres États contre l’excavation clandestine et le trafic illicite plus efficacement […] en particulier dans des pays déchirés par des crises ou des guerres, comme en Syrie ou en Irak [traduction CICR]153  ». De telles déclarations montrent que ces mesures sont un modèle à suivre pour des actions futures.

Certains États, dont les États-Unis, tiennent compte désormais, dans la planification de leurs opérations militaires, des informations relatives aux biens culturels d’Irak et de Syrie consignées sur la liste du patrimoine mondial154 . Le Royaume-Uni a fait de même, en confiant aux institutions culturelles la tâche de sensibiliser les porteurs d’armes à leurs obligations de DIH155 . Quant à l’UE, elle a élaboré sa première stratégie (la première au monde) dans le domaine des relations culturelles internationales associant des experts de la protection des biens culturels issus des 15 missions militaires et civiles de l’UE156 . Présentée en septembre 2017 lors de l’Assemblée générale des NU, cette nouvelle stratégie européenne s’engage par ailleurs à restaurer les sites culturels endommagés et détruits, ainsi qu’à interdire l’importation illicite de tout bien culturel. Elle s’inspire de plusieurs initiatives similaires, comme le programme Culture in Crisis du Victoria & Albert Museum par lequel le musée contribue beaucoup à la mise en œuvre, nationale et internationale, ou l’initiative des forces armées britanniques visant à élaborer des stratégies de prévention du commerce illicite de biens culturels157 . Ces avancées semblent s’inscrire dans une tendance plus large : en 2013, à la suite d’une formation régionale sur le patrimoine culturel syrien, l’UNESCO a conçu un plan d’action qui proposait que la Direction générale syrienne des antiquités et des musées (DGAM) s’empare de la question du trafic illicite en Syrie en « plaidant auprès des militaires, conformément à la Convention de La Haye de 1954, pour qu’ils évitent d’utiliser des sites patrimoniaux majeurs à des fins militaires, à partir des informations sur ces sites collectées sur le terrain [traduction CICR]158  ».

D’autres États, qui ne mènent aucune opération militaire dans la région, ont pris d’autres mesures, comme la conservation de copies numériques de documents en péril en raison de guerres. La Finlande est devenue l’un des premiers pays au monde à créer des refuges pour des documents en péril venant de Syrie, en les numérisant à Damas et les stockant aux archives à Helsinki. Cette initiative faisait suite à une recommandation adoptée par la 38e Conférence générale de l’UNESCO en 2015, qui encourageait les États membres à préserver le patrimoine numérique. Seuls quelques États membres ont déjà saisi l’opportunité de contribuer à cette initiative et la Finlande est un exemple encourageant159 .

Plusieurs autres États ont commencé à mettre en œuvre l’article 3 de la Convention de La Haye de 1954, qui oblige les parties à sauvegarder les biens culturels. À cette fin, ils sont plusieurs, dont l’Allemagne, à avoir adopté des lois qui limitent le transfert de biens culturels160 , ou à avoir repris la disposition figurant à l’article 8 de la Convention, qui prévoit la possibilité de placer sous protection spéciale « un nombre restreint de refuges destinés à abriter des biens culturels meubles en cas de conflit armé », afin de les mettre à une distance suffisante de tout objectif militaire et éviter qu’ils ne soient endommagés. Cette opérationnalisation du concept de refuges est l’une des innovations les plus intéressantes dans le domaine de la protection des biens culturels161 .

La création de « refuges » ou de « lieux sûrs » en tant que mesure pour sauvegarder efficacement des biens culturels meubles en période de conflit, s’est aussi inspirée du projet suisse « Musée-en-exil d’Afghanistan ». Le Musée-en-exil, ouvert en 2001, a permis d’entreposer des objets d’art afghans afin de les protéger pendant le conflit en Afghanistan. Le musée a ainsi reçu plus de 1 400 objets d’art de la part de donateurs privés et leur inventaire a été réalisé par des spécialistes qui se sont consacrés bénévolement à ce travail. Le rapatriement réussi des 1 400 objets au Musée national d’Afghanistan à Kaboul en 2006, sous l’égide de l’UNESCO, fut la clé du succès de cette initiative162 . Ce concept de « refuges » ou de « lieux sûrs » pour abriter des biens culturels, déjà prévu par la Convention de La Haye de 1954, a été revisité et bénéficie aujourd’hui du large soutien des États et des institutions culturelles. L’Association of Art Museum Directors, qui rassemble les dirigeants des principaux musées d’art des États-Unis, du Canada et du Mexique, a même publié des protocoles relatifs aux refuges consacrés aux œuvres ayant une grande valeur culturelle originaires de pays en crise163 .

Profitant de cet élan, la France et les Émirats arabes unis ont jeté les bases de la création d’autres « refuges » du même type pour des biens culturels, responsables de la sauvegarde et de la préservation du patrimoine culturel qui leur est confié, de dresser un inventaire des biens et de les retourner à leur propriétaire ou, le cas échéant, à une institution reconnue. Ces grands principes ont été posés par écrit dans la Déclaration d’Abou Dhabi de décembre 2016164 , adoptée au terme de la Conférence sur la sauvegarde du patrimoine en péril, à laquelle ont participé quarante pays. La déclaration fixe deux objectifs ambitieux et pérennes, pour garantir davantage encore la mobilisation de la communauté internationale en faveur de la sauvegarde du patrimoine :

La constitution d’un fonds international pour la protection du patrimoine culturel en péril en période de conflit armé, qui permettrait de financer des actions préventives ou d’urgence, de lutter contre le trafic illicite de biens culturels ainsi que de participer à la restauration de biens culturels endommagés.

La création d’un réseau international de refuges pour sauvegarder de manière temporaire les biens culturels mis en péril par les conflits armés ou le terrorisme sur leur territoire, ou, s’ils ne peuvent être en sécurité au niveau national, dans un pays limitrophe, ou en dernier ressort dans un autre pays, en accord avec les lois internationales à la demande des gouvernements concernés, et prenant en compte les caractéristiques nationales et régionales et le contexte des biens culturels à protéger.

En plus de mettre l’accent sur le rôle des institutions des NU et en particulier de l’UNESCO, la Déclaration appelle le Conseil de sécurité des NU à apporter son appui à la réalisation des objectifs exposés ci-dessus. À la suite de la Déclaration d’Abou Dhabi, la France et les Émirats arabes unis ont constitué un fonds, l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH). Basé à Genève, ce fonds peut prendre des mesures d’urgence afin de contribuer à l’évacuation et à la restauration de biens culturels en danger ou endommagés165 . Sept pays, la France, l’Arabie saoudite, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Luxembourg, le Maroc et la Suisse, se sont engagés à apporter leur contribution à ce fonds et six autres, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Chine, la République de Corée et le Mexique, ont exprimé leur soutien politique à cette initiative166 . Comme l’UNESCO est membre du conseil de fondation de l’ALIPH, cette initiative témoigne aussi du profond intérêt des États en faveur de mesures concrètes pour sauvegarder les biens culturels et veiller à ce qu’ils soient protégés contre tout dommage ou destruction en cas de conflit armé.

Les organisations internationales ont elles aussi redoublé d’efforts, en élargissant leurs activités, leurs programmes et leurs mandats pour faire face à la destruction de biens culturels dans les conflits armés. Le plan d’action de l’UNESCO de 2013 a abordé la question du trafic illicite en recommandant de « former les personnels de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en Syrie, ainsi que le personnel des NU en Syrie, à l’utilisation des formulaires d’évaluation de sites et de monuments pour leur permettre de communiquer des informations sur l’état du patrimoine culturel au DGAM et à l’UNESCO le cas échéant [traduction CICR]167  ». Cela laisse entendre que les acteurs humanitaires pourraient constater et documenter la destruction de biens culturels, ce qui permettrait d’intégrer davantage la protection de ces biens dans la réponse humanitaire, au-delà du rôle que pourrait jouer le CICR pour aider à sauver, évacuer ou prendre des mesures de sauvegarde d’urgence pour protéger certains biens culturels menacés par un danger imminent, comme cela est prévu dans l’accord de partenariat conclu entre l’UNESCO et le CICR en février 2016168 . En 2014, l’UNESCO a mis en place un Observatoire pour la sauvegarde du patrimoine culturel syrien, afin d’évaluer l’état des bâtiments, des objets d’art et du patrimoine culturel immatériel, de lutter contre le trafic illicite et de recueillir les informations nécessaires à la restauration du patrimoine une fois le conflit terminé169 . La Directrice générale de l’UNESCO a appelé à la création de « zones de protection culturelle » autour de sites du patrimoine en Syrie et en Irak ; bien que cette proposition n’ait pas suscité un grand enthousiasme, elle fait écho aux concepts de zones neutralisées ainsi que de zones sanitaires et de sécurité prévues par le DIH, marquant ainsi la possibilité d’innover davantage encore dans le domaine de la protection des biens culturels170 .

Des insuffisances qui subsistent

Malgré ces innovations, la protection des biens culturels présente encore bien des insuffisances, le patrimoine culturel syrien restant exposé à des risques, qu’il s’agisse d’actes de négligence, d’imprudence, ou d’attaques délibérées, comme cela a été le cas depuis le début du conflit. De manière générale, ces insuffisances sont relatives au cadre normatif et à sa mise en œuvre.

La plus importante des insuffisances normatives dans la protection des biens culturels résulte de la Convention de La Haye de 1954 et de son deuxième Protocole, lesquels font référence au concept de nécessité militaire qui permet de faire prévaloir l’avantage militaire sur la protection des biens culturels. Même si la Convention de La Haye de 1954 et son deuxième Protocole limitent les cas dans lesquels un bien culturel peut être attaqué de manière licite en restreignant les exceptions et les abus, il n’en demeure pas moins que cette insuffisance de fond subsiste171 . La Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels s’est attaquée à cette faille, en attirant l’attention sur le fait que les interdictions relatives au vol, au pillage, au vandalisme, au détournement et à la réquisition de biens culturels sont absolues et ne peuvent donc pas être soumises à l’exception de nécessité militaire, en déclarant que « l’exception de la nécessité militaire fait sans aucun doute l’objet d’une utilisation abusive » et en préconisant que les États interprètent cette exception de nécessité militaire à l’interdiction des attaques visant des biens culturels ou de leur utilisation à des fins militaires, de la manière la plus étroite possible et la considèrent comme étant « tout à fait exceptionnelle172  ». En effet, les nouvelles normes révèlent une tendance vers une approche plus protectrice sur le terrain, signe d’une plus grande volonté des États de préserver, pour la postérité, le patrimoine culturel de l’humanité, en dépit des possibles impératifs de la guerre173 . À cet égard, on peut citer plusieurs exemples encourageants. Lorsque les États-Unis ont annoncé leur intention de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme au trafic organisé par les puissances de l’Axe à Rome en 1943, des mesures conjointes ont été prises afin d’épargner les sites ayant une importance religieuse et culturelle. Les aérodromes situés à la périphérie de la ville ont été bombardés, mais les quartiers militaires de l’Axe, une cible indubitablement licite, ont été épargnés en raison de leur emplacement au cœur de la ville historique174 . Lors de la première guerre du Golfe, Saddam Hussein avait positionné des avions irakiens à proximité des monuments du site sumérien antique d’Ur, d’une valeur archéologique inestimable. Bien que constituant une cible militaire licite, les États-Unis ont fait le choix de ne pas ordonner sa destruction175 . Ces exemples sont encourageants en ce qu’ils montrent la capacité et la volonté des États de calibrer leur stratégie de ciblage pendant les hostilités, pour privilégier la protection des biens culturels, quand bien même ce ciblage serait licite au regard du droit en vigueur.

Le cadre normatif applicable à la protection des biens culturels contient une autre faille qui est liée au fait qu’il repose sur les États, ce que certains jugent inefficace. La protection des biens culturels, telle qu’elle a, par exemple, été mise en œuvre en Syrie depuis 2011, a été articulée autour des normes et des pratiques consacrées par la Convention de La Haye de 1954 et par la Convention de l’UNESCO de 1970. Ces deux textes mettent l’accent à la fois sur la protection des sites culturels in situ et sur la restitution ainsi que le retour des objets volés ou pillés. Or aucun de ces deux traités n’a réussi à mettre fin aux pillages et au commerce illicite d’objets culturels en provenance de Syrie. C’est pourquoi certains estiment qu’au lieu de mettre en place des stratégies visant à la protection des sites et à la restitution des objets, il serait préférable d’adopter une approche visant à réguler le marché, ce qui pourrait permettre d’obtenir des résultats, en maîtrisant la demande176 . Selon certains représentants de maisons de vente aux enchères d’objets d’art, les parties prenantes ne s’intéressent pas assez au marché de l’art et les maisons de vente ne devraient pas être vues comme des adversaires, mais comme des partenaires de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels177 .

Enfin, on constate des insuffisances dans la protection spéciale instaurée par le DIH pour les employés et les défenseurs des biens culturels, ainsi qu’une protection limitée pour les moyens de transport des biens culturels et les autres dispositifs utilisés178 . Il s’agit d’un problème particulièrement frappant en Syrie où, à la mi-2015, la Direction générale des antiquités et des musées avait déjà perdu quatorze employés qui protégeaient le patrimoine culturel national179 . Certains ont été tués lors de bombardements qui ont frappé les bâtiments dans lesquels ils travaillaient, d’autres ont été abattus par des snipers en se rendant à leur travail. Certains ont reçu des menaces leur demandant d’arrêter leurs activités et, quand ils ont refusé, ils ont été tués. Le cas de Khaled al-Assad, un ancien employé à la retraite de la DGAM et expert mondialement reconnu du site de Palmyre, qui a été tué par l’EIIL en août 2015, a ému le monde entier180 . Alors que les employés de la DGAM qui travaillent sur des sites risquent leur vie tous les jours pour protéger leur patrimoine culturel en recueillant et diffusant des informations sur les sites archéologiques, ils ne jouissent d’aucune autre protection que celle dont ils bénéficient en tant que civils en vertu du droit international. La Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels a mis l’accent sur le fait que la protection des défenseurs du patrimoine culturel qui sont en danger était une question « fondamentale », en citant l’exemple d’employés du Musée national afghan, de simples citoyens qui, au nord du Mali, ont caché des manuscrits sous le plancher de leur maison pour les protéger de l’assaut des groupes armés islamistes en 2012 ou encore de ceux qui ont manifesté pacifiquement contre la destruction de sites du soufisme en Libye181 . Si l’on examine la protection des biens culturels sous l’angle des droits de l’homme, il conviendrait de davantage mettre l’accent sur les droits des premiers intervenants culturels, ceux qui sont en première ligne de la lutte pour les protéger. Ils sont les gardiens du patrimoine culturel des populations locales et donc de toute l’humanité. À ce titre, ils jouent un rôle essentiel dans la défense des droits culturels. La Rapporteuse spéciale recommande que les États respectent leurs droits et garantissent leur sûreté et leur sécurité, tout en leur assurant aussi, par la coopération internationale, les conditions propres à l’accomplissement de leur fonction, notamment en leur fournissant une aide matérielle et technique, ainsi qu’en leur accordant l’asile lorsque leur travail devient trop dangereux. Dans bien des cas, les défenseurs du patrimoine culturel devraient être reconnus comme des défenseurs des droits culturels et donc des défenseurs des droits de l’homme. En tant que défenseurs des droits humains, les défenseurs du patrimoine culturel devraient bénéficier des mêmes droits et de la même protection que ceux accordés à ceux-ci, notamment la protection de l’État, l’assistance juridique et le recours effectif182 . Comme l’a souligné le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), un défenseur des droits humains est une personne qui défend n’importe quel droit (ou droits) de l’homme, y compris les droits culturels, au nom d’une personne ou d’un groupe183 .

Plus important encore, dans le domaine de la mise en œuvre, on constate que des groupes armés ne se conforment pas aux dispositions juridiques protectrices des biens culturels. Cela a été aggravé par l’absence de dialogue avec ces groupes armés sur ces questions. Au-delà des condamnations et des appels formulés depuis le début du conflit en Syrie, des organisations comme l’UNESCO, le Conseil international des monuments et des sites et le Conseil international des musées ont organisé plusieurs réunions et formations pour les employés de la DGAM. En revanche, les rapports des organisations internationales n’ont pas fait état d’initiatives visant à atteindre des régions qui échappent au contrôle de l’État, où la DGAM n’a plus d’activités ou d’accès. Un grand nombre de sites patrimoniaux et de musées d’importance qui se trouvent dans des régions contrôlées par des groupes armés, sont de plus en plus exposés au pillage et à la destruction. En effet, la Convention de La Haye de 1954 prévoit que l’UNESCO devrait offrir ses services à toutes les parties à un conflit armé non international, y compris aux groupes armés (étant précisé par la Convention que cela « n’aura pas d’effet sur le statut juridique des parties au conflit184  »). De plus, si la Convention dispose que seuls les États parties et non les groupes armés, peuvent « faire appel au concours technique de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture en vue de l’organisation de la protection de leurs biens culturels185  », le Secrétariat de la Convention de La Haye de 1954 a élaboré un plan d’action qui prévoit la possibilité d’« établir des contacts avec les parties en conflit (y compris les États et les acteurs non étatiques [armés], le cas échéant) et leur envoyer des lettres signées par la Directrice générale concernant la protection des biens culturels en cas de conflit armé186  ». Cependant, l’Acte constitutif de l’UNESCO lui interdit d’intervenir dans les affaires intérieures des États membres187 et aucun document public ne laisse penser que l’UNESCO a pris des mesures pour établir des contacts avec l’un ou l’autre des groupes armés opérant en Syrie ou en Irak, dans le but d’améliorer la protection des biens culturels188 .

De la même façon, on ne trouve aucun document public sur le dialogue entretenu par le CICR, les agences humanitaires des NU ou le Représentant spécial des NU pour la Syrie avec quelque acteur que ce soit, qu’il s’agisse de représentants de groupes armés dans le cadre d’un processus politique ou d’États influents, à propos de la protection des biens culturels. Certains observateurs ont souligné que tous les opposants politiques devraient élaborer un « plan de protection du patrimoine culturel189  ». D’autres ont proposé d’utiliser les quelques mécanismes des NU qui permettent d’avoir accès tant aux zones contrôlées par le gouvernement qu’à celles contrôlées par des groupes armés, en élargissant, par exemple, la mission des NU sur les armes chimiques (Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU sur l’emploi d’armes chimiques en République arabe syrienne) pour y intégrer un petit nombre de spécialistes de la culture, afin que l’obligation pour les groupes armés syriens de se conformer aux traités internationaux et au droit coutumier et de protéger les biens culturels, soit mise en œuvre190 . Une autre solution pourrait être de solliciter des organisations non gouvernementales neutres, comme l’Appel de Genève, pour placer, via ses Actes d’engagement, la protection des biens culturels comme une priorité à part entière. L’UNESCO a fait observer que, « de nos jours, la nature des conflits est un obstacle car ceux-ci impliquent souvent des entités armées non étatiques avec lesquelles les organisations intergouvernementales ne peuvent pas nouer de relations » et a rappelé qu’elle s’était efforcée de combler cette lacune en développant une coopération avec l’Appel de Genève191 . Cette ONG a, quant à elle, organisé des formations spécialisées sur la protection du patrimoine culturel pour les hauts gradés de l’Armée syrienne libre192 .

Toute mesure de protection, en particulier si elle implique le déploiement de forces de maintien de la paix, pourrait inclure la protection des biens culturels. Dès sa création en 2013, le mandat de la MINUSMA a intégré l’assistance aux autorités de transition du pays pour protéger des sites historiques et culturels, en coopération avec l’UNESCO. Si la résolution 2347 du Conseil de sécurité contribue grandement à reconnaître que les opérations de maintien de la paix des NU peuvent englober la protection des biens culturels contre la destruction, les fouilles illégales, le saccage et le pillage dans les situations de conflit armé, il n’est pas certain que les autorités compétentes sur le terrain demanderont une telle assistance, comme le prévoit la résolution193 . Le fait qu’une directive de l’UE ait intégré la participation de spécialistes de la protection du patrimoine culturel à toutes ses missions civiles et militaires, conforte encore cette démarche194 .

Il est important de relever que les mesures de protection ne s’accompagnent pas encore de l’obligation de rendre des comptes. De manière générale, la destruction de biens culturels fait rarement l’objet de poursuites au niveau national. C’est un fait que la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels a souligné dans son rapport de février 2016, en se disant consternée d’avoir appris de professionnels du patrimoine culturel que, malgré les nombreux exemples de destruction du patrimoine contraire aux instruments internationaux, aucune action en justice fondée sur la Convention de La Haye de 1954 n’aurait été intentée au niveau national195 .

Remarques conclusives et perspectives

Pour garantir une protection efficace des biens culturels en période de conflit armé, les États, la société civile et les organisations internationales doivent disposer d’un éventail complet de mesures. Les dernières avancées, qui ont débouché sur la résolution 2347 du Conseil de sécurité des NU, ouvrent le champ des possibles quant au type de mesures que cette « boîte à outil » pourrait contenir.

Comme expliqué ci-dessus, partant des instruments juridiques, des normes innovantes, de la jurisprudence et des pratiques récentes, il a été possible d’ajouter les mesures suivantes à la « boîte à outils » de mesures à l’intention des États tiers pour garantir la protection des biens culturels, au-delà des protestations diplomatiques et des mesures collectives les plus communément rencontrées dans la pratique des États : poursuites judiciaires des auteurs et soutien grâce à l’entraide judiciaire ; identification et retour des objets culturels exportés de manière illicite ; stockage temporaire dans des refuges des objets culturels menacés et dont le retour est rendu impossible par la situation sur le terrain ; évacuation des biens culturels meubles par des acteurs humanitaires et des institutions spécialisées ; assistance internationale en sécurisant des zones, en mettant en place des équipes de surveillance des sites et la mise en place de patrouilles ainsi qu’en émettant des avertissements ; mesures de sauvegarde d’urgence prises par des acteurs humanitaires internationaux ; contrôle sur le terrain par les humanitaires et d’autres acteurs internationaux présents ; renforcement des capacités des premiers intervenants locaux ; protection des défenseurs du patrimoine culturel ; intégration de la protection des biens culturels dans les missions multilatérales civiles, militaires et de consolidation de la paix ; intégration de la protection des biens culturels dans les procédures opérationnelles de ciblage ; et préservation numérique des archives et des documents. Toutes ces mesures sont à la fois préventives et protectrices. Comme nous allons le voir plus loin, la « boîte à outils » contient également des mesures correctives que les États peuvent prendre lorsque des biens culturels ont été endommagés ou détruits, (réparation, restauration, mémorialisation…) qui s’inscrivent dans les efforts de reconstruction et de renforcement de la paix après un conflit.

Cependant, avant de prendre des mesures de protection, il est essentiel de comprendre les raisons pour lesquelles le patrimoine culturel est délibérément détruit. Il est parfois difficile de faire la distinction entre la destruction idéologique et le pillage pour des raisons économiques. Quelle qu’en soit la raison, ces pratiques doivent être combattues, notamment dans les pays où l’on trouve des marchés d’objets d’art anciens provenant de pillages. La destruction délibérée peut avoir diverses causes : ce peut être une stratégie visant à détruire le moral de l’ennemi et à terroriser les populations locales, ou un moyen d’éradiquer d’autres cultures, en particulier celle du vaincu, de manière à faciliter sa conquête196 . Dans certains cas, la destruction du patrimoine culturel peut être motivée par des mobiles plus funestes, comme une volonté génocidaire. Dans l’affaire Bosnie Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro, la C.I.J. a conclu que « la destruction physique ou biologique s’accompagne souvent d’atteintes aux biens et symboles culturels et religieux du groupe pris pour cible, atteintes dont il pourra légitimement être tenu compte pour établir l’intention de détruire le groupe physiquement197  », même si la destruction du d’un patrimoine historique, culturel et religieux n’entre pas dans la catégorie des actes de génocide énumérés par la Convention sur le génocide198 .

Dans de nombreux cas récents et notamment en Syrie, en Irak et au Mali, la destruction s’inscrit dans le cadre de « l’ingénierie culturelle » ou du « nettoyage culturel » voulus par divers groupes extrémistes armés qui, contrairement à ce que certains affirment, visent plus à transformer radicalement la tradition qu’à la conserver, en éliminant ce qui ne cadre pas avec leur vision des choses. Ils cherchent à supprimer les traditions et à effacer la mémoire pour créer de nouveaux récits historiques qui n’offrent aucune autre vision que la leur. Éliminer ces formes de destruction suppose de combattre l’idéologie fondamentaliste qui les anime, conformément aux normes internationales, en particulier par l’éducation aux droits, à la diversité et au patrimoine culturels. Comme l’a écrit le journaliste Mustapha Hammouche, dans un article sur les récentes attaques extrémistes contre des espaces culturels : « Dans cette guerre globale, ce ne sont pas nos différences qui motivent la haine […], mais ce que nous partageons : l’humanité et l’humanisme199  ».

En effet, la relation entre biens culturels et identité est particulièrement importante, car la destruction de biens et de sites culturels pendant une guerre peut avoir de graves répercussions sur l’identité des personnes, des communautés et des sociétés qui survivent. La jurisprudence pénale internationale s’est emparée de cette question et a conclu que les actes commis contre des biens qui font partie du patrimoine culturel d’une communauté « revêt[ent] une gravité considérable », qui transcende la valeur matérielle et économique attribuée aux biens de la population civile et qui met en avant la signification symbolique et spirituelle des biens culturels. Cela rend la destruction ou l’endommagement délibéré de biens culturels particulièrement graves, car ils mutilent l’identité culturelle et spirituelle du groupe qui s’expriment au travers de ceux-ci. Cette approche adoptée par le TPIY à propos du bombardement de la vieille ville de Dubrovnik (un site inscrit sur la Liste du patrimoine mondial établie en application de la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972), a permis de conclure que la destruction d’édifices consacrés à la religion, à la bienfaisance, à l’enseignement, aux arts et aux sciences, de monuments historiques, d’œuvres d’art et d’œuvres de caractère scientifique a des répercussions sur « l’existence de [la] population », qui est « étroitement liée à cet héritage du passé200  ». Dans l’affaire Strugar, la Chambre est allée au-delà de la vision traditionnelle des droits de l’homme, selon laquelle ceux-ci ne sont pas exécutoires et ne peuvent faire l’objet d’une action en justice sauf si leur violation a des conséquences spécifiques sur une ou plusieurs personnes, et a conclu que le droit de préserver sa propre culture et d’en jouir existe aussi dans la mesure où il est exercé en communauté avec d’autres membres de son groupe, en créant ainsi un droit collectif. C’est l’exercice de ce droit collectif qui a des répercussions sur l’identité du groupe et cela doit être au cœur de la protection du patrimoine culturel201 . Reprenant cette démonstration, la Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a déclaré à l’occasion du transfert d’Al Mahdi à La Haye que « le peuple du Mali mérite que justice lui soit rendue pour les attaques contre ses villes, ses croyances et ses communautés », en expliquant :

[L]es charges portées à l’encontre de Ahmad Al Faqi Al Mahdi portent sur des crimes extrêmement graves ; elles concernent la destruction de monuments historiques irremplaçables. Il s’agit d’une attaque impitoyable contre la dignité et l’identité de populations entières, contre leurs racines religieuses et historiques202 .

Dans la conscience historique des Syriens, les relations étroites entre les divers groupes ethniques et religieux transparaissent dans la coexistence des édifices religieux et historiques, le partage d’une culture matérielle et une éthique sociale203 . L’identité culturelle est associée aux monuments et objets d’art hérités d’ancêtres à travers l’histoire. La mosquée des Omeyyades à Damas en est l’un des exemples les plus éloquents car son usage a été partagé et qu’elle est reconnue comme lieu de culte par plusieurs communautés religieuses204 .

Comme évoqué précédemment, les destructions délibérées de biens culturels s’accompagnent souvent d’autres atteintes, graves ou à grande échelle, à la dignité humaine et aux droits de l’homme. En tant que telles, elles doivent être traitées simultanément, dans le cadre de la promotion des droits humains et de la consolidation de la paix. Le droit d’avoir accès au patrimoine culturel et aux bénéfices qui en découlent est essentiel après un conflit ; se voir dénier cet accès peut aggraver les blessures et les divisions entre communautés205 . C’est pourquoi les initiatives de rétablissement et de consolidation de la paix devraient englober la protection, la restauration et la mémorialisation des biens culturels. Il convient que toutes les parties concernées soient impliquées et qu’un dialogue interculturel autour du patrimoine culturel soit promu206 , pour permettre la mémorialisation du passé au travers de lieux de mémoire207 encore désignés en anglais par le terme anglais « traumascapes208  » tel le Ground Zero à New York. Le patrimoine immatériel, constitué des traditions et des expressions vivantes héritées de nos ancêtres et transmises à nos descendants, comme les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, les rituels, les événements festifs, ainsi que les connaissances et le savoir-faire nécessaires à l’artisanat traditionnel, doit aussi être protégé, restauré et, lorsqu’il est perdu, mémorialisé209 . Certains signes montrent que la justice pénale internationale reconnaît ce problème et propose des solutions. Dans l’affaire Katanga, les juges de la CPI ont constaté que des réparations symboliques « présentent le bénéfice collectif inhérent de permettre le partage de la mémoire210  ». Les juges qui ont pris l’ordonnance de réparation dans l’affaire Al Mahdi ont suivi cette approche et ont décidé d’attribuer des réparations collectives aux victimes de Tombouctou, en faisant observer que « le patrimoine culturel joue un rôle central dans la façon dont les communautés se définissent et tissent des liens entre elles, s’identifient à leur passé et envisagent leur avenir211  ». La décision cite également l’UNESCO, relevant que « la destruction du patrimoine culturel international est […] porteuse d’un message de terreur et d’impuissance ; elle détruit une partie de la mémoire partagée et de la conscience collective de l’humanité ; et elle empêche l’humanité de transmettre ses valeurs et ses connaissances aux générations futures212  ».

Il est essentiel de comprendre ces répercussions, car cela révèle des relations plus variées et plus complexes entre les communautés et leur patrimoine culturel. Les efforts du DGAM syrien, des archéologues et des bénévoles locaux pour protéger les biens culturels contre les forces armées syriennes et les différents groupes armés, parmi lesquels l’EIIL, montrent l’importance que les Syriens accordent aux monuments emblématiques de leur histoire. Les monuments que le droit international considère comme appartenant à l’humanité font partie de la vie quotidienne et de la réalité des personnes qui vivent en Syrie et sont dans la mémoire de ceux qui sont partis. Un archéologue syrien actuellement aux États-Unis, Salam Al Kuntar, a déclaré au New York Times : « Le temple de Bêl, à Palmyre, est particulier à mon cœur, car c’est là où ma mère est née [traduction CICR]213  ». Ce lien palpable entre les personnes et leur patrimoine culturel est ce qui rend son endommagement ou sa destruction si dévastateurs et les mesures visant à le protéger si vitales.

Après tout, la protection du patrimoine culturel contre toute atteinte, que ce soit par des mesures d’évacuation, d’archivage, de restauration ou de mémorialisation, est une résistance nécessaire au message des auteurs. Des archéologues ont été très clairs :

Chaque fois que nous redonnons vie à l’un de ces monuments, c’est un coup porté au message de peur et d’ignorance que ces individus essaient de propager. […] Lorsqu’ils les démolissent, nous les rebâtissons. S’ils les détruisent à nouveau, nous les reconstruisons encore [traduction CICR]214 .

Nombre de Syriens sont dans le même état d’esprit, ouvrant ainsi la voie à la reconstruction après la guerre.

Il est encourageant de constater que la protection des biens culturels est considérée comme un élément à part entière de la réconciliation et de la reconstruction d’une société après un conflit et qu’elle est de plus en plus reconnue par les États. La Déclaration d’Abou Dhabi commence en définissant le patrimoine culturel en ces termes : « [m]iroir de notre humanité, gardien de notre mémoire collective et témoin de l’extraordinaire esprit de création de l’humanité, [qui] porte en lui notre avenir commun215  ». Grâce aux mesures innovantes et audacieuses qui sont nées en réponse à la destruction du patrimoine culturel syrien, lorsqu’elles sont vues comme relevant de l’obligation des États de « respecter et de faire respecter » le DIH en toutes circonstances, les États disposent de plus en plus d’outils pour contribuer au respect de ce principe fondamental.

 

  • 1Max Fischer, « Syria’s Paradox: Why the War Only Ever Seems to Get Worse », New York Times, 26 août 2016.
  • 2« Syrie : les civils continuent de subir des atrocités, selon la Commission d’enquête de l’ONU », ONU Info, 27 août 2014.
  • 3La résolution 2139 du CSNU, du 22 février 2014, dans son paragraphe 6, « exige que toutes les parties, en particulier les autorités syriennes, autorisent immédiatement un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave aux organismes humanitaires des NU et à leurs partenaires d’exécution, y compris à travers les lignes de conflit et à travers les frontières » ; la résolution 2268, du 26 février 2016, dans son paragraphe 1, souscrit pleinement à une déclaration sur la cessation des hostilités visant à mettre un terme à cinq années de conflit ; la résolution 2401, du 24 février 2018, dans son paragraphe 1, « exige que toutes les parties cessent les hostilités sans délai (…) de façon à instaurer une pause humanitaire durable d’au moins 30 jours consécutifs sur l’ensemble du territoire syrien ».
  • 4Helga Turku, The Destruction of Cultural Property as a Weapon of War: ISIS in Syria and Iraq, Palgrave Macmillan, Cham, 2018.
  • 5Dans le but d’encourager au respect du DIH, on s’est efforcé de préciser dans quelle mesure les États sont liés par l’obligation coutumière de « respecter et faire respecter » ses dispositions « en toutes circonstances », tel que le prescrit l’article 1 commun aux quatre Conventions de Genève et d’autres traités de DIH comme la Convention de La Haye de 1954, en tant qu’obligation erga omnes partes, ainsi que l’obligation pour des États tiers qui ne sont pas parties à un conflit armé  d’exercer une influence sur les parties au conflit. Voir Knut Dörmann et Jose Serralvo, « L’article 1 commun aux Conventions de Genève et l’obligation de prévenir les violations du droit international Humanitaire », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 96, no 895/896, 2015. Toutefois, remplacer des obligations que les États pourraient trouver contraignantes, par une boîte à outils de mesures concrètes, reste plutôt aléatoire.
  • 6Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck (dir.), Droit international humanitaire coutumier, Volume I : Règles, Bruyant, 2006 (Étude du CICR sur le DIH coutumier).
  • 7Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international de Nuremberg, 1947, vol. 1, p. 267 ; également Annual Digest of Public International Law, 1946, p. 253-254. Le jugement du Tribunal militaire international cite le Règlement en annexe de la Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre de la Haye du 18 octobre 1907.
  • 8UNESCO, Actes de la Conférence générale, 27e session, Paris, octobre-novembre 1993, disponible sur : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000095621_fre (toutes les références Internet ont été vérifiées en 2023). Il y est réaffirmé que les règles figurant aux articles 3 et 4 de la Convention de La Haye de 1954 peuvent être considérées comme appartenant au droit international coutumier.
  • 9TPIY, Le Procureur c. Dusko Tadić, affaire IT-94-1-AR72, Arrêt relatif à l’appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence (Chambre d’appel), 2 octobre 1995, par. 98.
  • 10Ibid., par. 127.
  • 11Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, avec Règlement d’exécution, La Haye, 14 mai 1954 (entrée en vigueur le 7 août 1956) (Convention de La Haye de 1954), art. 4 et 19.
  • 12Francesco Francioni et Federico Lanzerini (dir.), The 1972 World Heritage Convention: A Commentary, Oxford University Press, Oxford, 2008, p. 635.
  • 13La Cour pénale internationale (CPI) a poursuivi Ahmad al Faqi al Mahdi, un membre du groupe armé Ansar Al Dine, qui présidait un tribunal des mœurs de la hisba et qui a joué un rôle central dans la mise en œuvre de la décision de détruire des tombeaux et des mausolées à Tombouctou, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. CPI, Le Procureur c/ Ahmad Al Faqi Al Mahdi, n° ICC-01/12-01/15, jugement (Chambre de première instance VIII), 27 septembre 2016.
  • 14Convention de La Haye de 1954, art. 19 ; ibid., art. 4 et 19.
  • 15Voir Comité international de la Croix-Rouge (CICR), « Traités, États parties et commentaires », base de données sur laquelle figure la liste des États parties et des États signataires du Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, La Haye, 26 mars 1999, disponible sur : https://ihl-databases.icrc.org/dih.
  • 16Voir Serge Brammertz, Kevin C. Hughes, Alison Kipp et William B. Tomljanovich, « Attacks against Cultural Heritage as a Weapon of War: Prosecutions at the ICTY », Journal of Criminal Justice, vol. 14, no 5, 2016.
  • 17Jean-Marie Henckaerts, « Nouvelles règles pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 81, no 835, 1999.
  • 18Voir CICR, « Syrie : Alep est l’un des conflits urbains les plus dévastateurs de notre époque », 15 août 2016, disponible sur : https://www.icrc.org/fr/document/syrie-alep-est-lun-des-conflits-urbain…;; Associated Press, « 4 Years On, Ancient Heart of Homs Still Abandoned Ruins », 17 janvier 2018, disponible sur : www.voanews.com/a/ancient-heart-of-homs-still-abandoned-ruins/4211616.h….
  • 19Convention de La Haye de 1954, art. 1.
  • 20L’interdiction de tout acte d’hostilité contre les transports et l’immunité de saisie, de capture et de prise dont jouissent les moyens de transport ne concernent que ceux sous protection spéciale (ibid., art. 12, par. 3 et 14) munis du signe distinctif de la croix rouge ou du croissant rouge. Le personnel affecté à la protection des biens culturels doit être respecté, dans la mesure compatible avec les exigences de la sécurité, dans l’intérêt de ces biens, s’il tombe aux mains de la partie adverse et doit pouvoir continuer à exercer ses fonctions (ibid., art. 15).
  • 21CPI, Affaire Al Mahdi, op. cit. note 13, par. 14.
  • 22Patrick J. Boylan, « The Concept of Cultural Protection in Times of Armed Conflict: From the Crusades to the New Millennium », in Neil Brodie et Kathryn Walker Tubb (dir.), Illicit Antiquities: The Theft of Culture and the Extinction of Archaeology, Routledge, Londres, 2012, p. 66.
  • 23Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), Satellite-Based Damage Assessment to Cultural Heritage Sites in Syria, 22 décembre 2014. Selon ce rapport, les opérations militaires, notamment les hostilités et la construction de postes de combat fortifiés, peuvent entraîner des dommages à des sites du patrimoine culturel (p. 13).
  • 24Convention de La Haye de 1954, art. 2.
  • 25Ibid., art. 3.
  • 26Voir CICR, Commentaire de la Première Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, deuxième édition, Genève, 2016 (2020 pour la version en français) (CICR, Commentaire actualisé de la Première Convention de Genève), art. 19, par. 1799 ; art. 24, par. 1982-1994. Bien qu’elle ne s’applique pas aux biens culturels (ni aux conflits armés non internationaux) en tant que telle, la Première Convention de Genève (Convention I) donne des orientations utiles sur le sens des expressions et sur l’interprétation de principes que l’on retrouve dans le DIH.
  • 27Convention de La Haye de 1954, art. 4.
  • 28Voir CICR, Commentaire de la Première Convention de Genève, op. cit. note 26, art. 19, par. 1799 ; art. 24, par. 1982-1994.
  • 29Convention de La Haye de 1954, art. 19 ; ibid., art. 4, 19.
  • 30Ibid., art. 4 par. 2.
  • 31Jan Hladik, « La Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et la notion de nécessité militaire », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 81, no 835, 1999.
  • 32Marina Lostal, « The Meaning and Protection of “Cultural Objects and Places of Worship” under the 1977 Additional Protocols », Netherlands International Law Review, vol. 59, no 3, 2012.
  • 33Jiří Toman, Les biens culturels en temps de guerre : quels progrès en faveur de leur protection ? Commentaire article par article du Deuxième Protocole de 1999 à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, Éditions UNESCO, Paris, 2016.
  • 34Deuxième protocole relatif à la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, 26 mars 1999, art. 1, par. 6 al. a et i ; Protocole additionnel I aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, 1125 RTNU 3, 8 juin 1977 (entré en vigueur le 7 décembre 1978) (PA I), art. 52 par. 2.
  • 35Deuxième Protocole relatif à la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, 26 mars 1999, art. 6.
  • 36Micaela Frulli, « The Criminalization of Offences against Cultural Heritage in Times of Armed Conflict: The Quest for Consistency », European Journal of International Law, vol. 22, no 1, 2011, pp. 203, 205.
  • 37PA I, art. 53, par. 1 ; Protocole additionnel II aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, 1125 RTNU 609, 8 juin 1977 (entré en vigueur le 7 décembre 1978), art. 16.
  • 38L’article 3 (alinéas d-e) du Statut du TPIY cite la « saisie, la destruction ou l’endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion, à la bienfaisance et à l’enseignement, aux arts et aux sciences » et « le pillage de biens publics ou privés ». D’autres dispositions du Statut du TPIY ont été invoquées pour engager des poursuites suite à des actes commis contre des biens culturels, bien qu’il ne s’agisse pas de leur objectif premier : l’article 3, al. b, « la destruction sans motif des villes et des villages où la dévastation que ne justifie pas les exigences militaires » et l’article 3 al. c, « l’attaque ou le bombardement, par quelque moyen que ce soit, de villes, villages, habitations ou bâtiments non défendus ». L’article 3 al. d est inspiré des articles 27 et 56 du Règlement de La Haye de 1907.
  • 39Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998 (entré en vigueur le 1er juillet 2002) (Statut de Rome).
  • 40Règlement de La Haye de 1907.
  • 41Statut de Rome, article 8.2.a.iv et b.ix.
  • 42Pour une analyse de la manière dont ces dispositions ont été appliquées (ou pas) par la Chambre de première instance de la CPI dans l’affaire Al Mahdi, voir William Shabas, « Al Mahdi Has Been Convicted of a Crime He Did Not Commit », Case Western Reserve Journal of International Law, vol. 49, no 1, 2017.
  • 43Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe : Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 18 octobre 1907 (Convention de La Haye IV), art. 27.
  • 44Ibid., art. 56.
  • 45M. Frulli, op. cit. note 36.
  • 46Étude du CICR sur le DIH coutumier, op. cit. note 6, règle 38.
  • 47Voir TPIY, Le Procureur c. Prlić et consorts, n° IT-04-74-A, arrêt (Chambre d’appel), 29 novembre 2017, par lequel la Chambre d’appel a jugé, à la majorité, que la « Chambre de Première instance a commis une erreur en concluant que la destruction du Vieux Pont de Mostar constituait une destruction de biens non justifiée par des nécessités militaires en tant que violation des lois et coutumes de guerre [traduction CICR] ». Dans son opinion dissidente, le Juge Fausto Pocar (par. 7) est en désaccord avec la majorité en ce que : i) la notion d’objectif militaire est, de façon erronée, confondue avec celle de nécessité militaire ; ii) il n’a pas été tenu compte du caractère disproportionné de l’attaque contre le Vieux Pont de Mostar et de ses conséquences ; iii) le fait que le Vieux Pont de Mostar constitue un bien culturel protégé par les principes généraux du droit international humanitaire n’a pas été pris en compte ; et iv) les erreurs précédemment exposées ont des conséquences en lien avec les persécutions pour des motifs politiques, raciaux et religieux en tant que crimes contre l’humanité.
  • 48Voir TPIY, Le Procureur c. Strugar, n° IT-01-42, jugement (Chambre de première instance), 31 janvier 2005, par. 328-330.
  • 49Centre du patrimoine mondial, République arabe syrienne. Les six biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial sont l’Ancienne ville d’Alep (1986), l’Ancienne ville de Bosra (1980), l’Ancienne ville de Damas (1979), les Villages antiques du Nord de la Syrie (2011), le Crac des Chevaliers et Qal’at Salah El-Din (2006) et Palmyre (1980).
  • 50Centre du patrimoine mondial, République arabe syrienne, Liste indicative.
  • 51J. M. Henckaerts, op. cit. note 17. La version actualisée du registre international est disponible sur le site de l’UNESCO : https://fr.unesco.org/node/344007.
  • 52Secrétariat de la Convention de La Haye de 1954, Liste des biens culturels sous protection renforcée, UNESCO, 2017.
  • 53Établie par la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel (Convention de l’UNESCO de 1972), 16 novembre 1972 (entrée en vigueur le 17 décembre 1975).
  • 54L’affaire Jokić portait sur le bombardement de la vieille ville de Dubrovnik. La Chambre de première instance a fait observer que la ville jouissait d’un statut spécial en raison de son inscription sur la Liste du patrimoine mondial et que « ce statut spécial de la vieille ville a déjà été pris en compte dans la définition et l’évaluation de la gravité du crime » et donc dans la peine infligée à l’accusé.
  • 55CPI, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, jugement portant condamnation, 27 septembre 2016, par. 80.
  • 56Convention de La Haye de 1954, art. 11 par. 2.
  • 57Ibid.
  • 58Deuxième Protocole à la Convention de La Haye de 1954, art. 13 par. i.
  • 59Étude du CICR sur le DIH coutumier, op. cit. note 6, règle 139.
  • 60CICR, Commentaire actualisé de la Première Convention de Genève, op. cit. note 26, par. 119-120.
  • 61Voir Étude du CICR sur le DIH coutumier, op. cit. note 6, règle 144. Selon cette règle « visant à faire respecter le droit international humanitaire », les États ne peuvent pas encourager les parties à un conflit armé à commettre des violations du DIH. Ils doivent, dans la mesure du possible, exercer leur influence pour faire cesser les violations du droit international humanitaire.
  • 62CICR, Commentaire actualisé de la Première Convention de Genève, op. cit. note 26, art. 1, par. 119, qui cite la Cour internationale de Justice (C.I.J.), Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, 2004, par. 157 (« De l’avis de la Cour, les règles en question [de droit humanitaire applicable en conflit armé] incorporent des obligations revêtant par essence un caractère erga omnes. » ; TPIY, Le Procureur c. Kupreškić et consorts, affaire IT-95-16-T, jugement, 14 janvier 2000, par. 519 (« ces normes de droit international humanitaire n’imposent pas d’obligations synallagmatiques, à savoir l’obligation d’un État envers un autre. Au contraire, (…) elles énoncent des obligations envers l’ensemble de la communauté internationale ») ; et Jean Pictet (dir.), Commentaire de la Première Convention de Genève de 1949, Genève, 1952, p. 26 (« [concernant la Première Convention de Genève] il ne s’agit pas d’un contrat de réciprocité, qui lie un État avec son co-contractant dans la seule mesure où ce dernier respecte ses propres obligations, mais plutôt d’une série d’engagements unilatéraux, solennellement assumés à la face du monde représenté par les autres Parties contractantes »).
  • 63Étude du CICR sur le DIH coutumier, op. cit. note 6, règle 144.
  • 64Deuxième Protocole à la Convention de La Haye de 1954, art. 31.
  • 65UNESCO, Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972, art. 19-21.
  • 66M. Frulli, op. cit. note 36, pp. 203 et 205.
  • 67Deuxième Protocole à la Convention de La Haye de 1954, chapitre 4.
  • 68Étude du CICR sur le DIH coutumier, op. cit. note 6, règle 144.
  • 69Convention de La Haye de 1954, art. 7 par. 1.
  • 70La République arabe syrienne a déposé son instrument de ratification de la Convention de l’UNESCO de 1970 le 21 février 1975.
  • 71Zsuzsanna Veres, « The Fight Against Illicit Trafficking of Cultural Property: The 1970 UNESCO Convention and the 1995 UNIDROIT Convention », Santa Clara Journal of International Law, vol. 12, no 2, 2014.
  • 72UNESCO, Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, 1970 (Convention de l’UNESCO de 1970), art. 9.
  • 73Convention (IV) de La Haye et son Règlement, art. 28 et 47 ; Emma Cunliffe, Nibal Muhesen et Marina Lostal, « The Destruction of Cultural Property in the Syrian Conflict: Legal Implications and Obligations », International Journal of Cultural Property, vol. 23, no 1, 2016, p. 7.
  • 74UNITAR, op. cit. note 23.
  • 75General Accounting Office du gouvernement des États-Unis, Cultural Property: Protection of Iraqi and Syrian Antiquities, Document GAO-16-673, Rapport en réponse à des questions adressées par le Congrès, août 2016, p. 9, disponible sur : https://www.gao.gov/products/gao-16-673. Pour l’intérêt que présentent ces conclusions pour de nouvelles mesures internationales, voir la déclaration de l’Ambassadrice Michele J. Sison qui, dans son explication du vote des États-Unis en faveur de la résolution 2347 du Conseil de sécurité des NU, a désigné Abou Sayyaf, un haut représentant de l’EIIL aujourd’hui décédé, pour avoir pratiqué le commerce illicite d’antiquités pour financer le terrorisme. Ambassadrice Michele J. Sison, Représentante permanente adjointe des États-Unis auprès des NU, Mission des États-Unis auprès des NU, « Explanation of Vote at the Adoption of UN Security Council Resolution 2347 on the Destruction and Trafficking of Cultural Heritage by Terrorist Groups and in Situations of Armed Conflict », New York, 24 mars 2017, disponible sur : https://usun.state.gov/remarks/7721.
  • 76UNESCO, Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels – 1970, disponible sur : https://www.unesco.org/fr/legal-affairs/convention-means-prohibiting-an….
  • 77E. Cunliffe, N. Muhesen et M. Lostal, op. cit. note 73.
  • 78Convention du Conseil de l’Europe sur les infractions visant des biens culturels, 2017, disponible sur : https://rm.coe.int/1680710436.
  • 79Rapport de l’Experte indépendante dans le domaine des droits culturels, Doc. NU A/HRC/17/38 et Corr.1, 21 mars 2011, par. 79.
  • 80Ibid.
  • 81Rapport de la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, Doc. NU A/HRC/31/59, 3 février 2016, par. 47 ; Rapport de l’Experte indépendante dans le domaine des droits culturels, op. cit. note 79, par. 77. Mme Shaheed a par exemple fait observer en 2012 que « la destruction de tombes de saints musulmans de Tombouctou, un patrimoine commun de l’humanité, est une perte pour nous tous, mais pour les populations locales, cela signifie aussi la négation de leur identité, de leurs croyances, de leur histoire et de leur dignité ».
  • 82Comité des droits économiques, sociaux et culturels des NU (CDESC), Observation générale no 21, « Droit de chacun de participer à la vie culturelle (art. 15, par. 1a), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) », E/C.12/GC/21, 21 décembre 2009, par. 50.
  • 83Ibid., par. 50 al. a.
  • 84Ibid., par. 50.
  • 85Rapport de l’Experte indépendante dans le domaine des droits culturels, op. cit. note 79, par. 2.
  • 86Rapport de la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, op. cit. note 81, par. 53.
  • 87Pour une analyse plus poussée de la destruction par l’EIIL du patrimoine culturel, voir Ömür Harmanşah, « ISIS, Heritage, and the Spectacles of Destruction in the Global Media », Near Eastern Archaeology, vol. 78, no 3, 2015 ; Sofya Shahab et Benjamin Isakhan, « The Ritualization of Heritage Destruction under the Islamic State », Journal of Social Archaelogy, vol. 18, no 2, 2018.
  • 88CSNU, résolution 1483, 22 mai 2003, par. 7.
  • 89CSNU, résolution 2139, 22 février 2014, préambule.
  • 90CSNU, résolution 2199, Doc. NU S/RES/2199, 12 février 2015, par. 15. Dans cette résolution et de manière plus générale dans les résolutions précédentes relatives au patrimoine culturel et au lien entre terrorisme et patrimoine culturel, voir Vincent Négri, Étude juridique sur la protection du patrimoine culturel par la voie des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, UNESCO 2015, disponible sur : http://convention-s.fr/wp-content/uploads/2016/05/Etude_negri_RES2199_0….
  • 91CSNU, résolution 2199, 12 février 2015.
  • 92CSNU, résolution 2199, 12 février 2015, préambule.
  • 93Neil Brodie, « The Market Background to the April 2003 Plunder of the Iraq National Museum », in Peter G. Stone et Joanne Farchakh Bajjaly (dir.), The Destruction of Cultural Heritage in Iraq, Boydell Press, Woodbridge, 2008 ; comparer avec Sam Hardy, « Syria/Lebanon: Syrian-Lebanese Antiquities-for-Arms Trade », Conflict Antiquities Blog, 12 mai 2013, cité par E. Cunliffe, N. Muhesen et M. Lostal, op. cit. note 73.
  • 94CSNU, « Déclaration à la presse faite par le Conseil de sécurité sur la destruction du patrimoine culturel et les exécutions à Palmyre », Doc. NU SC/12690, 20 janvier 2017.
  • 95UNESCO, Renforcement de l’action de l’UNESCO en matière de protection du patrimoine culturel et de promotion du pluralisme culturel en cas de conflit armé, Doc. UNESCO 38 C/49 et 197/EX/10, 2 novembre 2015 et 17 août 2015.
  • 96UNESCO, Directives opérationnelles pour la mise en œuvre de la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, (UNESCO, Paris, 1970), citées par E. Cunliffe, N. Muhesen et M. Lostal, op. cit. note 73, 2016 et disponibles sur : https://www.unesco.org/sites/default/files/medias/fichiers/2022/03/OPER….
  • 97UNESCO, « Le Conseil de sécurité des Nations unies adopte une résolution historique en faveur de la protection du patrimoine », 24 mars 2017.
  • 98« Briefing and Draft Resolution on Protection of Cultural Heritage in Armed Conflict », What’s in Blue, 23 mars 2017, disponible sur : https://www.securitycouncilreport.org/whatsinblue/2017/03/briefing-and-…;; Conseil de sécurité des NU, Protection of Cultural Heritage in Armed Conflict, 31 octobre 2017.
  • 99Il convient de remarquer que la France a déclaré avoir désigné l’organisme faisant office de refuge sur son territoire non seulement pour ses biens culturels mais également pour d’autres pays « sur demande » : voir Rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2347 (2017) du Conseil de sécurité, Doc. NU S/2017/969, 17 novembre 2017, par. 84.
  • 100CSNU, résolution 2347, 24 mars 2017, par. 5, laquelle prend note de la Déclaration de la Conférence d’Abou Dhabi aux paragraphes 15 et 16.
  • 101Ibid., par. 19.
  • 102CSNU, résolution 2100, 25 avril 2013, par. 16 al. f : « Appui à la sauvegarde du patrimoine culturel – Aider les autorités de transition maliennes, en tant que de besoin et, si possible, à protéger les sites culturels et historiques du pays contre toutes attaques, en collaboration avec l’UNESCO ».
  • 103CSNU, résolution 2379, 21 septembre 2017, préambule, quatrième alinéa.
  • 104Direction générale des antiquités et des musées, State Party Report: On the State of Conservation of the Syrian Cultural Heritage Sites (Syrian Arab Republic), ministère de la Culture, République arabe syrienne, 1er février 2017.
  • 105Oral Update of the Independent International Commission of Inquiry on the Syrian Arab Republic, Doc. NU A/HRC/29/CRP.3, 23 juin 2015.
  • 106General Accounting Office du gouvernement des États-Unis, op. cit. note 75.
  • 107UNESCO, « La Directrice générale de l’UNESCO condamne la destruction de l’Arc de triomphe de Palmyre : “Les extrémistes ont peur de l’Histoire” », 5 octobre 2015 ; « La Directrice générale Irina Bokova manifeste sa profonde consternation suite à la destruction du temple de Bel à Palmyre », 1er septembre 2015 ; « La Directrice générale de l’UNESCO condamne fermement la destruction du temple antique de Baalshamin à Palmyre, Syrie », 24 août 2015.
  • 108« Abdelkarim appelle la communauté internationale à mettre fin au pillage par les terroristes du patrimoine culturel syrien », SANA, 9 mars 2016, disponible sur : http://www.sana.sy/fr/?p=56455.
  • 109Oral update, op. cit. note 105.
  • 110« Russia’s Valery Gergiev Conducts Concert in Palmyra Ruins », BBC News, 5 mai 2016, disponible sur : www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-36211449.
  • 111UNESCO, « La Directrice générale de l’UNESCO condamne fermement la destruction du Tétrapyle et les dégâts causés au théâtre de Palmyre, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO », 20 janvier 2017.
  • 112Sir Derek Plumbly, Cultural Heritage in Times of War and the Present Crisis in the Middle East, Gresham College, 19 mai 2016.
  • 113CPI, affaire Al Mahdi, op. cit note 77. Voir aussi CPI, Le Procureur c. Germain Katanga, n° ICC-01/04-01/07-3484, Décision relative à la peine (Chambre de première instance II), 23 mai 2014, par. 42-43 ; CPI, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, n° ICC-01/12-01/15, Corrigendum des Observations de la Défense, 20 septembre 2016, par. 121-123, 127-128.
  • 114Convention de La Haye de 1954, art. 1.
  • 115Rapport de la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, Doc. NU A/71/317, 9 août 2016, par. 7, citant la communication de Patrice Meyer-Bisch.
  • 116Jane Warring, « Underground Debates: The Fundamental Differences of Opinion that Thwart UNESCO’s Progress in Fighting the Illicit Trade in Cultural Property », Emory International Law Review, vol. 19, no 1, 2005, p. 246-247.
  • 117CPI, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, n° ICC-01/12-01/15, Annexe confidentielle II, rapport d’experts -phase des réparations (Marina Lostal), 28 avril 2017 (modifié le 3 mai 2017).
  • 118Convention de La Haye de 1954, préambule.
  • 119Zsuzsanna Veres, « The Fight Against Illicit Trafficking of Cultural Property: The 1970 UNESCO Convention and the 1995 UNIDROIT Convention », Santa Clara Journal of International Law, vol. 12, no 2, 2014.
  • 120David N. Chang, « Stealing Beauty: Stopping the Madness of Illicit Art Trafficking », Houston Journal of International Law, vol. 28, no 3, 2006, p. 847.
  • 121Convention de l’UNESCO de 1970, préambule, troisième paragraphe.
  • 122Pour Hannah Arendt, l’Holocauste est un « nouveau crime […], le crime contre l’humanité – au sens du crime “contre le statut d’être humain” ou contre l’essence même de l’humanité ». Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem – Rapport sur la banalité du mal, Gallimard, Paris, 1991.
  • 123TPIY, Le Procureur c. Drazen Erdemović, n° IT-96-22-A, arrêt (Chambre d’appel), opinion individuelle présentée conjointement par Mme la juge McDonald et M. le juge Vohrah, 7 octobre 1997, par. 21. Voir aussi David Luban, « A Theory of Crimes against Humanity », Yale Journal of International Law, vol. 29, no 1, 2004, par. 90 ; Richard Venon, « What is Crime against Humanity? », Journal of Political Philosophy, vol. 10, no 3, 2002 ; Christopher Macleod, « Towards a Philosophical Account of Crimes against Humanity », European Journal of International Law, vol. 21, no 2, 2010.
  • 124TPIY, Strugar, op. cit. note 48, p. 232, qui cite l’art. 1, par. a de la Convention de La Haye de 1954.
  • 125Ibid., par. 218 et 232.
  • 126TPIY, Le Procureur c. Miodrag Jokić, n° IT-01-42/1-S, jugement (Chambre de première instance I), 18 mars 2004, par. 45 et 53.
  • 127TPIY, Le Procureur c. Dario Kordic et Mario Cerkez, n° IT-95-14/2-T, jugement (Chambre de première instance), 26 février 2001, par.207.
  • 128C.I.J., affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962, Opinion individuelle de M. le juge Cançado Trindade, p. 73, par. 114.
  • 129CPI, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, n° ICC-01/12-01/15, First Transmission and Report on Applications for Reparations (Chambre de première instance), 16 décembre 2016, par. 9.
  • 130CPI, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, jugement portant condamnation, op. cit.  note 55 par. 80.
  • 131Ibid.
  • 132Convention de La Haye de 1954, préambule.
  • 133UNESCO, Discours de la Directrice générale de l’UNESCO Irina Bokova, à l’occasion de la Réunion de haut niveau pour la protection du patrimoine culturel syrien, 29 août 2013.
  • 134Rapport de la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, op. cit. note 115, par. 7, citant la communication de Patrice Meyer-Bisch.
  • 135UNESCO, Renforcement de l’action de l’UNESCO en matière de protection du patrimoine culturel et de promotion du pluralisme culturel en cas de conflit armé, Doc. NU 197 EX/10, 17 août 2015.
  • 136Ibid., par. 32, 48.
  • 137Accord de partenariat entre l’UNESCO et le CICR, 29 février 2016, art. 1 al. v-vi.
  • 138UNESCO, « L’UNESCO et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s’unissent pour protéger le patrimoine culturel en cas de conflit armé », 29 février 2016, disponible sur : https://whc.unesco.org/fr/actualites/1454.
  • 139NU, Cadre d’analyse des atrocités criminelles – Outil de prévention, juillet 2014.
  • 140Marina Lostal et Emma Cunliffe, « Cultural Heritage that Heals: Factoring in Cultural Heritage Discourses in the Syrian Peacebuilding Process », The Historic Environment: Policy and Practice, vol. 7, no 2-3, 2016, p. 250.
  • 141Réunion internationale d’experts sur la responsabilité de protéger appliquée à la protection du patrimoine culturel, Recommandations, Paris, 26-27 novembre 2015.
  • 142Robert Bevan, The Destruction of Memory: Architecture at War, Reaktion Books, Londres, 2016, préface.
  • 143Marina Lostal, International Cultural Heritage Law in Armed Conflict: Case Studies of Syria, Libya, Mali, the Invasion of Iraq and the Buddhas of Bamiyan, Cambridge University Press, Cambridge, 2017, p. 110.
  • 144Marina Lostal, « Syria’s World Cultural Heritage and Individual Criminal Responsibility », International Review of Law, vol. 2015, no 3, 2015.
  • 145Knut Dörmann et Jose Serralvo, « L’article 1 commun aux Conventions de Genève et l’obligation de prévenir les violations du droit international humanitaire », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 96, no 895-896, Sélection française 2014 / 3 et 4, p. 25.
  • 146UNESCO, « Les citoyens syriens protègent leur patrimoine culturel » ; voir « Sauvegarde d’urgence du patrimoine syrien », disponible sur : https://ich.unesco.org/fr/projets/sauvegarde-durgence-du-patrimoine-cul….
  • 147British Museum, « The Iraqi Archaeologists Saving Their Heritage », 3 mars 2017.
  • 148Smithsonian Global, « Safeguarding Cultural Heritage in Syria and Iraq », disponible sur : https://global.si.edu/success-stories/safeguarding-cultural-heritage-sy….
  • 149General Accounting Office du gouvernement des États-Unis, op. cit. note 75.
  • 150Convention de l’UNESCO de 1972, art. 19-21.
  • 151M. Lostal, op. cit. note 143, p. 110.
  • 152Observations de la Haute représentante/Vice-présidente Federica Mogherini lors de l’événement « Protecting Cultural Heritage from Terrorism and Mass Atrocities: Links and Common Responsibilities », New York, 21 septembre 2017.
  • 153Ministre adjointe chargée de la Culture et des Médias, « Key Aspects of the New Act on the Protection of Cultural Property in Germany », Berlin, septembre 2016.
  • 154Peter Stone, « War and Heritage: Using Inventories to Protect Cultural Property », Heritage Inventories, Getty Conversation Institute, été 2013.
  • 155Mark Brown, « British Museum and Army Team Up in Move to Rescue Iraq’s Heritage », The Guardian, 26 février 2008.
  • 156Observations de Federica Mogherini, op. cit. note 152.
  • 157Victoria & Albert Museum, « The V&A’s Culture in Crisis Programme », disponible sur : www.vam.ac.uk/content/articles/v/the-v-and-as-culture-in-crisis-program….
  • 158UNESCO, Formation régionale sur le patrimoine culturel syrien : la question du trafic illicite, Rapport final et recommandations, Amman, 10-13 février 2013.
  • 159Ministère de l’éducation et de la culture, Endangered Syrian Documents Taken into Safekeeping at the National archives of Finland, Finlande, 2 décembre 2016.
  • 160Ministre adjointe chargée de la Culture et des Médias, op. cit. note 153.
  • 161Convention de La Haye de 1954, art. 8.
  • 162UNESCO, « Le Musée-en-exil : une fondation suisse préserve plus de 1 400 objets d’art afghans », 7 octobre 2000.
  • 163 [163]. Association of Art Museum Directors, Protocols for Safe Havens for Works of Cultural Significance from Countries in Crisis, 28 septembre 2015.
  • 164Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS), Déclaration d’Abou Dhabi sur le patrimoine des pays en guerre, 9 décembre 2016, disponible sur : https://www.icomos.org/fr/notre-action/anticipation-des-risques/8261-l-….
  • 165Ambassade de France à Abou Dhabi, « Conférence d’Abu Dhabi sur le patrimoine en péril (2 – 3 décembre 2016) », 1er décembre 2016. Voir : https://id.ambafrance.org/Conference-d-Abu-Dhabi-sur-le-patrimoine-en-p….
  • 166UNESCO, « L’UNESCO, la France et les Émirats lancent une Alliance internationale pour la protection du patrimoine », 20 mars 2017.
  • 167UNESCO, op. cit. note 158, p. 18.
  • 168Accord de partenariat, op. cit. note 137, art. 1 al. v-vi.
  • 169UNESCO, « L’UNESCO crée un observatoire pour la sauvegarde du patrimoine culturel syrien », 28 mai 2014.
  • 170UNESCO, « Une conférence de l’UNESCO appelle à la mise en place de zones de protection culturelle en Syrie et en Irak », 3 décembre 2014.
  • 171M. Lostal fait observer que, « Tous les textes relatifs aux biens culturels partent du principe qu’ils méritent d’être mieux traités que les biens civils ». Bien qu’il soit largement accepté, le Règlement de La Haye de 1907, qui traite dans une même disposition des monuments historiques et des hôpitaux et lieux accueillant des malades et des blessés, sans établir de hiérarchie entre les sites culturels en question, fut considéré, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, comme ayant « une portée trop large [traduction CICR] ». M. Lostal, op. cit. note 144.
  • 172Rapport de la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, op. cit. note 115, par. 63-64.
  • 173Pour une analyse plus approfondie sur cet aspect, voir J. Toman, op. cit.note 33 ci-dessus, p. 177.
  • 174Roger O’Keefe, The Protection of Cultural Property in Armed Conflict, Cambridge University Press, Cambridge, 2006, pp. 70-73.
  • 175Mary Ellen O’Connell, Occupation Failures and the Legality of Armed Conflict: The Case of Iraqi Cultural Property, Working Paper n° 6, Ohio State University Moritz College of Law, 2004.
  • 176Neil Brodie, « Syria and Its Regional Neighbors: A Case of Cultural Property Protection Policy Failure? », International Journal of Cultural Property, vol. 22, no 2-3, 2015.
  • 177UNESCO, op. cit. note 158.
  • 178Comparée aux dispositions relatives à la mission médicale, la protection insuffisante qu’accorde le DIH aux moyens de transport et aux dispositifs utilisés pour les biens culturels, est particulièrement frappante.
  • 179DGAM, « The French Parliament Delegation: Offering Solidarity and Support to DGAM Is One Important Reason for Our Visit to Syria », ministère de la Culture, République arabe de Syrie, 29 septembre 2015.
  • 180Jeremy Bowen, « The Men Saving Syria’s Treasures from Isis », New Statesman, 22 septembre 2015.
  • 181« “When Cultural Heritage Is Under Attack, Human Rights Are Under Attack” – UN Expert », ONU Info, 4 mars 2016.
  • 182Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, 1998.
  • 183Voir HCDH, À propos des défenseurs des droits humains, disponible sur : https://www.ohchr.org/FR/Issues/SRHRDefenders/Pages/Defender.aspx.
  • 184Convention de La Haye de 1954, art. 19, al. 3-4.
  • 185Ibid., art. 23.
  • 186UNESCO, Plan d’action type pour protéger les biens culturels en cas de conflit armé, Doc. UNESCO CLT-11-CONF-209-INF1, 2011, annexe. Ce plan a été revu en 2013 pour tenir compte des derniers développements en Syrie et au Mali (voir Doc. UNESCO CLT-13/10HCP/CONF.201/INF.3).
  • 187Acte constitutif de l’UNESCO, art. 1, al. 3.
  • 188L’Appel de Genève a mené une étude exploratoire visant à comprendre comment les acteurs armés non étatiques appréhendent le patrimoine culturel en Syrie, en Irak et au Mali, notamment par des entretiens avec des membres de groupes armés. Cette étude formule des recommandations en vue d’améliorer le respect du patrimoine culturel par les groupes armés dans les conflits armés non internationaux et ses conclusions ont été présentées par Marina Lostal, Kristin Hausler et Pascal Bongard, « Armed Non-State Actors and Cultural Heritage in Armed Conflict », International Journal of Cultural Property, vol. 24, no 4, 2017.
  • 189Salam Al Quntar, « Syrian Cultural Property in the Crossfire: Reality and Effectiveness of Protection Efforts », Journal of Eastern Mediterranean Archaeology & Heritage Studies, vol. 1, no 4, 2013.
  • 190Joris D. Kila, « Inactive, Reactive, or Pro-Active? Cultural Property Crimes in the Context of Contemporary Armed Conflicts », Journal of Eastern Mediterranean Archaeology and Heritage Studies, vol. 1, no 4, 2013.
  • 191CPI, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, n° ICC-01/12-01/15, Observations présentées par l’UNESCO en qualité d’amicus curiae, 2 décembre 2016.
  • 192Appel de Genève, Syria: Top Military Commanders from eight Free Syrian Army Brigades Receive Training on Humanitarian Norms in Geneva, 10 février 2016.
  • 193CSNU, résolution 2347, 24 mars 2017, par. 19 : « Affirme qu’il peut expressément charger les opérations de maintien de la paix des Nations unies, agissant à la demande expresse du Conseil de sécurité et conformément à leurs règles d’engagement, d’aider le cas échéant les autorités compétentes, à la demande de celles-ci, à protéger en collaboration avec l’UNESCO le patrimoine culturel contre la destruction, les fouilles illicites, le pillage et la contrebande en période de conflit armé, et que lesdites opérations de maintien de la paix doivent agir avec prudence lorsqu’elles interviennent à proximité de sites culturels et historiques ».
  • 194Observations de Federica Mogherini, op. cit. note 152. Pour plus d’informations sur l’intégration de la protection des biens culturels dans les missions militaires, voir Major Yvette Foliant, « Cultural Property Protection Makes Sense: A Way to Improve Your Mission », Civil–Military Cooperation Centre of Excellence, 2015.
  • 195Rapport de la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, op. cit. note 81, par. 58.
  • 196Patty Gerstenblith, « Protecting Cultural Heritage in Armed Conflict: Looking Back, Looking Forward », Cardozo Public Law, Policy and Ethics Journal, vol. 7, no 3, 2009.
  • 197Voir TPIY, Le Procureur c. Radislav Krstić, n° IT-98-33-T, jugement (Chambre de première instance), 2 août 2001, par. 580.
  • 198C.I.J., Affaire relative à l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, 26 février 2007, par. 344.
  • 199Mustapha Hammouche, « Guerre contre l’humanité », Liberté, 15 novembre 2015.
  • 200TPIY, Affaire Jokić, op. cit. note 126, par. 51.
  • 201TPIY, Affaire Strugar, op. cit. note 48, par. 218, 232.
  • 202Fatou Bensouda, « Déclaration du Procureur de la CPI suite au transfèrement du premier suspect dans le cadre de l’enquête au Mali: « Les attaques intentionnelles contre des monuments historiques et bâtiments consacrés à la religion constituent des crimes graves » », CPI, 26 septembre 2015.
  • 203Kanishk Tharoor, « Life among the Ruins », New York Times Sunday Review, 19 mars 2016.
  • 204Rafi Grafman et Myriam Rosen-Ayalon, « The Two Great Syrian Umayyad Mosques: Jerusalem and Damascus », Muqarnas, vol. 16, 1999.
  • 205Rapport de la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels, Farida Shaheed, Additif – Mission en Bosnie-Herzégovine (13-24 mai 2013), Doc. ONU A/HRC/25/49/Add.1, 3 mars 2014.
  • 206Rapport de l’Experte indépendante dans le domaine des droits culturels, op. cit. note 79, par. 12.
  • 207Pierre Nora, Les lieux de mémoire, 7 vols, Gallimard, Paris, 1984-1992.
  • 208Maria Tumarkin, Traumascapes? The Power and Fate of Places Transformed by Tragedy, Melbourne University Publishing, Carlton, 2005.
  • 209UNESCO, Qu’est-ce que le patrimoine culturel immatériel ?, 2012, disponible sur : https://ich.unesco.org/fr/qu-est-ce-que-le-patrimoine-culturel-immatrie…. Pour plus d’informations sur le patrimoine culturel immatériel, voir : Christiane Johannot-Gradis, « Protéger le passé pour préserver l’avenir : Comment le droit protège-t-il le patrimoine culturel matériel et immatériel en cas de conflit armé ? », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 97, no 900, Sélection française 2015/4, disponible sur : https://international-review.icrc.org/fr/articles/proteger-le-passe-pou….
  • 210CPI, Le Procureur c. Germain Katanga, n° ICC-01/04-01/07, ordonnance de réparation, 24 mars 2017, par. 279.
  • 211CPI, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, n° ICC-01/12-01/15-236, ordonnance de réparation, 17 août 2017, par. 14.
  • 212Ibid., par. 22. Etant donné qu’une grande partie de la communauté de Tombouctou a ressenti la destruction du patrimoine culturel comme une atteinte à son identité culturelle et religieuse et que cet impact a été reconnu comme ayant un effet allant au-delà de la population malienne, les juges ont également accordé le versement d’un Euro symbolique à titre de réparations à l’État malien et à la communauté internationale représentée par l’UNESCO. Ibid., par. 106-107.
  • 213K. Tharoor, op. cit.  note 203.
  • 214Stephen Farrell, « If All Else Fails, 3D Models and Robots Might Rebuild Palmyra », New York Times, 28 mars 2016.
  • 215ICOMOS, op. cit note 164.

Poursuivre la lecture du #IRRC No. 906

Autres articles sur Revue internationale de la Croix-Rouge, Réfugiés syriens, Biens culturels, Conduite des hostilités