Appel à contributions : «Explorer les Principes fondamentaux du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge»

Appel à contributions : « Explorer les Principes fondamentaux du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge »

Date limite de dépôt des propositions : 22 mai 2023

Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge s’appuie de longue date sur un ensemble de principes fondateurs, appelés les « Principes fondamentaux », qui servent de boussole pour orienter l’action humanitaire qu’il mène partout dans le monde. Le nombre et le libellé de ces principes ont évolué au fil des 160 années qui se sont écoulées depuis la création du Comité international de la Croix-Rouge. Leur formulation moderne – les sept Principes fondamentaux – remonte à 1965, date à laquelle ils ont été officiellement proclamés et adoptés à l’unanimité par la (XXe) Conférence internationale de la Croix-Rouge 1

Ces sept Principes fondamentaux sont : l’humanité, l’impartialité, la neutralité, l’indépendance, le volontariat, l’unité et l’universalité.

Ils guident et facilitent le travail du Mouvement. Le principe d’humanité est à la fois le principal moteur de ce travail et son fondement, incarnant les valeurs essentielles et la mission du Mouvement. L’impartialité est, quant à elle, la méthode prioritaire pour mettre en pratique ces valeurs et mener à bien cette mission. Ensemble, ces deux principes exigent du Mouvement qu’il apporte une assistance, prévienne et allège les souffrances humaines, protège la vie et la santé, et assure le respect de l’être humain – tout cela en se basant sur l’urgence des besoins et sans faire de distinction de nationalité, de race, de religion, de condition sociale ou d’appartenance politique.

Les principes servent également à faciliter ce travail. La neutralité et l’indépendance permettent au Mouvement d’éviter tout parti pris et de se garder de toute situation de redevabilité envers une quelconque source de pouvoir ou d’influence – mais aussi de ne pas être perçu comme étant sujet à de tels partis pris ou à de telles influences. Le volontariat, l’unité et l’universalité constituent les fondements organisationnels du Mouvement qui lui consentent d’accomplir sa mission. Ensemble, ces cinq principes aident le Mouvement à instaurer la confiance et à obtenir un accès sûr aux personnes qui ont le plus besoin d’une protection et d’une assistance humanitaires.

Compte tenu du rôle central que jouent les travailleurs humanitaires dans la compréhension et l’application des Principes fondamentaux au quotidien, la Revue encourage ceux qui œuvrent aux avant-postes de l’action humanitaire (que ce soit au siège ou sur le terrain) à soumettre des propositions de contribution sur la prise en compte concrète de ces principes dans leur travail. À cet égard, nous sommes tout particulièrement intéressés par les propositions traitant du double rôle des principes : en tant que valeurs universelles, d'une part, et en tant qu’outils opérationnels et facilitateurs du travail humanitaire, d'autre part.

L’application des Principes fondamentaux au sein du secteur humanitaire

Les sept Principes fondamentaux, en tant que tels, ne s’appliquent qu’aux activités menées par les composantes du Mouvement, c’est-à-dire les 192 Sociétés nationales, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et le Comité international de la Croix-Rouge.

Ce nonobstant, leur efficacité lorsqu’il s’agit de guider et de faciliter l’action humanitaire a incité de nombreuses autres entités à y adhérer, en tout ou en partie. 2 Les quatre premiers Principes fondamentaux – humanité, impartialité, neutralité et indépendance –, connus sous le nom de « principes humanitaires », guident notamment tous les programmes d’aide humanitaire des Nations Unies. 3 Beaucoup d’autres organisations se sont engagées à agir en accord avec ces principes humanitaires, ou du moins avec ceux qu’elles jugent compatibles avec leur activité.

Les organisations qui utilisent les principes humanitaires ou les Principes fondamentaux comme outils pour orienter leur travail peuvent cependant les définir, les interpréter et les appliquer de différentes manières, même si la terminologie reste la même. Il n’en demeure pas moins clair que les principes humanitaires, et plus largement les Principes fondamentaux, sont une source d’inspiration et de motivation pour une grande partie du secteur humanitaire.

À la lumière de ces éléments, la Revue est vivement intéressée par les différentes expériences des parties prenantes en matière d’interprétation et d’application des principes humanitaires, des Principes fondamentaux et de valeurs similaires – de même que par les expériences de celles ayant choisi de ne pas adhérer à ces principes dans leur travail humanitaire.

Défis et opportunités

Malgré la valeur largement reconnue des Principes fondamentaux et des principes humanitaires en tant que moteur moral et opérationnel de l’action menée par le secteur humanitaire, des tensions apparaissent lorsque ces principes entrent en friction avec d’autres motivations et impératifs. Par ailleurs, la conduite et la nature des conflits armés ont, à bien des égards, profondément changé depuis que les principes ont été conçus puis codifiés. Aujourd’hui, de plus en plus de conflits armés sont de nature non internationale. Les progrès technologiques ont emmené les moyens et les méthodes de guerre sur des territoires inexplorés. Partout sur la planète, le public a accès à l’information (et à la désinformation) comme jamais auparavant. Le monde a évolué, et le Mouvement ainsi que le secteur humanitaire lui ont emboîté le pas. Bien que concilier des exigences éthiques concurrentes fasse depuis longtemps partie intégrante de l’action humanitaire, l’évolution de la guerre et du secteur humanitaire a rendu cette conciliation plus difficile. Bon nombre de ces zones de friction se résument de fait à une seule question :

Comment le secteur humanitaire peut-il concilier les principes humanitaires avec les exigences parfois contradictoires de l’action humanitaire contemporaine ?

Ces dernières années, par exemple, les appels se sont multipliés pour une plus grande localisation et décolonisation de l’aide humanitaire – autrement dit, pour que, dans les programmes humanitaires, le pouvoir décisionnel et la mise en œuvre reviennent, au moins en partie, aux acteurs locaux et ne restent pas aux mains des États et entités traditionnellement forts. En l’espèce, le Mouvement reconnaît depuis longtemps qu’il existe une tension inhérente entre, d'une part, la neutralité et l’indépendance et, d’autre part, la dépendance à l’égard d’acteurs locaux dont on ne peut raisonnablement attendre ou exiger qu’ils s’abstiennent de toute loyauté et de tout préjugé. 4 Cette tension peut-elle et doit-elle être dissipée

De même, l’humanité, l’impartialité et la neutralité exigent que le travail humanitaire soit mené sans discrimination et sans allégeance. Or, dans les faits, la discrimination – fondée sur le sexe, le genre, l’orientation sexuelle, la nationalité et d’autres facteurs – reste une réalité dans de trop nombreuses parties du monde. En soi, cela pose un véritable défi aux humanitaires. Comment cette posture d’impartialité et de neutralité affecte-t-elle la capacité des acteurs humanitaires à traiter équitablement un personnel diversifié et un monde composé d’une diversité de populations ayant besoin d’aide ? Comment le secteur humanitaire peut-il gérer les tensions apparentes qui existent entre, d'une part, son objectif primordial et ses principes essentiels et, d’autre part, les limites imposées par les régimes juridiques nationaux et locaux ?

Le monde moderne est plus que jamais exposé à la mésinformation et à la désinformation. Tandis que les informations peu fiables se multiplient, notamment en ligne, le secteur humanitaire se trouve confronté à un double défi. Tout d'abord, il doit être capable de distinguer les informations fiables de celles qui ne le sont pas lorsqu’il planifie ses programmes, ses activités et ses réponses aux crises. Ensuite, il doit pouvoir décider en toute connaissance de cause si et comment répondre à la mésinformation et à la désinformation concernant l’action humanitaire elle-même. Comment le secteur humanitaire peut-il protéger sa neutralité et son impartialité réelles et perçues ?

Les problèmes de mésinformation et de désinformation sont également liés à des questions de perception par le public. Le principe d’indépendance exige que les acteurs qui y adhèrent agissent de manière autonome. Le plus souvent, cette autonomie est envisagée par rapport aux gouvernements, aux militaires et aux autres parties aux conflits armés, ainsi qu’aux autres sources traditionnelles de pouvoir. Or, l’autonomie ne doit pas se limiter à ces sources d’influence. L’opinion publique peut également constituer une source de pression importante, en particulier dans un monde qui offre de plus en plus de possibilités de s’exprimer et d’être entendu en ligne et dans des forums publics. Il est donc essentiel de savoir porter un discours public fort pour mettre en lumière les enjeux et les défis humanitaires. Un tel discours ne suffit toutefois pas à garantir que le public alignera ses propres choix et exigences sur les Principes fondamentaux ou les principes humanitaires. Le secteur humanitaire doit donc veiller à ce que ce discours soit informatif, et non péremptoire. Comment le secteur peut-il trouver un juste compromis entre interagir avec un public actif et conserver sa propre indépendance ?

Le débat sur les défis et opportunités présenté ici ne se veut en aucun cas exhaustif. Il a plutôt pour vocation de présenter certaines des principales difficultés auxquelles les humanitaires font face aujourd’hui lorsqu’ils sont amenés à interpréter et à appliquer les Principes fondamentaux et les principes humanitaires. La Revue accueille favorablement toute proposition traitant de ces questions et d’autres sujets connexes, et encourage les auteurs à mener une analyse critique et à proposer des pistes pour l'avenir.

Appel à contribution

À l’approche du 60e anniversaire des Principes fondamentaux, la Revue internationale de la Croix-Rouge sollicite des propositions portant sur ces principes – comment les comprendre en 2023, comment ils sont appliqués dans la pratique, comment les évolutions récentes (des conflits armés, des urgences humanitaires et de la société dans son ensemble) sont synonymes de nouveaux défis et de nouvelles perspectives pour ces principes et leur efficacité.

Vu le grand nombre de publications existantes sur le sujet, nous sommes surtout intéressés par des propositions de réflexion prospective suggérant des recommandations sur les moyens de résoudre les problèmes humanitaires et juridiques actuels, ainsi que par des articles dont les arguments novateurs et les approches créatives sont susceptibles d’influencer les futurs débats juridiques et politiques en la matière.

Comment soumettre votre proposition

Nous invitons toute personne intéressée à soumettre, d’ici au 22 mai 2023, un résumé de 500 mots au maximum, accompagné d’un CV ou d’une biographie de 300 mots au maximum. Veuillez noter que, si vous êtes invité·e à soumettre un projet d’article sur la base de votre proposition, le texte complet de votre contribution devra compter entre 8000 et 10 000 mots (y compris les notes de bas de page), bien que nous soyons ouverts à toute proposition d’autres formats (notes d’opinion, etc.). Nous privilégions les propositions inédites pouvant clairement contribuer aux débats juridiques et politiques et les faire avancer dans cet espace au cours des années à venir.

Votre résumé doit comprendre :

  1. l’énoncé du titre ;
  2. les principaux arguments que vous souhaitez développer ;
  3. une note expliquant en quoi le sujet choisi enrichit de façon inédite la littérature existante, tout en étant en accord avec la ligne éditoriale de la Revue (pour plus de détails, veuillez consulter nos Lignes directrices à l’intention des auteurs).

Veuillez faire parvenir votre dossier en format Word par courriel à l’adresse review@icrc.org. Conformément à notre volonté constante de donner la possibilité de s’exprimer à une pluralité de voix dans ce domaine, nous encourageons aussi bien des auteurs·trices établi·e·s que des auteurs·trices nouveaux·elles à nous adresser leurs propositions.

Vous recevrez une réponse à votre proposition au plus tard le 22 juin 2023. Si vous êtes invité·e à soumettre un article complet, le texte intégral de votre contribution devra être livré au plus tard le 15 septembre 2023.

Les propositions pour cette édition seront examinées par un jury dont la composition sera communiquée dans les semaines à venir.

 

  • 1Les Principes fondamentaux du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge – Principes éthiques et outils de l'action humanitaire, Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et Comité international de la Croix-Rouge, 2016, https://shop.icrc.org/the-fundamental-principles-of-the-international-r…
  • 2Certains des Principes fondamentaux, avant même d’exister en tant que tels, ont ainsi inspiré différents types d’activités humanitaires. Ces principes, en tant que valeurs, ont donc une vie qui leur est propre, en dehors de la place qui est la leur parmi les Principes fondamentaux.
  • 3La résolution 46/182 de l’Assemblée générale des Nations Unies (1991) a codifié les trois premiers principes ; la résolution 58/114 de l’Assemblée générale des Nations Unies (2004) a ajouté l’indépendance.
  • 4Les Principes fondamentaux du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge – Principes éthiques et outils de l'action humanitaire, Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et Comité international de la Croix-Rouge, 2016, https://shop.icrc.org/the-fundamental-principles-of-the-international-r…

“Revisiting the Fundamental Principles”

The Jury Members