IRRC No. 910

Le Mémorial de la Shoah : une histoire à rebours à partir du site de Drancy

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Texte original en français.

Entre l’inauguration du Tombeau du martyr juif inconnu à Paris en 1956 et l’ouverture du Mémorial de la Shoah à Drancy en 2012, l’histoire de la Shoah en France a évolué grâce à des archives, des débats, des commémorations et des expositions. Dans l’immédiat après-guerre, un petit groupe a travaillé à la création d’un site dédié au génocide des juifs en Europe afin de veiller à ce que la mémoire de la Shoah reste dans les consciences. Ce projet qui ouvrit la voie au Mémorial de la Shoah à Paris et à Drancy pourrait être vu comme une expression de ce qu’est la mémoire en France aujourd’hui.

*   Au moment de l’écriture de cet article, l’auteure était coordinatrice pédagogique au Mémorial de la Shoah à Drancy. Les sources historiques auxquelles elle fait référence proviennent des archives et de la documentation du Mémorial.

Introduction

Le Mémorial de la Shoah de Paris et le Mémorial de Drancy, sont nés du Centre de Documentation Juive Contemporaine1 (CDJC) et ont vu le jour grâce à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah2 (FMS). Le Mémorial de la Shoah à Paris avait ouvert son exposition au public en 20053 , en même temps que le Mur où sont gravés les noms des 76 000 déportés juifs de France. L’emplacement n’avait pas été déterminé par un événement précisément lié au génocide mais par la préexistence, rue Geoffroy l’Asnier, dans le quartier du Marais, où habitaient un très grand nombre de Juifs avant la guerre, d’un lieu du souvenir et de la recherche.

Dans les années qui suivirent, plusieurs lieux de mémoire virent le jour en France sur d’anciens sites de persécutions, d’internement, de détention4 . Parmi eux, le Mémorial de la Shoah à Drancy, inauguré le 21 septembre 2012, est dédié à l’histoire et la mémoire du camp de Drancy qui fut le principal camp d’internement et de transit des Juifs de France entre 1941 et 1944. Parmi les 76 000 déportés juifs de France, 63 000 sont partis de Drancy vers les camps nazis5 . C’est grâce à divers financements, en particulier de la FMS, mais aussi en utilisant les infrastructures et outils à disposition, qu’il a été possible de mieux faire connaître l’histoire de la Shoah en France. Le rôle de la FMS est essentiel pour comprendre l’histoire du mémorial de Paris et du mémorial de Drancy.

Situé face au bâtiment de l’ancien camp, la Cité de la Muette, le musée-mémorial de Drancy n’est pas une réplique, en Seine Saint-Denis, du Mémorial de la Shoah à Paris. Au moins deux critères le distinguent du site parisien : d’une part, l’histoire se raconte à l’endroit même où une page essentielle de l’histoire de la Shoah s’est déroulée – in situ, ou plutôt en face, le bâtiment du camp étant devenu un lieu d’habitation peu après la Libération ; d’autre part, l’histoire de la Shoah en France est abordée à partir d’une étude de cas: le camp de Drancy, en tant que rouage essentiel de la persécution puis de la déportation des Juifs depuis la France.

Simone Veil, en tant que présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah entre 2001 et 2007, a beaucoup œuvré, tout comme l’avocat et historien, Serge Klarsfeld, pour la réalisation d’un Mémorial à Paris et à Drancy. Aujourd’hui, à travers les deux sites du Mémorial, s’articule une lecture arborescente de la Shoah : l’histoire française de la Shoah en Europe et l’histoire drancéenne de la Shoah en France, arrimée à la première : un mémorial renvoie à l’autre.

À l’occasion des cinq ans du Mémorial de la Shoah à Drancy, le service de communication lance, à l’automne 2017 une campagne d’affiches en région parisienne ayant pour accroche : « Paris - Drancy 12 km, Camp de Drancy - Camp d’Auschwitz 1 220km » (voir photo 1). L’objectif, au-delà de l’identification d’un musée pour un public francilien, était de faire émerger l’histoire de Drancy d’un ailleurs non situé, renvoyant à la fois au proche et au lointain. Les distances rappellent que l’histoire du génocide débute, en France, aux portes de Paris et se poursuit en Pologne.

Cet article retrace l’histoire du Mémorial de la Shoah à Paris et à Drancy, de 1943, date de la création du CDJC, à 2012, année de l’inauguration du mémorial de la Shoah de Drancy.

Photo 1. Poster pour le 5e anniversaire du Mémorial de Drancy. © Mémorial de la Shoah.

Photo 1. Poster pour le 5e anniversaire du Mémorial de Drancy. © Mémorial de la Shoah.

 

Histoire du camp de Drancy

La Cité de la Muette avant le camp

L’histoire du camp, ou l’histoire du lieu du camp, suppose de débuter le récit avant la guerre. Les camps d’internement en France étaient, le plus souvent, des lieux dénués d’affectation majeure qui, dans un contexte d’urgence ont été réquisitionnés pour interner6 . Il en va ainsi de Drancy. Dans les années trente, la ville est le théâtre d’un vaste chantier de construction de logements permettant à la classe ouvrière d’accéder au confort moderne à prix réduit (voir photo 2). Le projet, initié par le socialiste Henri Sellier à la tête de l’office HBM, est conçu par les architectes Eugène Beaudoin et Marcel Lods. 1 250 logements sont prévus, répartis en deux structures principales : un bâtiment en forme de U de quatre étages qui borde une vaste cour et à côté de ce « fer à cheval », cinq tours de quatorze étages associées à des immeubles bas. Commerces, église, école devaient être implantés au cœur de la cité. Le chantier est médiatisé7 , admiré8 , des cartes postales prennent pour sujet les tours de quatorze étages, désignées par une légende : « les premiers gratte-ciel de la région parisienne ». La verticalité est inédite dans ce paysage encore relativement rural. Et selon les appartenances politiques, le coût du projet est diversement discuté quand apparaissent des difficultés économiques qui mettent en péril l’avancement des travaux. Seules les tours sont terminées, et finalement mises à disposition de la gendarmerie mobile en 19389 , tandis que le bâtiment en U resta inachevé, sans cloisons intérieures, sans finitions ni revêtement.

Une histoire en suspens jusqu’à l’entrée et l’occupation en juin 1940 des troupes allemandes en zone nord. Le vaste bâtiment en U devient alors un camp ou Fronstalag 111 qui regroupe, jusqu’à l’été 1941, des prisonniers de guerre français, britanniques et canadiens, envoyés ensuite vers les stalags ou oflags. Le Fronstalag 11110 est le premier détournement de la destination initiale d’habitat par un enfermement qui préfigure le camp.

 

Photo 2. La cité de la Muette, 1938. Photographie ©Archives Départementales de la Seine- Saint-Denis.

Photo 2. La cité de la Muette, 1938. Photographie ©Archives Départementales de la Seine- Saint-Denis

 

« Le camp des juifs »

Entre août 1941 et août 1944, la Cité de la Muette, autrement appelée  « camp des Juifs », regroupe plus de 75 000 Juifs en trois ans. 63 000 d’entre eux sont déportés de Drancy, y compris des femmes et des enfants. D’autres ont été libérés, se sont évadés ou ont été déportés depuis d’autres camps, comme Pithiviers ou Beaune-la-Rolande, dans le Loiret. Les caractéristiques du bâtiment, à commencer par sa forme d’impasse, facilitent l’encerclement et la surveillance renforcée par la présence en surplomb de la caserne des gendarmes. Les deux gares du Bourget-Drancy et de Bobigny, situées à 2km permettent, par une liaison en autobus, d’organiser des arrivées et départs. Trois chefs nazis se sont succédés, marquant chacun trois périodes distinctes dans ces trois années d’internement11 . Theodor Dannecker d’abord puis Heinz Röthke et Aloïs Brunner. Jusqu’à l’arrivée de Brunner à la direction du camp, en juin 1943, le camp est sous administration française. Différents gradés de la police et de la gendarmerie françaises assurent l’encadrement : de la fouille à l’arrivée des internés à celle du départ, avant le transfert vers la gare de déportation12 . À l’intérieur de cet espace intermédiaire, entre l’arrestation et la déportation, les internés tentent de faire valoir une situation qui pourrait les libérer du camp ; stratégie conduite à partir de ce qu’ils savent ou devinent des catégories de déportables ou non-déportables13 ou, de façon plus incertaine, à partir d’une rumeur qui a fait naître de l’espoir. Faute de libération, il s’agissait de reconstituer un semblant de quotidien dans un environnement de précarité et de promiscuité, où « Juifs de Belleville » et « Juifs des Champs-Elysées14  » se côtoient. Après le français et le yiddish, l’allemand, le turc, l’espagnol, le hongrois… sont parlés15 . Les déménagements d’une chambrée à l’autre sont fréquents, au gré des entrées et des départs. L’angoisse au camp tient surtout à la suite inconnue, même si la proximité de Paris – d’une grande ville habitée - rassure. Que savaient les internés de l’endroit où ils allaient et de ce qu’ils allaient faire ? Des rescapés qui, adolescents, avaient été internés avec leurs parents se demandent également, rétrospectivement, ce que leurs parents, derrière un silence ou des mots de réconfort, imaginaient réellement16 .

L’intense collaboration de l’été 1942 produit une intense déportation ; la plus forte. Entre juillet et septembre, plus de 3 000 internés sont déportés chaque semaine de Drancy à Auschwitz-Birkenau17 . À cette même période, 10 500 juifs étrangers sont transférés depuis des camps de la zone non occupée18 . Le camp de Drancy est un camp dans un vaste réseau de camps d’internements qui fonctionnent en vases communicants et dans ce système, il sert de plaque tournante vers laquelle convergent les trajectoires des Juifs après leur arrestation. Le dernier convoi part le 17 août 1944, une semaine avant la Libération de Paris19 .

Peu après, les collaborateurs sont internés à leur tour jusqu’en septembre 1945. Puis, à la fin de l’année 1947, la cité réhabilitée revient à sa fonction initiale et accueille ses premiers locataires en 194820 .

Photo 3 : À l’intérieur du camp de Drancy. Cette photo a été prise par un photographe nazi, Wagner, en décembre 1942. Il l’a titrée « Là où les femmes juives se sentent bien » © Mémorial de la Shoah/Wagner.

Photo 3 : À l’intérieur du camp de Drancy. Cette photo a été prise par un photographe nazi, Wagner,

 

Photo 4 : La cité de la Muette vue depuis le Mémorial de la Shoah, 2012. Photographe © Philippe Weyl.

Photo 4 : La cité de la Muette vue depuis le Mémorial de la Shoah, 2012. Photographe © Philippe Weyl

 

Une histoire classée : le retour à un quartier résidentiel

À la fin des années 40, la cité de la Muette prend vie. Les chambrées d’alors sont des appartements confortables, la cour dans laquelle se promenait la misère et se distribuaient les humiliations, devient un espace de convivialité. Et rapidement, d’anciens internés et déportés s’associent, soucieux de rendre hommage aux victimes et témoigner, sur place, de l’histoire du camp. Dès 1944, se déroulent les premières cérémonies21 . En 1945, sont publiés les premiers récits22 puis suivra l’apposition de plaques commémoratives dès 1947. Mises bout à bout, ces plaques aux termes et chiffres approximatifs relatent assez bien l’histoire de la mémoire en France.

En 1947, la première plaque commémorative parle seulement des Juifs internés « par l’occupant hitlérien ». En février 1993, la responsabilité de la France est mentionnée, bien qu’en termes ambigus, sur la plaque apposée rendant « hommage aux victimes des persécutions racistes et antisémites et des crimes contre l’humanité commis avec la complicité du gouvernement de Vichy dit “Gouvernement de l’État français” (1940-1944)23  ». Les guillemets montrent que « le régime de Vichy n’était pas la France » et traduisent la volonté de se démarquer de cette période de l’histoire24 . Un monument d’envergure en granit rose, empreint de symbolique juive, réalisé par le sculpteur Shlomo Selinger est érigé en 1976, prolongé par un wagon-témoin et des rails installés en 1988.

Le rassemblement autour du souvenir n’excluait pas l’engagement au temps présent comme en témoignent les invitations aux cérémonies du souvenir lancées par Henry Bulawko, président de l’Amicale des Anciens Déportés Juifs de France (AADJF) :

Alors que certains nostalgiques du nazisme prétendent réduire l’extermination des Juifs d’Europe à un « détail de l’histoire », il est plus que jamais urgent et nécessaire de participer aux côtés des survivants à l’hommage rendu à l’endroit même où étaient entassés les Juifs de France avant leur déportation vers les camps de la mort25 .

Dès la fin des années 80 et pendant plus de vingt ans, le Conservatoire historique  du camp a mené un travail pédagogique, disposant d’un local au rez-de-chaussée  de la Cité de la Muette permettant d’abriter des expositions et rencontres avec d’anciens internés et déportés. Mémoire du camp et habitants se tenaient ensemble dans un même lieu.

Yvette Lévy était une adolescente de Noisy-le-Sec, commune située à quelques kilomètres de Drancy. Arrêtée à l’été 1944 à l’âge de 18 ans, elle fut internée à Drancy et déportée à Auschwitz-Birkenau par le convoi 77. Elle fait partie des 4% de rescapés de la déportation. Revenue s’installer près de Drancy à la fin des années 40, elle raconte encore, à l’occasion de témoignages destinés aux scolaires, qu’elle était alors favorable au choix de réhabilitation de la Cité de la Muette dont la fonction serait ainsi tournée vers la vie. Une conversion d’usage répondant à une nécessité aussi bien pratique que vitale : loger après guerre et dépasser le passé pour s’en remettre26 . Cet ordre des choses qui semble naturel pour Yvette Lévy interpelle cinquante ans plus tard. Au tournant des années 2000, la cité HLM elle-même : ses murs, ses fenêtres, ses caves deviennent objet de mémoire.

Réhabilitation, patrimonialisation

En 1999, peu après le procès de Maurice Papon où fut rappelé le camp de Drancy, le photographe américain William Betsch, se rend en Seine-Saint-Denis, curieux des traces matérielles ou symboliques du camp qui pourraient subsister dans la Cité27 . Il enquête, parle aux habitants alentours et les questionne sur le passé. Il rencontre des locataires de la Muette, entre dans quelques appartements, explore les caves et photographie des traces. Betsch est sur place au moment où sont engagés des travaux de remplacement des huisseries visant à améliorer l’isolation des appartements. Les fenêtres d’origine, dessinées par le designer Jean Prouvé sont, une à une, ôtées et jetées. Témoin de cette destruction, William Betsch alerte la Direction régionale des Affaires culturelles d’Île de France (DRAC) du ministère de la Culture, réclamant la protection et le classement du site. « La modification que subit Drancy est un acte mémoricide qui prépare une négation criminelle de l’histoire28  », d’abord interloqué par le fait que le bâtiment soit habité et qu’il manque à la liste des monuments historiques reconnus et stupéfait, par ailleurs, stupéfait que des huisseries soient remplacées au profit d’un matériau standard en PVC sans égard pour la valeur qu’elles représentent. En cette fin de décennie française qui a exhumé Vichy, William Betsch parle d’un « travail d’oubli29  » mesurant bien, confronté à des traces, qu’« il est plus facile de plastiner un cadavre qu’un corps vivant et c’est le cas de la Muette ».

En mai 2001, le ministère de la Culture classe le site à deux titres : pour la « réalisation architecturale et urbanistique majeure du XXe siècle conçue par Beaudoin et Lods » et pour « son utilisation pendant la Seconde Guerre mondiale comme camp de regroupement avant la déportation ». Dès lors, les habitants deviennent les locataires d’un haut lieu de la mémoire nationale. L’habitacle, et non l’habitat, est classé, c'est-à-dire, la façade, les toits, les sous-sols, les cages d’escalier, la cour centrale et le tunnel.

Un classement contestable selon  Françoise Choay30 , historienne de l’architecture et de l’urbanisme. Du point de vue architectural : « la Cité de la Muette est inachevée, mutilée et inauthentique31  ». Inachevée par ses auteurs (architectes, ingénieurs, designers), qui sont pourtant la raison de la valeur architecturale. Mutilée car au milieu des années 70, les cinq tours qui composaient l’une des parties du projet ont été détruites. Inauthentique puisque au moment de la réhabilitation de la cité, des modifications, sans consultation du cahier des charges d’origine, ont été apportées. Quant au deuxième titre du classement, pour sa valeur historique : « Le travail de mémoire n’y est possible à condition d’exclure toute fonction utilitaire et quotidienne. On n’habite pas les champs de bataille de Verdun. On n’habite pas Auschwitz. On vient s’y recueillir32  ». Le classement de ce bâtiment fige un impossible en amalgamant patrimoine historique et lieu de mémoire. Françoise Choay formule deux hypothèses qui pourraient être envisagées : soit la cité est rendue à sa fonction originelle et dans ce cas, les anciens bâtiments porteurs d’une charge traumatique sont rasés afin de « faire vivre dans des conditions décentes les populations qu’elle accueille, et qui pourront s’y approprier une identité locale », soit « une partie conséquente du bâtiment est promue au statut de relique et désignée comme telle à la piété des visiteurs (…) réduite à sa seule dignité de témoin33  ».

Après le classement, la rénovation des huisseries se poursuivit, désormais avec la consigne de reproduire les fenêtres à l’identique de celles qui avaient dessinées à l’origine. À l’occasion de ces travaux, en 2009, plus de soixante-dix graffiti datés de la période du camp seront mis au jour après que le bâtiment a été progressivement dénudé de cloisons et contre-cloisons de plâtre pour l’étude. Comme le souligne Choay,

Dans la cité même, la vie continuait. Durant ces années, les résidents s’étaient souvent inquiétés – le classement, l’arrêt des travaux de rénovation, des rumeurs infondées, d’une expulsion à venir, vivre sur le site du « camp des Juifs » n’était pas de tout repos34 .

Interrogés  par une journaliste de Libération en 2012, des habitants réagissent : « le passé intéresse plus que le présent », « nos problèmes n’intéressent personne35  ».

Un musée face au passé composé

Le rappel des mutations successives du bâtiment est nécessaire pour saisir la manière dont un musée, ayant pour vocation d’en raconter le passé, allait prendre place à ses côtés. Si la perspective d’un musée était envisagée depuis longtemps, la question de son emplacement devait dénouer deux aspects supposément conflictuels : d’une part, la nécessité de produire un récit sur un site dont le rôle avait été majeur pour les Juifs de  France : « Drancy est le lieu le plus connu dans le monde entier de la mémoire de la Shoah en France36  », rappelait Serge Klarsfeld dans son discours d’inauguration et, d’autre part, inscrire ce récit dans un lieu qui, converti en habitations à loyer modérés pour une population précaire, poursuivait un autre destin.

Le Mémorial de la Shoah à Drancy, un bâtiment qui regarde

Le Mémorial de la Shoah à Drancy, signé de l’architecte suisse Roger Diener37 , est un cube en béton clair, haut de quatre étages dont la façade est vitrée, à l’exception d’un rez-de-chaussée en miroir (voir photo 5). À l’angle et dans le prolongement d’une rue résidentielle, le musée est très discrètement signalisé ; les passants qui le longent voient en premier lieu leur reflet. Ses proportions et sa forme pourraient le fondre dans le paysage urbain mais sa facture très contemporaine et minimaliste dénote. Il est installé face à la Cité de la Muette, quoique dans une frontalité atténuée par un léger décalage qui ne crée pas d’exacte symétrie.

PHOTO 5 : Le Mémorial de la Shoah à Drancy, conçu par Roger Diener. Photographe © Christian Richters.

PHOTO 5 : Le Mémorial de la Shoah à Drancy, conçu par Roger Diener. Photographe © Christian Richters

« L’approche choisie, dit Diener, renonce à rappeler par l’architecture elle-même l’histoire du génocide. Sa force signifiante, le Mémorial de Drancy la tire de sa proximité immédiate avec l’emplacement historique du camp d’internement vers lequel il s’ouvre38  ». Ni expressive, ni figurative, « sobre et appropriée ». C’est depuis l’intérieur, que le Mémorial s’ouvre vers la Cité par une large baie vitrée qui, du dernier étage, offre une vue panoramique sur le bâtiment de l’ancien camp. Cette vue rythme le parcours dans l’exposition permanente, elle est sa ponctuation essentielle. Ne serait-ce que par sa dimension, la fenêtre, partie intégrante de l’espace muséographique, crée un événement disruptif ; elle donne à lire un document vivant dans une proportion monumentale. Le visiteur, lecteur-spectateur-auditeur par tous les supports émetteurs de contenu, devient un observateur qui tantôt regarde, ausculte ou projette sur la Cité de la Muette. Il peut y voir une cité ordinaire ou un camp selon les filtres qui bien souvent se télescopent. Paradoxe de cette monstration qui donne le sentiment de voir, l’ancien lieu du camp objecte. Exposée, la Cité peut dès lors se voir à distance, sans intrusion sur les lieux quotidiens des habitants. Une maquette du camp, à proximité de la baie vitrée, permet de resituer les espaces du camp sans avoir à prendre pour support la cité et à nouveau l’affubler du passé. L’articulation du face à face entre les deux bâtiments devait permettre, selon une intention énoncée a posteriori par le directeur du Mémorial de la Shoah, Jacques Fredj, que s’opère un transfert de la charge mémorielle et que les habitants soient délestés du poids du passé par la création d’un lieu à part, en face, qui prenne en charge cette mémoire. Des habitants qui  n’ont pas choisi d’habiter ici et ne peuvent rien à l’histoire qui s’est passée avant eux. Cependant, l’architecture de l’un ne dépend que de la présence de l’autre, qui patrimonialisé, est contraint de demeurer dans son rôle de trace monumentale, tout en étant une cité vivante, malgré tout.

Photo 6. Vue panoramique sur la cité de la Muette depuis le Mémorial de la Shoah de Drancy. Photographe © Vincent Pfrunner

Photo 6. Vue panoramique sur la cité de la Muette depuis le Mémorial de la Shoah de Drancy. Photogra

 

Photo 7. Écran interactif « La table des destins » Photographie © Mémorial de la Shoah.

Photo 7. Écran interactif « La table des destins » Photographie © Mémorial de la Shoah.

 

L’exposition permanente

Le visiteur notera que, du fait de la baie vitrée, l’exposition est lumineuse et le reste de l’espace muséographique est entièrement blanc. Une unité claire dans laquelle sont incrustés des écrans qui diffusent les films chrono-thématiques, réalisés par le documentariste Patrick Rotman. Ces films, qui assument l’essentiel du récit sur les trois années du camp, résolvent le caractère problématique des photographies39 qui, pour la plupart, avaient été réalisées sous la surveillance allemande dans le camp ; supposant un certain point de vue, voire une mise en scène et la diffusion dans la presse collaborationniste. Monter ces photographies avec d’autres sources photographiques, alternées de témoignages et de dessins d’anciens internés et le commentaire produit par des historiens, permettait de réajuster la réalité. Face à cette histoire du camp déployée sur écrans, une chronologie superpose les événements concomitants à l’échelle de Drancy, de la France et de l’Europe. Indispensable pour repérer les scansions de la guerre et mesurer les répercussions successives sur un continent et pour situer le rôle de l’Allemagne nazie, qui au-delà de cette chronologie est peu présente dans l’exposition. Néanmoins, une section consacrée au processus bureaucratique autour de la déportation montre, par la reproduction de télex, le suivi des communications entre décisions provenant d’Allemagne et exécution française.

Un écran numérique interactif, appelé « La table des destins » permet de visualiser des trajectoires de personnes juives qui, une fois arrêtées, sont déplacées sur le territoire français avant de rejoindre Drancy. À chaque étape, la persécution est renouvelée et confirmée par une administration et une mise en œuvre logistique. Par exemple, sur cette carte de France découpée en départements, apparaît, entre autres noms, celui de Mordka Michalowicz dans le Rhône. De Lyon, où il est arrêté au début de l’année 1943, il est envoyé au camp d’internement de Gurs puis à la prison de Tarbes. Il arrive à Drancy en février, d’où il sera transféré, le 4 mars 1943, vers Maïdanek. Le visiteur peut lire et visualiser ce parcours illustré d’archives issus de différents corpus : aussi bien une lettre de l’interné qu’un document signé par la Préfecture de police.

Des témoignages d’anciens internés ont été réalisés pour l’exposition. Ils présentent la diversité des sorts : des internés déportés, internés libérés ou évadés. Questionnés sur leurs souvenirs du camp, la trace de Drancy que les anciens internés ont en mémoire varie selon l’expérience qu’ils en ont eue. Le camp ayant été un lieu de transit à partir 1942, il est une étape qui pour certains a duré une semaine et pour d’autres plus d’un an, selon qu’ils étaient jugés déportables ou non, selon des critères qui changeaient constamment. Hormis la durée de l’internement, Les souvenirs que les internés ont de Drancy varient en fonction de ce qu’ils ont vécu ensuite et de la durée où ils y sont restés. Marceline Loridan-Ivens, qui fut internée en avril 1944 et déportée, deux semaines après son arrivée, à Auschwitz-Brikenau dit dans son témoignage : « Je ne me souviens plus. Drancy c’est plutôt la période que j’ai oubliée (…). Pour moi, par rapport à ce que j’ai vécu après, c’était le paradis puisqu’il n’y avait [pas] de gaz40  ». Il s’agit là d’un regard rétrospectif à la lumière de ce qu’elle a vécu ensuite, ses non-souvenirs de Drancy disent la trace proportionnellement traumatique d’Auschwitz. Le principal paradoxe d’un camp d’internement réside dans la sérénité apparente de  la période transitoire entre l’arrestation et la déportation. Comment devrions-nous considérer Drancy au vu de l’extermination qui a suivi ?

2005, le Mémorial de la Shoah-Paris

Le 27 janvier 2005, jour de l’inauguration du Mémorial de la Shoah41 , le président de la République française, Jacques Chirac, longe le Mur des Noms (voir photo 8) aux côtés de Simone Veil. Les visages graves, levés vers la multitude alphabétique de noms - 76 000 noms gravés dans la pierre de Jérusalem -, de ceux qui, partis de France, sont morts en déportation ou qui, pour une infime proportion, y ont survécu, comme c’est le cas de Simone Jacob42 . À cette occasion, Jacques Chirac réitéra, comme il l’avait fait vingt ans plus tôt,  la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs et condamna fermement l’antisémitisme et le négationnisme43 . Le Mur des Noms est le représentant de  cette intersection entre la grande Histoire et l’histoire familiale, intime44 . Cet effet de biographie traversée par l’Histoire avait déjà été poignant quand en 1978, Serge Klarsfeld avait publié dans le Mémorial de la Déportation des Juifs de France45 , les listes de convois avec les noms des déportés juifs de France. Au-delà du livre, il était un objet de recherche et de souvenir pour les familles. Le « fichier juif », exposé à « la crypte », qui regroupe plusieurs fichiers établis par la Préfecture de Police entre 1941 et 194446 , en plus de sa valeur archivistique inestimable, est aussi empreint de cette charge symbolique. Cet espace muséal venait compléter deux autres fonctions du lieu : la recherche avec les archives du CDJC et le souvenir avec le Tombeau du martyr juif inconnu de 1956, lesquels avaient fusionné en 1974 sous le nom de « Mémorial ». En 2006, peu après son ouverture, le Mémorial présente une exposition temporaire : « Il y a 50 ans. Aux origines du Mémorial de la Shoah47  ».

Photo 8. Le Mur des noms. Photographe © Florence Brochoire.

Photo 8. Le Mur des noms. Photographe © Florence Brochoire.

Isaac Schneersohn48 , le fondateur du CDJC, s’entoure de Justin Godart, Georges Wellers, Joseph Billig ou Léon Poliakov, pour l’aider et ils deviendront les pionniers du travail historique porté devant la justice, dès le procès de Nuremberg49 . Compiler les archives et témoignages, les rendre disponibles aux chercheurs et publier, même si « les ouvrages ne parvenaient qu’entre les mains des 2 000 à 3 000 souscripteurs, presque tous des Juifs dûment engagés. Aucune librairie ne pouvait les vendre, aucun critique ne pouvait en parler50  ». Puis, pour que les cendres des victimes soient enterrées de façon « convenable et digne51  », pour que les familles puissent se recueillir, pour que des cérémonies officielles s’ancrent dans un lieu du souvenir en France et que des expositions y soient présentées, Schneersohn organise un comité pour la création d’un monument, qui sera implanté rue Geoffroy l’Asnier, actuel emplacement du Mémorial, sur un terrain donné par la ville.

Photo 9. Le Tombeau du martyr juif inconnu. Photographe © Florence Brochoire.

Photo 9. Le Tombeau du martyr juif inconnu. Photographe © Florence Brochoire.

Comme l’écrit Annette Wieviorka, « Le Mémorial du martyr juif inconnu occupe une place particulière. Il présente une profonde originalité et constitue une sorte d’anachronisme national et international par sa précocité et par sa conception52  ». Déterminé et parfois contesté par ses coreligionnaires53 , Schneersohn traite les enjeux symboliques, politiques et religieux propres du monument selon le culte laïc du « Soldat inconnu ». Il parvint à défendre, auprès de Nahum Goldman, fondateur du Congrès juif mondial, la nécessité d’un Tombeau à Paris, « capitale de la Révolution, de la Commune, de la Libération qui a vu tomber tant de combattants juifs54  ». Le Tombeau est un ensemble architectural de pierre sur deux niveaux, conçu par les architectes Alexandre Persitz et Georges Goldberg. Dans l’obscurité d’une crypte, repose une Étoile de David en marbre noir avec une flamme perpétuelle au centre. Autour du tombeau noir, six vasques contiennent des cendres et au-dessus, une phrase tirée des Lamentations est inscrite en hébreu. Un puits de lumière venant d’en haut permet de rejoindre le parvis à l’extérieur. Un cylindre en bronze ornée des noms en relief de douze camps et du ghetto de Varsovie. Un haut fronton en pierre claire, façade du tombeau mémorial devant laquelle le passant lève les yeux porte trois inscriptions :

  • celle en français de Justin Godart55  : « Devant le Martyr juif inconnu, incline ton respect, ta pitié pour tous les martyrs, chemine en pensée avec eux le long de leur voie douloureuse, elle te conduira au plus haut sommet de justice et de vérité » ;
  • un poème en hébreu de Zalman Schneour : « Souviens-toi de ce que t’a fait l’Amalek de notre génération, qui a exterminé 600 myriades, corps et âmes, sans une guerre » ;
  • et en hébreu et en yiddish : « N’oublie pas ».

L’exposition permanente : « les Juifs de France dans la Shoah »

C’est en 2005, que le public découvre l’exposition permanente dédiée aux « Juifs de France dans la Shoah » ; une exposition enterrée, comme l’est, à Berlin, sous les stèles du Mémorial aux Juifs assassinés en Europe par Peter Eisenman, l’exposition inaugurée la même année. L’exposition permanente s’est insérée au milieu d’organes préexistants et s’est entourée d’une librairie, d’un centre multimédia et d’un espace d’expositions temporaires.

L’exposition a été conçue il y plus de treize ans, ce qui à l’échelle d’un musée frôle la péremption, tant les outils scénographiques – interactifs et numériques - se sont récemment développés ;  modernisation que le site de Drancy a intégrée. Des mises à jour sont prévues ainsi que l’ajout imminent d’une séquence sur les autres génocides.

Comme un thème choisi en arrière-plan, l’exposition est noire et en sous-sol ; une supposée adéquation au sujet dont l’explicite paraît aujourd’hui daté56 . Elle progresse de façon chronologique dans un couloir en forme de U en un chemin linéaire de salles en long heurté par des césures qui séquencent le balayage gauche-droite à la symétrie choisie, comme le traitement face à face de la l’Allemagne nazie et la France de Vichy. En préambule : une salle est dédiée à l’histoire des Juifs de France entre expulsion et émancipation et à l’histoire de la haine des Juifs en Europe dans sa forme religieuse d’abord puis raciale. Ainsi introduit, le génocide s’inscrit dans la continuité d’une histoire longue avant d’apparaître dans l’Allemagne des années 20. En postambule, un espace appelé Le Mémorial des Enfants (voir photo 10), de l’artiste Natacha Nisic présente une mosaïque des photographies retrouvées d’enfants et adolescents déportés. L’éclairage accentue la présence des 3 000 visages qui disent en creux l’absence ou la rupture produite par le génocide. Entre ces deux bouts du U, s’articulent onze chapitres. Comme un livre illustré dont les photographies tiennent le récit, les textes ne son détachés et opèrent comme un fondu qui chapitre les images. Ce récit de fac-similés est soutenu par des archives en vitrines qui illustrent et attestent. Le geste de voir diffère face aux Murs. Les noms des déportés sont dehors mais à l’intérieur de l’enceinte du Mémorial, lisibles par les visiteurs et les familles, une fois franchie le sas de sécurité de l’entrée.

Photo 10. Le Mémorial des enfants. Photographe © Vincent Pfrunner.

Photo 10. Le Mémorial des enfants. Photographe © Vincent Pfrunner.

Ce dont témoigne le livre d’or est la profusion de documents ; il est  impossible de tout voir. La profusion et la proximité des documents en plans linéaires constituent une forme de monstration condensée et panoramique qui aplatit les images et les met en concurrence. Dans la séquence sur la montée du nazisme, le montage produit un « récit slash » : passer d’une image que l’on ne peut ne pas montrer à une autre car elles portent le récit. Les sources et légendes sont minces, ce qui suspend l’interprétation.

Comme un panneau japonais que l’on pourrait coulisser d’un bout à l’autre du mur, La porte de Birkenau est projetée sur un mur-écran qui jouxte la partie française de la salle. Ce plan filmé, réalisé par Natacha Nisic, clôt une séquence et annonce la suivante. N’avait-il pas introduit le début du récit sur le nazisme et la collaboration? Dès l’entrée du visiteur dans la salle, l’image de Birkenau (Auschwitz II) sur le mur du fond, s’impose. Filmé depuis l’intérieur de Birkenau, au ras des rails, la perspective est large et se réduit au fond du plan, visant l’arche floue de Birkenau, à la fois seuil et horizon. Ce plan faussement fixe déstabilise, un léger travelling avance et recule de ce qui apparaît comme une entrée ou une sortie, de ce qui pourrait être, mais n’a pas été, une « dernière image ». C’est principalement depuis la Judenrampe, située plus loin, que les déportés ont été débarqués. L’image projetée est une image à franchir, à contourner pour accéder à l’espace suivant du musée, entièrement dédiée à Auschwitz. Sur le mur du fond qui succède à l’œuvre de Natacha Nisic, contre le béton et sans ajout scénographique : trois des quatre photos clandestines du Sonderkommando du crématoire V de Birkenau57 . Seules photographies existantes de l’extermination des Juifs montrant la crémation des corps à l’air libre et de femmes nues poussées à la chambre à gaz.  Reproduites en grand format, elles ne se fondent pas au récit, porté par les photographies de l’Album d’Auschwitz58 , pour occuper la place à part voulue par leur statut.

Au fond du « U », dans le noir absolu d’un couloir, sont présentés des témoignages filmés. Espace refuge d’un lieu où s’asseoir, où la pénombre isole du voisin, nous laisse seul à seul avec quelqu’un qui nous parle, avec un témoin. Ici la mémoire est une halte, toute l’histoire semble contenue en la personne qui la raconte, elle devient un repère dans la profusion de documents, l’attention n’est sollicitée que par ce témoin.

Nous arrivons à la fin de ce « parcours de mémoire » et entrons dans un moment où la transmission de la mémoire aux jeunes générations ne peut plus passer par des rencontres qui sont pourtant le meilleur moyen de retracer l’histoire. Il est donc nécessaire de revoir l’approche pédagogique afin, en tout premier lieu, de susciter l’intérêt des élèves mais aussi de prendre conscience du poids de l’histoire de la Shoah et le temps qui nous en sépare. Conçu au début des années 2000, avant l’explosion du numérique qui a permis des scénographies innovantes, interactives et immersives dans les musées, l’exposition du Mémorial envisage d’introduire ces nouvelles technologies pour faire en sorte que les voix des témoins soient toujours là.

Conclusion

Isaac Schneersohn n’a pas attendu que l’histoire de la persécution des Juifs de France sous l’occupation - qui ne porte pas encore le nom de Shoah -, pénètre la conscience collective pour imposer un lieu. La suite démontre que les fondations étaient suffisamment solides pour que la structure, polymorphe et extensive, traverse le temps et se développe  avec son annexe à Drancy et le Musée-mémorial des enfants du Vel d’hiv59 à Orléans qui a fusionné en 2017. Le Mémorial de la Shoah, à Paris et à Drancy, reste l’héritier d’une initiative datant de la guerre. Elle fut d’abord conduite par un groupe restreint qui a ouvert la recherche sur l’histoire de la Shoah et le Mémorial s’est imposé, au fil du temps, en réaction aux débats du temps présent. Les expositions de Paris et de Drancy qui relatent l’histoire du Mémorial, mettent en exergue la détermination et l’indépendance qui ont guidé ces pionniers.

  • 1 Renommé en 2013 « Centre de documentation du Mémorial de la Shoah »
  • 2Voir FMS, « la Fondation », disponible sur : https://www.fondationshoah.org/la-fondation (toutes les liens internet ont été vérifiés en mars 2022).
  • 3Le 27 janvier 2005, date anniversaire symbolique de la  libération du camp d’Auschwitz en 1945. Quelques mois avant l’inauguration du Mémorial, l’ONU proclame le 27 janvier  «  Journée internationale de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’Humanité ».
  • 4Par exemple, le mémorial de l’internement et de la déportation - camp de Royallieu, fut inauguré en 2008 ; le Musée-mémorial des enfants du Vel d’hiv, a été inauguré en 2011 ; le site-mémorial du camp des Milles ouvrit en 2012 ; un lieu de mémoire à Chambon-sur-Lignon ouvrit en 2013 ; le mémorial du camp de Rivesaltes fut inauguré en 2015.
  • 5Environ 84% des Juifs déportés de France sont passés par Drancy.
  • 6Par exemple, des usines, des baraquements ou des camps militaires.
  • 7Dans les revues : Urbanisme, n° 16 de juillet 1933 ou L’architecture d’aujourd’hui, n° 6 en 1935.
  • 8« Toute l’Europe a défilé à Suresnes, à Drancy. On venait voir ce qui se faisait sous la direction de Sellier ». Marcel Lods, « Cité de la Muette à Drancy », L’architecture d’aujourd’hui, n° 9, 1935, p. 40.
  • 9En raison de la cherté des loyers, ces immeubles étaient peu accessibles aux ouvriers.
  • 10Dans cette banlieue nord-est de Paris, d’autres camps sont installés : le fort de Romainville aux Lilas et le Fronstalag à Saint-Denis dont disposent les Allemands.
  • 11Selon  « Le calendrier de la déportation- le calendrier de la persécution des Juifs de France », Serge Klarsfeld, La Shoah en France, tome 2, Fayard, Paris, 2001.
  • 12Voir Georges Horan-Koiransky, Journal d’un interné : Drancy, 1942-1943, Créaphis, Paris, 2017. Interné, il fut volontairement affecté à la « corvée des wagons » pour tout voir. Témoin des départs, G. Horan-Koiransky a décrit dans les moindres détails l’organisation des départs et la répartition des rôles entre gradés français et allemands.
  • 13Les catégories sont changeantes : les conjoints d’aryennes sont jugés un temps non déportables, également pour les Juifs français ou certaines nationalités, selon des accords diplomatiques. François Montel et Georges Kohn, Journal de Compiègne et de Drancy, Les Fils et Filles des Déportés Juifs de France (FFDJF), Paris, 1999.
  • 14Noël Calef, Drancy 1941 : camp de représailles, Drancy la faim, 1991, FFDJDF, Paris, 1991. En 1948, Noël Calef raconte son internement en 1941.  En évoquant Belleville et les Champs-Elysées, il témoigne des effets de distinctions sociales entre internés qui n’étaient pas issus des mêmes quartiers de Paris et des mêmes conditions sociales.
  • 15Voir la partie « Une immense tour de Babel », in Renée Poznanski, Denis Peschanski et Benoît Pouvreau, Drancy : un camp en France, Fayad et ministère de la Défense, Paris, 2015.
  • 16Comme Simone Veil ou Marceline Loridan-Ivens, Ginette Kolinka, qui a été internée et déportée à 19 ans, se souvient avoir imaginé qu’elle partirait avec sa famille vers un camp de travail : « Mon père, comme il était trop vieux pour être envoyé en usine ou dans un champ, il avait 61 ans, j’imaginais qu’il travaillerait comme tailleur dans un atelier. Mon frère, Gilbert qui avait 12 ans, je me disais qu’il irait à l’école et que Jojo, mon neveu de 14 ans, qui était costaud, travaillerait comme moi dans une usine ou dans un champ ». Propos extraits de son premier témoignage en 1997 pour la Fondation Spielberg, disponible dans archives et documentation du centre de documentation du mémorial de la Shoah. Chacune d’elles, internées en avril 1944, parle des flirts au camp, décrivant Drancy à la fois comme « un petit village » et un « dernier lieu de vie ».
  • 17Selon la liste des convois publiée in Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, FFDJF, Paris, 2e édition, 2012 (actualisation du premier recensement effectué en 1978).
  • 18Ibid.
  • 19Ibid.
  • 20Voir le compte rendu du conseil municipal de Drancy du 18 mars 1946 dans les archives municipales de Drancy.
  • 21Hormis les pèlerinages individuels ou de familles qui se rendent sur place, une cérémonie religieuse est organisée par le Consistoire israélite devant le camp le 22 septembre 1944.
  • 22Jacques Darville et Simon Wichené, Drancy la Juive ou la Deuxième Inquisition, A. Breger frères, Paris, 1946 ; Denise Aimé, Le relais des errants, Desclée de Brouwer et Cie, Paris, 1945 ; Julie Crémieux-Dunand, La vie à Drancy, E. Dauer, Paris, 1945 ; Georges Wellers, De Drancy à Auschwitz, CDJC, Paris, 1946.
  • 23La première plaque de 1947 parle de « 120 000 » juifs internés « par l’occupant hitlérien ». C’est à la suite du décret du 3 février instituant une « Journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites » et la fixant au 16 juillet, que cette plaque est apposée. L’article 1 du décret de 1993 disposait : « il est institué une journée nationale à la mémoire des victimes des persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité de faite dite “gouvernement de l’État français” (1940-1944) ».
  • 24Par son discours prononcé le 16 juillet 1995, lors de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, le Président Jacques Chirac a clairement levé cette ambiguïté en affirmant : « Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français » et en reconnaissant que « la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable », discours disponible sur : https://www.fondationshoah.org/sites/default/files/2017-04/Allocution-J….
  • 25Courrier d’invitation à la cérémonie du 25 octobre 1987. À la fin des années 80, alors que se déroulent les procès de Klaus Barbie et de Maurice Papon, les cérémonies sont l’occasion de réagir aux déclarations antisémites de Jean-Marie Le Pen et aux thèses négationnistes qui se répandent. L’installation du wagon-témoin s’inscrit dans une mémoire plus explicite, qui veut exposer les preuves.
  • 26Tiré d’entretiens entre Yvette Levy et des enfants au Mémorial. Le Mémorial organise des rencontres entre des témoins et des scolaires.
  • 27William Betsch, Drancy ou le travail d’oubli, Thames & Hudson, Paris, 2010.
  • 28Extrait du rapport que William Betsch envoie en juin 2000 à la DRAC, cité par Renée Poznanski, Denis Peschanski, Benoît Pouvreau, op. cit. note 15, p. 261.
  • 29Après les trois procès pour crimes contre l’humanité qui se sont tenus en France (Klaus Barbie, 1987 ; Paul Touvier, 1994 ; et Maurice Papon, 1997) et les polémiques dans les années 90 à propos  du passé du président français François Mitterrand sous le gouvernement de Vichy, Vichy continue de tourmenter la mémoire collective. Concernant Drancy, William Betsch, op. cit.  note 27, a intitulé son livre Drancy ou le travail d’oubli. Voir aussi David Rieff, « …Et s’il existait aussi un devoir d’oubli, quel regard porterions-nous sur l’histoire ? », dans ce numéro de la Sélection française de la Revue.
  • 30Françoise Choay a publié plusieurs ouvrages sur le patrimoine, le plus cité étant Allégorie du patrimoine, Seuil, Paris, 1992.
  • 31Françoise Choay, « Cité de la Muette, Drancy : le culte patrimonial », Urbanisme, n° 325, 2002.
  • 32Ibid., p. 92
  • 33Ibid.
  • 34Ibid.
  • 35Propos recueillis par Alice Géraud, « Drancy : sous la cité le camp », Libération, 14 novembre 2012.
  • 36Voir FMS, « Inauguration du Mémorial de la Shoah à Drancy », disponible sur : http://www.fondationshoah.org/memoire/inauguration-du-memorial-de-la-sh….
  • 37De l’agence Diener & Diener à Bâle, créée par son père en 1942.
  • 38Extrait du dossier de présentation du Mémorial de la Shoah réalisé en septembre 2012 : « Le projet architectural » (dossier de l’auteur).
  • 39Les photographies prises dans le camp proviennent de cinq reportages. Le premier se déroule le 10 septembre 1941 pour quelques  journalistes de la presse collaborationniste (Paris-Soir, Le Petit Parisien, Le Matin) qui ciblent les avocats internés et présentent en prétendu « faciès juif ». Le second reportage date du 3 septembre 1942 durant la visite du photographe allemand, Wagner, de la section française du ministère allemand de la Propagande. Le troisième reportage est constitué de 56 photographies du Comité international de la Croix-Rouge, lors de la visite du docteur Jacques Morsier, le 10 mai 1944, sous le contrôle d’Aloïs Brunner. Le quatrième reportage, appelé Fonds Strasser est réalisé par les nazis et retrouvé par un interné, Adalbert Strasser, dans les derniers jours du camp. Enfin, le dernier reportage, contient 13 photographies clandestines datant de l’hiver 1942.
  • 40Témoignage INA/ FMS recueilli par Antoine Vitkine en 2009.
  • 41Le retentissement du film Shoah de Claude Lanzmann en 1985 imposa ce mot comme désignant le génocide des Juifs d’Europe.
  • 42Nom de jeune fille de Simone Veil, dont le nom figure sur le Mur.
  • 43Dans son discours lors de l’inauguration, le Président Chirac affirma : « L'antisémitisme n'est pas une opinion. C'est une perversion. Une perversion qui tue. (…) Le Gouvernement met et mettra tout en œuvre pour que cesse l'antisémitisme ».
  • 44Un appel aux dons fut lancé en 2018 pour ajouter des noms et corriger des erreurs constatées par les familles, de façon à ce que la restauration du Mur soit achevée en 2020.
  • 45Serge Klarsfeld, Mémorial de la déportation des Juifs de France, 1978, actualisé en 2012, voir : https://www.fondationshoah.org/memoire/memorial-de-la-deportation-des-j… ; version en ligne : https://stevemorse.org/france/introf.html. https://www.fondationshoah.org/memoire/memorial-de-la-deportation-des-j…
  • 46Déposé au CDJC in 1996. Sur la découverte et l’histoire du « fichier juif », voir Laurent Joly, L’antisémitisme de bureau: Enquête au cœur de la préfecture de police de Paris et du commissariat général aux Questions juives (1940–1944), Paris, Grasset, 2011.
  • 47Sous la direction d’Annette Wieviorka, l’exposition est présentée du 17 septembre 2006 au 7 janvier 2007.
  • 48Pour en savoir plus sur Isaac Schneersohn, fondateur du CDJC, voir : https://www.memorialdelashoah.org/archives-et-documentation/le-centre-d….
  • 49Annette Wieviorka, Il y a 50 ans, aux origines du Mémorial de la Shoah, Mémorial de la Shoah, 2006.
  • 50Léon Poliakov, L’auberge des musiciens, Paris, Mazarine, 1980, p. 177
  • 51Ce sont les mots du grand rabbin Kaplan  qui procède à l’inhumation des cendres.
  • 52Annette Wieviorka, « La représentation de la Shoah en France : mémoriaux et monuments », Musées de guerre et mémoriaux, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2005, p. 53.
  • 53Dans son article, « 1992. Réflexions sur une commémoration », publié dans la revue des Annales, vol. 48, n° 3, 1993, pp. 703-704, Annette Wieviorka cite cette lettre du docteur Engelson adressée à Isaac Schneeersohn : « Il est contraire à tout l’esprit du judaïsme d’édifier des monuments en relation avec des principes spirituels, qu’il s’agisse de Dieu ou de l’âme ou de morts. Le monument est un simple pendant au monument commémoratif du “Soldat juif inconnu”. Il est bien loin de représenter quoi que ce soit de propre au génie juif ».
  • 54Lettre d’Isaac Schneersohn à Nahum Goldman, date du 9 septembre 1953. Archives CDJC.
  • 55Justin Godart fut le premier président du CDJC et le président du Comité mondial pour l’érection du Tombeau du martyr juif inconnu. Il décède deux mois après son inauguration en 1956. Il fut nommé Juste parmi les Nations en 2004.
  • 56Cette scénographie ne fut pas choisie pour l’exposition de Drancy qui est emplie de lumière et où la clarté n’a pas été considérée comme un obstacle à la compréhension du sujet si lourd en émotion.
  • 57La quatrième photographie est décadrée et ne laisse apparaître aucune figure humaine. Les quatre photos sont au Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau.
  • 58L’Album d’Auschwitz rassemble environ 200 photos prises par des SS en mai et juin 1944 lors de la déportation massive des Juifs de Hongrie à Birkenau. Découvert en 1945 par une jeune rescapée du camp de Dora-Mittelbau, Lily Jacob, les images montrent le processus ayant conduit à un crime de masse, fut donné à l’institut Yad Vashem. Il est disponible sur : https://www.yadvashem.org/yv/fr/expositions/album-auschwitz/index.asp.
  • 59Le Musée-mémorial des enfants du Vel d’hiv, a été inauguré en 2011 à Orléans. Porté par l’association, créée en 1991, le Cercil (Centre d’Etude et de Recherches sur les camps d’Internement dans le Loiret), il fut absorbé par le Mémorial afin d’en assurer la pérennité.

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