IRRC No. 910

Acteurs et auteurs : le rôle de l’expérience personnelle et la place de l’histoire dans les écrits des présidents du CICR

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Abstract
Le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) occupe une fonction privilégiée. Témoin direct de la marche du monde, il en est également l’un des acteurs les plus importants dans le domaine humanitaire. Ce double statut s’en ressent lorsqu’il prend la plume et parle de l’organisation qu’il dirige. L’ambition de cette contribution est de se pencher sur les publications des différents présidents du CICR et d’essayer de comprendre comment ils mêlent expérience personnelle et histoire de l’organisation, et en quoi celle-ci est utile à leurs écrits.

Texte original en français.

*   Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue du CICR.

Introduction

Les rapports entre histoire, mémoire, politique et pouvoir ont toujours été très étroits. La volonté d’imposer ou suggérer une lecture spécifique de l’histoire par des écrits personnels remonte sans doute à l’origine de l’écriture elle-même. Des milliers de livres et mémoires ont été écrits pour défendre un bilan, proposer une interprétation de faits historiques ou imposer des points de vue. Les uns magnifient leurs succès, les autres minimisent leurs échecs. Certains défendent des idées politiques en puisant leurs arguments dans les profondeurs de l’histoire tandis que d’autres arriveront à des conclusions inverses en s’appuyant sur d’autres épisodes historiques. Ce phénomène dépasse d’ailleurs largement le cadre politique et concerne toute personne qui espère que son héritage ne sera pas perdu. Henry Dunant lui-même, alors qu’il était pauvre, âgé et oublié de tous, a été très actif pour que son rôle dans la création de la Croix-Rouge et de la première Convention de Genève soit enfin reconnu à sa juste valeur, débouchant d’ailleurs sur la remise du premier Prix Nobel de la paix en 19011 .

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et sa gouvernance n’échappent pas à cette tendance. La présidence du CICR est une position éminemment politique et peut-être la plus prestigieuse que puisse atteindre un citoyen suisse. La connaissance opérationnelle du CICR, les activités diplomatiques et de nombreuses visites sur le terrain confèrent à cette fonction la capacité à porter sur le monde un regard d’expert. Le président du CICR est ainsi riche d’une expérience unique. Parallèlement, il préside aux destinées d’une organisation qui, au fil du temps, a acquis une profondeur historique inégalée. Ce constat implique un certain nombre de questions. Tout d’abord, le président du CICR se sert-il de cette expérience lorsqu’il devient l’auteur de textes publiés ? Utilise-t-il son expertise bien particulière pour légitimer ses propos ? Est-ce que celle-ci lui confère une autorité particulière pour dépasser le cadre de son mandat et parler de l’histoire du CICR au sens large ? Comment et pourquoi le président du CICR fait-il référence à l’histoire ? L’objectif de cet article est de se pencher sur les publications des différents présidents et essayer de comprendre comment leur expérience et l’histoire sont utilisées pour défendre leur point de vue ou appuyer l’action de leur organisation, le CICR.

Quatorze présidents se sont succédé à la tête du CICR de 1863 à nos jours2  : Guillaume-Henri Dufour (1863-1864), Gustave Moynier (1864-1910), Gustave Ador (1910-1928), Max Huber (1928-1944), Carl Burckhardt (1944-1948), Paul Ruegger (1948-1955), Léopold Boissier (1955-1964), Samuel Gonard (1964-1969), Marcel A. Naville (1969-1973), Eric Martin (1973-1976), Alexandre Hay (1977-1987), Cornelio Sommaruga (1987-1999), Jakob Kellenberger (2000-2012) et Peter Maurer (depuis juillet 2012). Ils ont tous écrit l’histoire de deux façons différentes : ils en ont été des acteurs directs et actifs et sont les auteurs de textes contribuant à l’histoire du CICR. Dans le cadre de leur fonction, ces présidents ont en effet tous rédigé ou signé des textes de natures diverses : discours, circulaires, monographies, mémoires, articles et préfaces d’ouvrages généraux, recueils d’articles, interviews et livres d’entretien et bien entendu des contributions dans la Revue internationale de la Croix-Rouge (ci-après : la Revue).

Si celle-ci contient de nombreux textes signés par les présidents successifs, la plupart de ces écrits sont en fait des circulaires, des annonces ou des documents officiels qui reflètent les positions institutionnelles de l’ensemble du Comité plutôt que celles d’un seul homme. Il n’est donc pas évident de déterminer l’implication réelle des présidents dans ces écrits. La situation est encore plus compliquée lorsqu’il s’agit d’aborder Gustave Moynier, à la fois président du CICR et rédacteur du Bulletin International des Sociétés de Secours aux Militaires Blessés (qui a précédé la Revue3 ). C’est pour cette raison que la présente étude se focalise essentiellement sur les publications qui ne sont pas passées par les canaux officiels du CICR, avec toutefois quelques incursions dans les écrits parus dans la Revue. Ce choix devrait d’ailleurs permettre de répondre à nos questions en abordant des textes qui donnent a priori plus l’occasion aux présidents de partager des points de vue plus personnels qu’institutionnels. De plus, l’échantillon qui suit n’est, par définition, pas exhaustif et a été compilé en essayant d’inclure des publications de toutes les époques de l’histoire du CICR et issues de la plume de tous les présidents. Certains ayant été beaucoup plus prolifiques que d’autres, la proportion des publications venant de chacun est très inégale. Ainsi, Gustave Ador, Samuel Gonard, Marcel Naville et Éric Martin n’ont laissé que de rares traces publiées de leur passage à la tête du CICR, surtout si l’on se limite aux contributions qu’ils ont signées. D’autres ont, au contraire, écrit de nombreux textes durant ou après leur présidence. Gustave Moynier, Max Huber et Cornelio Sommaruga entrent dans cette seconde catégorie. Si ce déséquilibre empêche une analyse totale, les sources utilisées sont toutefois assez nombreuses pour dégager des tendances et des pratiques.

Afin de répondre aux questions mentionnées précédemment, cet article va tout d’abord revenir successivement sur deux caractéristiques typiques dans les écrits des présidents du CICR : la propension à examiner le présent et la présence récurrente de l’histoire de l’institution. Puis, l’analyse va porter plus précisément sur le rôle particulier du président, à la fois acteur et auteur. Il s’agira alors, dans une section plus courte, de mettre en évidence les stratégies pour objectiver leur discours, tant sur le présent que sur le passé. Une dernière partie s’interrogera enfin sur les rapports que les différents présidents du CICR entretiennent avec l’histoire de l’organisation qu’ils dirigent. La conclusion s’interrogera enfin sur la façon dont ces rapports pourraient évoluer dans le futur.

Examiner le présent

Les publications sont avant tout un moyen de faire connaître l’action actuelle du CICR et de défendre les décisions prises sous une présidence. Les présidents, du fait de leur fonction et souvent de leur formation, ont un regard d’expert sur le monde contemporain et le rôle du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (le Mouvement) dans celui-ci. Ils n’hésitent pas à partager leur expérience. Par exemple, Gustave Ador décrit l’œuvre charitable de la Suisse pendant la Première Guerre mondiale4 tandis que Max Huber évoque les heures sombres de la Deuxième Guerre mondiale5 . Léopold Boissier décrit les opérations du CICR au Guatemala6 . Alexandre Hay analyse lui aussi le présent dans son discours sur « Le CICR face au monde actuel7  ». Quant à Peter Maurer, l‘actuel président du CICR, il partage publiquement les vues du CICR sur le conflit israélo-palestinien lors d’une conférence ensuite publiée dans une revue académique8 . Cornelio Sommaruga est peut-être le président qui utilise le plus d’exemples vécus sous sa présidence. En effet, il n’hésite pas à mentionner régulièrement et largement certaines actions du CICR sous sa présidence : la Somalie, la guerre du Golfe, la Bosnie-Herzégovine, la lutte contre les mines anti-personnel.

Les différents présidents utilisent également leur expertise pour éclairer certaines problématiques plus spécifiques. Par exemple, Gustave Moynier se penche sur la philanthropie des armées ; Léopold Boissier analyse l’aide aux détenus politiques ; Max Huber est l’auteur de toute une série d’articles touchant différentes facettes de la Croix-Rouge ; Cornelio Sommaruga s’intéresse aux opérations de maintien de la paix ; Jakob Kellenberger aux déplacés internes. Ces différentes problématiques illustrent tant les intérêts personnels de ces hommes que les préoccupations de leur temps. La plupart des présidents du CICR publient également des textes liés au droit international humanitaire (DIH). Certaines publications ne concernent pas uniquement ou pas du tout la Croix-Rouge. Dans plusieurs de ses écrits, Gustave Moynier n’hésite pas à se perdre dans de longues digressions philosophiques sur la charité ou la compassion9 . Ainsi, beaucoup des textes analysés sont en premier lieu orientés vers le présent. Ils s’ancrent dans les problématiques contemporaines aux différents présidents et abordent souvent « l’actualité » du CICR et du Mouvement.

Revenir sur l’histoire

Cependant, les présidents ne se bornent pas à analyser le monde contemporain, loin s’en faut. En effet, le CICR est une organisation qui, depuis ses débuts, s’intéresse à son histoire et qui est à l’origine de nombreuses publications consacrées à ce sujet, soit sur son site internet10 , soit par la publication de livres11 , soit dans la Revue, très nombreux étant les anciens articles consacrés à l’histoire qui y ont été publiés12 . Le CICR revient souvent sur son passé.

Cet intérêt se manifeste grandement dans les écrits des différents présidents du CICR. Quelle que soit la nature du texte, le passé y est omniprésent et les références à l’histoire de la Croix-Rouge ou à celle du DIH semblent quasi incontournables. Les textes juridiques contiennent presque tous un chapitre d’histoire des différentes Conventions de Genève. La plupart des autres publications sont, elles aussi, marquées par la présence d’un historique plus ou moins long du CICR et de la Croix-Rouge en général. La Croix-Rouge est indissociable de son passé : « et c’est pourquoi nous avons cru devoir l’examiner en la replaçant dans l’histoire13  ». C’est ainsi que la plupart des présidents du CICR auront, à un moment ou à un autre, abordé l’histoire de leur institution. L’histoire véhiculée dans ces textes paraît objective, allant de soi. Gustave Moynier fait véritablement œuvre « d’historien » puisqu’il cherche les sources de l’idée de Croix-Rouge à travers l’histoire. Nous y reviendrons ultérieurement.

Max Huber, juriste de formation, se penche aussi sur une longue histoire juridique du « droit des gens et [de] la personne humaine14  ». L’idéal de la Croix-Rouge repose sur des fondations historiques qui perdurent et qui donnent un cadre intangible au Mouvement : « Juridiquement ou non, nous ne voyons pas la nécessité ni l’opportunité d’ébranler les bases historiques de la Croix-Rouge15  ». Dix ans avant de devenir président, Léopold Boissier s’était fait « témoin16  » des événements de la Seconde Guerre mondiale et, pour donner un jugement valable sur le monde avec la connaissance de l’histoire, il s’est « retourné vers le passé avant de regarder vers l’avenir17  ».

Historien de formation, Carl Burckhardt aurait pu être intéressé par l’idée d’écrire une histoire de la Croix-Rouge. Il aurait en tout cas été, théoriquement, le plus à même de le faire. Mais il n’en a rien été, son œuvre abordant des sujets tout autres18 , comme par exemple le compte-rendu de sa mission à Dantzig pour le Haut-Commissariat de la Société des Nations19 alors qu’il n’était pas encore président du CICR. Mais sinon, il n’existe guère qu’une petite monographie où Burckhardt revient sur l’action du CICR pendant la Seconde Guerre mondiale20 . Cette petite étude a été rédigée alors qu’il était président depuis peu et commence, on s’en doute, par une partie historique consacrée aux origines de l’idéal de la Croix-Rouge, mais en reprenant l’histoire officielle, sans chercher à proposer un nouvel apport historiographique. Ensuite, lorsqu’il aborde la guerre du temps présent, Burckhardt endosse vraiment le rôle du président du CICR et non celui de l’historien. C’est l’occasion pour lui de décrire les activités du CICR, mais aussi de donner quelques impressions personnelles, comme celles sur une mission à Londres21 . Sinon, il n’aborde sous aucune casquette l’histoire de la Croix-Rouge, portant ses intérêts historiques sur d’autres objets d’étude.

Quant à Jakob Kellenberger, il s’exprime parfois sur des événements liés à son ancien parcours professionnel au sein de la diplomatie suisse22 . Dans un livre d’entretien qu’il accorde à un journaliste de la télévision suisse alémanique, un chapitre entier est consacré aux relations de la Suisse avec l’Union européenne, alors même que le titre du livre le présente comme le président du CICR23 . Un extrait consacré à la manière d’instaurer un dialogue avec des interlocuteurs sur des sujets sensibles, mêle l’expérience de l’ancien diplomate à la réflexion du président actuel24 . Kellenberger, l’ancien diplomate devenu président du CICR, s’intègre parfaitement dans une longue tradition : en effet, la grande proximité entre CICR et politique étrangère de la Suisse est aussi vieille que la création de la Croix-Rouge et s’incarne dans la figure du président25 . L’exemple le plus caractéristique de cette proximité est sûrement celui de Gustave Ador qui, dès 1917, dirige à la fois le CICR et la diplomatie helvétique26 .

Les origines mythiques du CICR

Les contributions des présidents du CICR sur l’histoire de l’organisation présentent bien souvent une structure et un contenu proches : les origines, la première Convention de Genève, les premières années et le développement du Mouvement, la mise en pratique sur le terrain, l’Agence centrale de recherches basée à Bâle pendant la guerre franco-prussienne et le rôle important de la Première Guerre mondiale pour le CICR. Le temps passant, les présidents successifs prolongent cette liste avec la création de la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge (depuis lors devenue la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge), le développement de l’aide en faveur des civils, la Deuxième Guerre mondiale, la guerre du Biafra, etc.27 . L’histoire vue par les différents présidents du CICR aligne donc souvent une liste de moments-charnière incontournables qui s’enrichit de nouveaux éléments au fil du temps.

L’effroi vécu par Henry Dunant lors de la bataille de Solferino, instant fondateur de la Croix-Rouge, inspire plusieurs présidents28 . L’histoire du jeune homme d’affaires confronté à l’horreur de la guerre et décidé à réaliser un projet à l’apparence utopique en devient romantique et mythique. Les fondateurs, en particulier le général Guillaume-Henri Dufour et Henry Dunant, sont encensés, alors que Gustave Moynier tombe dans un oubli relatif. Max Huber semble d’ailleurs particulièrement marqué par Dunant puisqu’il le mentionne très régulièrement29 . Plus généralement, les présidents du CICR n’hésitent en outre pas à revenir positivement sur les carrières de leurs prédécesseurs. Ces références témoignent de la solidité de l’organisation et de sa continuité opérationnelle et institutionnelle au fil du temps. En ce sens, si la fonction présidentielle au CICR s’apparente à celle d’un homme politique par le pouvoir et les tâches qu’elle confère à celui qui l’occupe, elle s’en distingue aussi nettement par cette continuité où chaque président apporte sa pierre à l’édifice sans renier ou détruire le travail de ses prédécesseurs. L’œuvre de la Croix-Rouge dépasse les ambitions personnelles.

Affronter les erreurs du passé

Les ombres des anciens présidents planent sur le président du CICR en exercice. Celui-ci les respecte et les considère avec admiration, surtout parce qu’il comprend mieux que quiconque les difficultés qu’ils ont dû affronter et surmonter. Sommaruga le reconnait bien : « Très franchement, je ne suis pas sûr aujourd’hui de pouvoir si facilement juger et condamner mes prédécesseurs30  ». La question du jugement est douloureuse lorsqu’elle concerne la Deuxième Guerre mondiale et le silence du CICR face aux horreurs du régime nazi, en particulier la Shoah : « Je ne veux donc pas justifier leur silence, mais comme je vis aujourd’hui je veux en tirer les leçons pour notre action d’aujourd’hui31  ». D’un côté, il est en effet très difficile d’analyser au mieux l’échec du CICR en se remettant dans le contexte de l’époque, sans tomber dans l’anachronisme ou une vision téléologique de l’histoire. De l’autre, il est nécessaire pour le président du CICR de reconnaître cet échec et de dépasser la justification ou les excuses. L’histoire conduit donc à une prise de conscience des erreurs du passé tout comme elle donne des clés pour essayer d’éviter que ces erreurs ne se reproduisent.

Le CICR et le Mouvement ont connu des à-coups, des moments difficiles. Les échecs sont plus ou moins reconnus dans les publications des différents présidents du CICR. Mais bien souvent, ils considèrent que ces difficultés sont extérieures et ne dépendent pas directement du CICR : droit lacunaire et en retard sur les événements (retard parfois imputé aux États qui ne suivent pas les propositions innovantes du CICR), guerres mondiales aux effets imprévisibles et disproportionnés, etc. Parmi les textes étudiés, peu d’événements font cependant l’objet de critiques claires ou de regrets de la part de présidents du CICR. On peut citer la conférence du Mouvement de 1952, à Toronto, où Paul Ruegger regrette les propos de certaines Sociétés nationales, sans cependant en dire beaucoup plus32 . Jakob Kellenberger, lui aussi, mentionne un certain nombre d’événements où son action n’a pas permis d’obtenir les résultats escomptés33 .

La Deuxième Guerre mondiale demeure le principal sujet où il n’est pas possible de passer sous silence les échecs du CICR. Ce phénomène est particulièrement vrai pour Cornelio Sommaruga qui a dû revenir sur cette période sombre à plusieurs reprises34 .

Le président en tant qu’acteur et auteur

L’homme ou l’institution ?

Deux tendances se dessinent dans la façon de raconter le CICR et son histoire. La première réside dans la retenue. Le président est membre d’un comité et défend un idéal. Sa personnalité s’efface derrière la grandeur de la Croix-Rouge et de son œuvre. Les écrits de Max Huber se situent clairement dans cette tendance. Dans « Au service du Comité international de la Croix-Rouge35  », un article au titre évocateur, il exprime fort bien l’idée de travail collectif où chacun œuvre avec les autres vers un but suprême. D’ailleurs, il utilise rarement le je, au profit du nous. Lorsqu’il parle du CICR, il le fait en son nom et met donc sa personnalité propre en retrait : « Sans nous méprendre sur la faiblesse de nos moyens devant tous les malheurs engendrés par la guerre, nous n’avons pas le droit de nous décourager, car les valeurs que défend la Croix-Rouge sont infiniment grandes […]36  ». Il ne s’approprie non plus pas les mérites et victoires de la Croix-Rouge, privilégiant son œuvre et celles et ceux qui la servent : « Nous formons une communauté37  ». Huber apparaît ainsi très effacé dans ses propres textes, à de rares exceptions près. C’est un effacement est « commandé par l’idée de la Croix-Rouge, l’idée du service dans sa forme pure38  ».

Lorsqu’ils parlent du CICR au temps présent, Léopold Boissier, Paul Ruegger, Alexandre Hay ou Jakob Kellenberger suivent la même ligne. Ils s’expriment au nom du CICR et l’utilisation du je se limite essentiellement aux discours qu’ils prononcent. Mais même à ces occasions, les opinions personnelles de l’auteur donnent l’impression d’être occultées par celles de l’institution. On trouve par exemple chez Jakob Kellenberger des indications sur sa fierté d’appartenir au CICR39 . Mais il utilise aussi souvent des formules comme « Le CICR pense », « Le CICR propose », « Le CICR agit », surtout lorsque le texte en question est publié directement par le CICR.

L’attitude des présidents face au passé du CICR est, au contraire, révélatrice de la seconde tendance : celle de la mise en avant de sa personnalité. Le cas de Gustave Moynier est le plus emblématique. Nommé « président à vie » en 190440 , il aura vécu et marqué la naissance et l’évolution de la Croix-Rouge pendant une cinquantaine d’années. Oscillant entre le témoin et l’historien, le langage de Moynier est partagé entre l’utilisation du je et celle d’un style plus indirect. Ainsi, il lui arrive de parler du Comité, dont il est l’un des membres fondateurs, à la troisième personne : « Il [le Comité] n’a pas cessé dès lors de passer pour le gardien naturel des traditions de la Conférence et l’interprète autorisé de sa pensée41  ». Il utilise parfois le même procédé envers lui-même : « Cette proposition émanait de votre président d’alors ; l’ayant trouvée inscrite dans un livre qui venait de paraître, il crut bien faire en vous la communiquant […]42  ». Il ne rechigne cependant pas à utiliser la première personne et à mettre en valeur son apport quant à la réussite de l’œuvre de la Croix-Rouge : « J’en avais l’intuition dès 1863, alors que […] j’osais leur prédire que l’œuvre qu’ils venaient de décréter mais qui n’existait encore que virtuellement, “ferait le tour du monde”43 ». Concernant la conférence de 1863 où le Comité est créé, il n’hésite pas à parler d’audace et d’espérances téméraires44 . Il s’adjuge aussi les origines du texte proposé à la conférence de 1864 et qui deviendra la première Convention de Genève45 . Mais, alors que son œuvre contient de nombreuses références à sa propre action, il décide de ne pas citer d’autres noms, par peur d’en oublier46 .

Cette façon d’écrire l’histoire de la Croix-Rouge trouvera en quelque sorte son apothéose dans ses mémoires, lorsqu’il se proclame fondateur de la Croix-Rouge :

Après m’être assuré auprès de l’écrivain, M. Henry Dunant, qu’il ne songeait nullement à faire combler la grave lacune sur laquelle il avait mis l’accent avec raison, je résolus de prendre moi-même l’initiative de cette campagne charitable et le rôle de fondateur qui n’appartenait encore à personne47 .

Moynier minimise l’importance de Dunant dans la création de la Croix-Rouge. Dans des notes additionnelles, il en parle, sans jamais le citer, et s’attache à détruire son image, l’accusant ainsi de ne pas avoir de « vocation positive » et d’avoir été congédié d’une banque pour incapacité48 . Pire, si Moynier reconnaît les mérites d’Un souvenir de Solferino, il estime que le livre a été écrit par « un littérateur plus exercé49  » que Dunant. Il enchaine en sous-entendant que Dunant a été engagé dans le Comité pour le seconder avant que celui-ci ne soit rapidement déçu par son travail. Il justifie aussi son éviction du Comité suite à ses échecs commerciaux. Enfin, Moynier voit dans Dunant un « pseudo-philanthrope50  » et rappelle que même la justice genevoise a vu en lui « un être qu’il importait de mettre autant que possible hors d’état de nuire51  ». Bref, dans ses mémoires, Gustave Moynier cherche sciemment à discréditer l’homme qui est à l’origine de l’idée de Croix-Rouge et à s’attribuer pleinement le mérite de cette œuvre charitable.

De façon plus surprenante étant donné l’évolution plus récente de la communication au CICR, Cornelio Sommaruga assume pleinement ses opinions et son impact dans la marche de l’organisation. Dans les interviews et les entretiens qu’il accorde, il n’hésite pas à utiliser le je et à donner son avis : « je dirais », « je crois », « je considère », « moi-même », « personnellement », « je suis d’avis », « pour ma part » (un véritable leitmotiv), « au cours de ma présidence », « selon moi », etc.52 Les propos personnels alternent avec une mention plus retenue du CICR53 . Le président est celui qui sait : « Je vais peut-être vous apprendre… 54  ». Dans le cas présent, il n’est pas que le témoin privilégié de l’action de l’institution, il en est l’un des acteurs principaux et peut donc se permettre de parler du CICR en connaissance de cause : « Ayant moi-même observé de très nombreux délégués du CICR sur le terrain […] et sachant ce que moi je sais […] je sais bien que les possibilités d’une action crédible sont illimitées55  ». Ainsi, c’est bien l’expérience de la présidence qui donne la légitimité pour aborder certains sujets. Le président utilise son expérience pour arriver à certaines conclusions : « J’en suis d’autant plus convaincu, après 10 ans à la tête d’une organisation pionnière de l’action humanitaire, par le constat quotidien que je fais […]56  ».

Si le CICR est une organisation pouvant compter sur l’engagement de nombreux collaborateurs chevronnés, le président se démarque malgré tout. Ainsi, dans un livre d’entretien, Sommaruga n’hésite pas à le souligner : « […] il s’est produit sous ma présidence un événement important, dans lequel j’ai une responsabilité certaine et que je considère comme positive […]57  ». Il rappelle avoir été le premier à dénoncer les camps d’internement en Bosnie Herzégovine58 . Il attribue au CICR et à son action personnelle la prise de conscience concernant la famine en Somalie de 199159 et revendique surtout son rôle dans l’élaboration de la Convention d’Ottawa contre les mines antipersonnel : « Oui, c’est vrai, j’ai joué avec mes collaborateurs un rôle essentiel pour obtenir la ratification de la convention60  ». À cette occasion, il rappelle certaines décisions qu’il a prises individuellement contre l’avis d’une partie de l’institution : « Or j’ai pris cette décision très importante sans passer par les organes à consulter, en l’occurrence mes collègues du comité, car les délais de la conférence de presse ne le permettaient pas61  ». Alors que Max Huber prônait la communauté de la Croix-Rouge et l’effacement, Cornelio Sommaruga souligne son autorité et la mise en avant de sa personne : « C’est vrai, je suis intervenu là où avant moi d’autres présidents ne le faisaient pas62  ».

Jakob Kellenberger, dans un livre d’entretien, parle lui aussi de son vécu, de son expérience63 . Mais bien qu’il s’agisse d’un entretien personnel, le ton oscille entre le « je pense » et le « nous pensons ». La forme de l’entretien l’incite en effet à être plus personnel, à donner son avis et ses sentiments. Il n’hésite pas à illustrer ses propos par des souvenirs. Il se fait témoin-acteur et rend compte de ce qu’il a vu et de ce qu’il a fait. Le texte mélange des éléments factuels comme les informations sur les opérations du CICR et des impressions plus personnelles. Kellenberger utilise aussi beaucoup d’exemples de son expérience sur le terrain. En plus de mentionner ces visites, il apporte une touche plus humaine en mettant également en avant ses rencontres avec Pervez Musharraf, Kofi Annan, Vladimir Poutine ou George W. Bush64 . Dans une allocution, Marcel Naville n’est plus président, mais il parle quand même du CICR en connaissance de cause et utilise sa propre expérience65 .

Objectiver le discours

Le discours des différents présidents a beau être partagé entre un aspect très personnel et une écriture plus distante et impersonnelle, il donne très souvent une apparence d’objectivité et de légitimité. Au-delà des partages d’impressions, le seul texte analysé où l’auteur souligne sa subjectivité est Le Bon Samaritain, de Max Huber :

Ces pages ont un caractère tout à fait personnel ; elles ne doivent en aucune façon exprimer le point de vue d’une institution. La situation que l’auteur occupe au sein de la Croix-Rouge a contribué seulement à lui procurer les expériences, à lui poser les problèmes obsédants qu’il a dû et doit à nouveau débattre, ne serait-ce que pour lui seul66 .

Ce passage montre que l’expérience de la présidence du CICR alimente les réflexions de l’auteur.

On trouve par endroits quelques formulations destinées à expliquer et soutenir les propos tenus par tel ou tel président. Moynier s’estime en droit de parler de l’histoire de la Croix-Rouge et revendique même un statut d’historien. Ses publications ont une réelle ambition historique : « Je me suis efforcé moi-même de les vulgariser par diverses publications […]67  ». Il rappelle parfois qu’il est totalement objectif et factuel : « […] Il m’a paru bon d’exposer tout simplement les faits, […]68  ».  Et s’il revient sur les premières années de la Croix-Rouge, c’est parce qu’il en est un témoin privilégié : « L’auteur de ces pages, après avoir participé à l’enfantement de la Croix-Rouge et l’avoir servie pendant trente-trois ans, croit donc faire une chose utile en déposant ici son témoignage69  ». Son implication et son expérience permettent d’attester la véracité de ce qu’il dit : « En raison de la part personnelle que j’ai prise aux diverses conférences qui se sont occupées de cet objet, je suis en mesure de certifier que [...]70  ». La position même de président et sa participation directe à l’histoire du CICR lui permettent de parler en connaissance de cause :

C’est pour répondre à ce désir légitime que je vais essayer d’en retracer l’histoire et d’en montrer les heureuses conséquences. La part active que j’ai prise à sa réalisation m’y autorise, et j’estime, en le faisant, compléter en quelque mesure une œuvre civilisatrice commencée, qui ne sera réellement achevée que lorsqu’elle aura été comprise et approuvée par tout le monde71 .

C’est à ce titre que Moynier peut « narrer » et « exposer »72 les faits concernant la naissance du CICR et de la Croix-Rouge en général. Il semble penser que ses publications constituent d’excellentes lectures pour quiconque souhaite connaitre l’œuvre de la Croix-Rouge : « J’aime à croire que les nombreux détails dans lesquels je viens d’entrer donnent déjà une idée assez nette de l’activité des comités de secours pendant la guerre de 1870-7173  ». Cette assurance apparaît çà et là : « Les développements dans lesquels je viens d’entrer suffisent amplement pour vous rendre un compte exact de l’œuvre préparatoire qui s’imposait à nos sociétés, en temps de paix74  ».

Généralement, le président du CICR présente les événements comme allant de soi ou comme découlant du sens commun75 . Les défaillances de la mémoire peuvent également être compensées par les notes personnelles prises par le président. À notre connaissance, seul Jakob Kellenberger mentionne son journal intime : « j’aime aussi bien noter mes expériences et mes impressions pour mieux pouvoir les comprendre et les travailler, comme une sorte de journal intime76  ». Il est tout à fait possible que d’autres aient fait de même et utilisent des notes personnelles pour se remémorer des événements, mais ils ne le mentionnent pas.

Outre les différents procédés déjà abordés (expérience et autorité du président, témoin direct des événements, ton impersonnel), d’autres pratiques contribuent à objectiver le discours en le dotant d’un appareillage scientifique. Ces références rapportent souvent à des ouvrages juridiques, des livres d’histoire, des cours universitaires consacrés au CICR ou encore à des publications de l’institution. Les textes à vocation juridique rédigés par Gustave Moynier, Max Huber et Paul Ruegger contiennent de nombreuses notes en bas de page de ce genre. Le côté scientifique et académique ressort donc pour les sujets juridiques plus techniques77 .

Enfin, il arrive parfois que des noms d’historiens soient associés à certaines affirmations. Ainsi, Paul des Gouttes, ancien secrétaire, rédacteur de la Revue, membre et vice-président du CICR, est-il considéré comme un « historien particulièrement qualifié de la Croix-Rouge78  » par Ruegger. Ce dernier parle également de Frédérique Noailly, qui a écrit sa thèse sur le CICR, comme « un historien distingué de la Croix-Rouge79  ». Là encore, faire appel à des figures d’autorité permet de rendre le contenu d’un texte plus objectif et très certainement plus exact80 .

La référence à l’histoire dans les écrits des présidents du CICR

Le président du CICR ne se contente pas d’écrire l’histoire au sens figuré, il l’écrit aussi au sens propre dans les textes qu’il publie. Mais quel est le rôle de cette écriture de l’histoire ? Entre-t-elle en conflit avec la recherche faite par les historiens ? A priori, les présidents n’y voient aucune opposition. Au contraire, l’œuvre de la Croix-Rouge mérite qu’on s’y penche avec sérieux : « Le rôle historique de cette œuvre est devenu trop important, pour que l’étude des circonstances qui l’expliquent soit négligée81  ». Il ne fait même aucun doute qu’on ne peut comprendre cette œuvre « qu’en la replaçant dans l’histoire82  ». Ces aspirations remontent aux premières années du CICR. Moynier, déjà, voulait que son œuvre soit complétée et que la littérature de la Croix-Rouge « s’enrichisse de fonds destinés au grand public, ces pages-ci, qui ne se recommandent que par une fidélité scrupuleuse à la vérité historique, ne devant guère avoir d’attrait pour lui83  ». Cet extrait illustre une fois de plus très bien l’assurance de Moynier quant à son objectivité. Pour lui, il semble évident l’historiographie future abondera dans son sens, puisqu’il « appartient à l’histoire impartiale […] de faire la part du mérite de chacun84  ». Cependant, considérant l’aura contemporaine de Dunant et l’oubli dans lequel est tombé Moynier, il apparaît clairement que ses tentatives de s’attribuer les principaux mérites dans l’œuvre de la Croix-Rouge se révèlent au final être un échec cuisant. Tous les présidents affirment au moins une fois appeler de leurs vœux une étude historique sur l’un ou l’autre sujet. Par exemple, Paul Ruegger espère « une étude approfondie, juridique et historique à la fois85  » concernant l’acceptation de la mission internationale du CICR alors qu’un autre sujet mériterait « une monographie approfondie86  ». De tels souhaits illustrent parfaitement la nécessité pour l’organisation de mieux comprendre son passé d’un point de vue politique et opérationnel. Il en va de même pour l’histoire du DIH, la capacité de l’organisation à faire face à des défis du futur dans le domaine juridique, en dépendant87 .

Quand des ouvrages historiques sont consacrés à la Croix-Rouge, il arrive de les voir préfacés par des présidents du CICR88 . Ces préfaces vantent tant le travail historiographique que l’action de la Croix-Rouge. Les préfaces mettent souvent en évidence l’importance de l’institution dans l’évolution du DIH ou de l’action humanitaire. Elles sont aussi utilisées pour souligner une continuité et la riche expérience du CICR : « Aujourd’hui encore, les délégués du CICR, qui s’efforcent de porter protection et assistance aux millions de victimes d’une trentaine de conflits à travers le monde, suivent la voie tracée par leurs prédécesseurs en Espagne de 1936 à 193989  ». Les événements mis en avant dans la préface mettent souvent le CICR en valeur : « L’auteur montre aussi comment le CICR parvient, grâce à la crédibilité de son action et à l’efficacité de sa diplomatie, […] à dénouer des situations d’une extrême complexité […]90  ». Les auteurs des préfaces vantent aussi les apports historiographiques de ces études qui abordent souvent « une période cruciale91  », sont « d’une grande actualité92  » ou constituent un « remarquable ouvrage93  ». Tout en soulignant le sens critique de ces textes, les présidents ne manquent néanmoins jamais de mettre en évidence les qualités et les mérites de la Croix-Rouge dans leurs préfaces.

Cet aspect illustre l’un des rôles de l’histoire pour une organisation telle que le CICR. Elle permet de recontextualiser le présent en montrant en quoi le CICR est un acteur majeur de l’action humanitaire et du DIH. La profondeur historique renforce la position institutionnelle. Elle la légitime. Ces ouvrages historiques donnent au président l’occasion de mettre en évidence l’expertise et l’expérience sur la longue durée du CICR. Les défis humanitaires évoluent certes avec le temps. Mais les fondamentaux subsistent et c’est fort d’une histoire inégalée que le CICR peut y faire face et s’adapter. La mise en évidence des succès du passé, cette sorte de « généalogie » de l’action humanitaire, peut servir le président lorsqu’il cherche à négocier un accès, une opération d’assistance, ou à défendre la crédibilité de l’organisation. Il en va de même pour l’expertise juridique. Né avec et grâce au CICR, le DIH s’est ensuite développé avec l’institution. Il est surtout devenu un corpus juridique parmi les plus universellement reconnus. Le président a dès lors tout intérêt à favoriser et encourager la recherche historique afin de mieux faire ressortir cette évolution. Mieux, l’histoire permet au président de porter un regard différent sur l’actualité. On dit souvent que toute histoire est contemporaine, que le passé est analysé avec des yeux du présent. En se penchant sur le passé, le président peut potentiellement y trouver une inspiration et générer une réflexion nouvelle sur les défis du temps présent.

Concernant un ouvrage consacré à la guerre d’Espagne, Cornelio Sommaruga affirme ainsi que le CICR a su tirer les leçons de cette guerre94 . L’importance de tirer des leçons du passé est mentionnée plusieurs fois, surtout en rapport avec des événements tragiques : « « À ce propos, notre devoir de ne pas oublier l’histoire joue un rôle fondamental : l’Holocauste et le génocide au Rwanda ne nous obligent pas seulement à réfléchir sur nos erreurs passées, ils nous empêchent de rester passifs face à des situations identiques si elles se répétaient aujourd’hui95  ». Une autre utilité de l’histoire se dessine ici. Elle ne se limite pas à renforcer la position du CICR ou à avoir un regard neuf sur le présent. Elle permet aussi d’identifier les erreurs commises dans le passé, leurs conséquences et, dans certains cas, offre des pistes pour y remédier. En s’intéressant à l’histoire, les présidents du CICR peuvent apprendre et bénéficier des connaissances acquises pour les mettre en perspective avec les challenges qu’ils doivent affronter dans le cadre de leur mandat et ce, afin qu’ils ne commettent pas les mêmes erreurs que certains de leurs prédécesseurs. Certes, les présidents sont parfois contraints par des circonstances externes à se pencher sur les échecs passés. Mais cette contrainte peut se transformer en opportunité si les bonnes leçons sont tirées.

Concernant la Deuxième Guerre mondiale, il faut mettre au crédit du CICR d’avoir mandaté un historien, Jean-Claude Favez, pour éclaircir les points sombres de cette époque. Alors que les archives n’étaient pas encore ouvertes au public, ce professeur a eu l’occasion de consulter librement tous les documents nécessaires à son étude. Il en résulte une monographie publiée en 198896 , marquant le point de départ d’une littérature abondante sur le sujet97 . À la demande de l’auteur, le CICR, par la voix de Sommaruga, y a apporté une réponse. Dans ce court texte, le président remercie l’historien pour tout le travail accompli et formule quelques nuances. L’une des remarques les plus intéressantes réside dans le manque de témoignages dont souffrirait l’étude :

Cela nous conduit à constater que la méthode qui consiste à prendre appui, de façon pratiquement exclusive, sur les seuls documents écrits renvoie au Comité international une image de lui-même dans laquelle il ne se reconnaît guère. Cette image ne correspond pas à ce que les membres et les collaborateurs du CICR qui ont vécu la Seconde Guerre mondiale au service de l’Institution ont perçu de leur expérience et de leur engagement. […] Nous regrettons que vous n’ayez pas complété l’image – inévitablement aride et fragmentaire – qui se dégage des seuls documents écrits en accordant plus de poids au témoignage des collaborateurs encore vivants98 .

Plus loin, concernant les intentions du CICR à l’époque selon Favez, Sommaruga trouve qu’il n’est « pas toujours convainquant pour ceux qui ont l’expérience du vécu du Comité99  ». D’un côté, on pourrait imaginer que grâce à son expertise et à son rôle particulier de praticien humanitaire, le président peut regarder le passé avec un regard unique, en connaissance de cause. De l’autre, la distinction entre histoire et mémoire se voit floutée et l’expérience personnelle prend le pas sur une connaissance historique scientifiquement reconstruite. On peut même se demander si, pour reprendre la formule d’Annette Becker, le livre de Favez ne sert pas aussi à guérir l’institution du traumatisme causé par les échecs de la Deuxième Guerre mondiale100 .

Si des critiques publiques sur l’histoire du CICR doivent être formulées, elles viennent donc avant tout de l’extérieur. L’étude de Favez sur la Deuxième Guerre mondiale en est un bon exemple. Évidemment, le fait de mandater une personne externe pour mener une recherche sur une période sombre garantit indépendance et neutralité, il faut le reconnaître. Mais c’est peut-être aussi un moyen d’anticiper les critiques et d’y apporter des réponses. A ce sujet, il serait intéressant et sûrement révélateur de s’intéresser à un corpus beaucoup plus large englobant des publications venant des autres membres et collaborateurs du CICR : membres du Comité, délégués, anciens délégués, etc. Il y a fort à parier que les études critiques (et argumentées en ce sens) sont bien moins nombreuses que les textes purement informatifs ou faisant l’éloge de l’institution et que, le cas échéant, elles ont surtout été écrites par des anciens collaborateurs ayant quitté l’institution en de mauvais termes.

Là encore, l’expérience du président joue un grand rôle et lui donne une certaine autorité pour comprendre la pensée de ses prédécesseurs. Mais les présidents du CICR ne rejettent généralement pas l’historiographie n’allant pas dans leur sens. D’ailleurs, en aucun cas le prestige ou l’histoire ne devraient détourner le CICR de son mandat envers les victimes101 . Au contraire, ils espèrent que les leçons des échecs passés ont été retenues depuis : « Au CICR, on apprend beaucoup sur l’histoire102  ». Cette affirmation est très certainement vraie. Le CICR apprend de son histoire et de ses erreurs passées. L’organisation n’a d’ailleurs guère le choix. Le turnover de son personnel étant constant, la mémoire institutionnelle est souvent courte, pour ne pas dire inexistante. L’étude de l’histoire est donc nécessaire pour garantir une continuité opérationnelle et pour continuer à s’améliorer. Cette remarque s’applique aussi au président du CICR.

Conclusion

Malgré quelques variations dans les pratiques, les présidents du CICR ont tous eu tendance à partager publiquement leur expérience de présent et à s’impliquer dans l’écriture et l’interprétation de l’histoire, présente ou passée, de leur institution.  Il est certain que les textes abordés dans cet article, ceux de Gustave Moynier en particulier, ont parfois été un moyen d’imposer une vision des choses. Moynier a réellement voulu écrire l’histoire de façon à ce qu’elle aille dans son sens. Et il a échoué. En ce sens, lorsqu’ils défendent leur bilan, les présidents du CICR sont évidemment toujours en avance sur l’historiographie et peuvent contribuer à façonner une vision du CICR qui ne sera nuancée que bien plus tard par les historiens. C’est un phénomène tout à fait naturel que de vouloir partager sa propre vision des choses et de se présenter, souvent inconsciemment, sous un jour très favorable. L’exemple de Moynier montre toutefois que l’humilité est sans doute la plus grande vertu lorsqu’il s’agit de vouloir laisser sa marque pour la postérité.

Les écrits des présidents servent l’institution. Mais l’attitude des présidents face à l’histoire de leur organisation va bien au-delà de la simple glorification d’un passé mythique. Leurs publications sont un moyen de donner au CICR une assise historique sur le long terme. Interrogée sur l’utilité de l’histoire, l’historienne française Raphaëlle Branche a répondu : « l’histoire détache du fatalisme et du sentiment d’irrémédiable. C’est fondamentalement sa manière à elle d’être une force de liberté103  ». Les écrits des présidents peuvent illustrer cette conception de l’histoire. Le CICR a besoin de l’histoire et s’en sert pour légitimer son action et garantir ses opérations, lui donnant potentiellement, et paradoxalement, une plus grande liberté. L’expérience accumulée durant ses plus de 150 ans d’histoire lui confère une autorité certaine et met en évidence son expertise. Le président peut lui aussi s’appuyer sur l’histoire, qui complète sa propre analyse. Le CICR traverse le temps et évolue en voyant sa légitimité se renforcer sans cesse. Il a pu apprendre sur le long terme, surmonter les épreuves et se détacher du fatalisme en cherchant des réponses nouvelles aux défis de l’humanitaire. En d’autres termes, en soulignant sa longue histoire, le CICR fait fructifier un héritage unique dans le monde humanitaire. Il n’est dès lors pas étonnant que l’organisation, parfois par la voix de ses présidents successifs, essaie d’en tirer le meilleur parti.

Évidemment, cette histoire officielle est imparfaite. Elle a parfois tendance à privilégier la mémoire sur l’histoire, à privilégier quelques grandes figures au détriment de l’immense majorité de ses collaborateurs, à privilégier les succès aux échecs. Mais cette histoire officielle peut être largement nuancée par le travail des historiens. Les écrits des présidents, véritables acteurs et auteurs, offrent une porte d’entrée idéale à toute personne intéressée par l’organisation. Ils permettent de mieux comprendre une époque et la vision d’un homme (et peut-être un jour d’une femme) aux prises avec la marche du monde. Cette vision peut ensuite être complétée et affinée par des recherches dans les archives, une fois que le temps a fait son œuvre, apaisant les passions et apportant un recul bienvenu.

Dès sa fondation, le CICR a eu le souci de documenter son œuvre par le biais du Bulletin puis de la Revue et en tenant des archives qui se sont enrichies au fil des ans. Les archives historiques étant ouvertes au public depuis une vingtaine d’années, d’ailleurs grâce à la volonté politique de l’un de ces présidents, le patrimoine accumulé depuis 1863 permet non seulement d’étudier l’histoire du CICR, mais aussi celle d’autres organisations qui ont laissé peu ou pas de traces, ou encore l’histoire de toutes les régions où le CICR a été actif. Ce patrimoine permet d’analyser avec une perspective différente des problématiques transversales comme la médecine de guerre, le DIH, le sort des populations civiles, le développement technologique des armes, la décolonisation, la détention en temps de conflit armé, la torture ou tout simplement l’aide humanitaire en général. Ces archives ont enfin un rôle concret dans le rétablissement du lien familial et possèdent donc une vraie valeur humanitaire104 .

Il est aussi révélateur de constater que ces publications des présidents ne sont pas contredites par l’organisation et sont au contraire souvent publiées par elle, que ce soit dans la Revue ou dans des publications ad hoc. Cet aspect témoigne tant du rôle primordial que joue le président pour le CICR que de la solidité et de la continuité de celui-ci au fil du temps. Il est évident que l’idéal de la Croix-Rouge et l’ombre de l’institution planent sur les écrits de tous ces hommes. L’histoire des premiers temps du Mouvement semble immuable et a fait son chemin jusqu’à en devenir mythique. Alors que l’historiographie a pour rôle de déconstruire et nuancer, certains poncifs paraissent inévitables et donnent un côté romantique à l’histoire du CICR. Il n’y a là rien de bien surprenant. La tendance à vouloir idéaliser les mythes fondateurs se retrouve auprès d’autres organisations humanitaires comme Save the Children International Union ou Médecins sans frontières105 .

Durant ses 150 premières années d’existence, la Revue a contribué à diffuser la parole des présidents et elle va sans doute continuer à le faire. Mais elle publie aussi régulièrement des articles historiques qui nuancent l’histoire officielle du CICR et alimentent une réflexion historique plus critique et profonde. Ce phénomène s’est accéléré ces dernières années et il est à espérer qu’il va se poursuivre. Des recherches critiques peuvent elles-aussi contribuer à améliorer la réponse humanitaire du CICR et à le renforcer dans un monde incertain. Que cela soit volontairement ou involontairement, une histoire qui sert n’est peut-être pas nécessairement serve.

Dès lors, quel sera l’héritage que laissera l’actuel président du CICR, Peter Maurer ? Va-t-il perpétuer cette « tradition » qui veut que le président, du fait de son expérience, offre une première lecture officielle de l’histoire sous son règne ? Il pourrait évidemment être tenté de vouloir écrire en direct l’histoire de l’institution qu’il dirige et l’influencer en imposant implicitement son point de vue. Pourtant, au contraire de nombre de ses prédécesseurs, et peut-être justement parce qu’en tant qu’historien il est conscient qu’une histoire officielle sera forcément nuancée dans le futur, Maurer adopte une attitude beaucoup plus prudente :

Je me demande souvent ce que l’histoire retiendra de la période que nous vivons. Les gens jugeront-ils les décisions et seront-ils désemparés face aux difficultés ? Ou seront-ils convaincus de la possibilité que même face à des défis insurmontables, il est possible de tracer une limite entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas, léguant ainsi un héritage aux générations futures106 .

Ces interrogations vont au-delà de la présidence du CICR. Elles rappellent à toutes et à tous que la tendance bien naturelle à vouloir se présenter sous ses plus beaux atours risque toujours d’être mise à l’épreuve des faits un jour.

  • 1André Durant, « Le premier Prix Nobel de la Paix 81901). Candidatures d’Henry Dunant, de Gustave Moynier et du Comité international de la Croix-Rouge », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 83, n° 842, 2001.
  • 2Après le nom, entre parenthèses, la période de présidence est indiquée, selon le site du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge : https://www.ifrc.org/fr/le-mouvement-international-de-la-croix-rouge-et….
  • 3À ce sujet, voir Daniel Palmieri, « Informer ou gouverner ? Les 150 ans de la Revue internationale de la Croix-Rouge, 1869-2019 », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 100, n° 907, 908, 909, Sélection française, 2018/1/2/3.
  • 4Gustave Ador, « La Suisse et son action charitable pendant la Guerre », in Foi et Vie, n° 11, 16 juin 1916.
  • 5Max Huber, La pensée et l’action de la Croix-Rouge, CICR, Genève, 1954.
  • 6Léopold Boissier, « La Croix-Rouge et l’assistance aux détenus politiques », Politique étrangère, n° 1, 1958, p. 16-17.
  • 7Alexandre Hay, « Le CICR face au monde actuel : discours inaugural de M. Alexandre Hay, président du CICR, à la XXIVe conférence internationale de la Croix-Rouge », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 64, n°733, janvier-février 1982.
  • 8Peter Maurer, « The ICRC and Its Mission: Past and Future », Israel Journal of Foreign Affairs, vol. 11, n° 3, 2017.
  • 9Gustave Moynier, Les causes du succès de la Croix-Rouge, Paris : Alphonse Picard, 1888.
  • 10CICR, « histoire », disponible sur : https://www.icrc.org/fr/qui-nous-sommes/histoire.
  • 11Voir les quatre tomes consacrés à l’Histoire du Comité international de la Croix-Rouge : Pierre Boissier, De Solférino à Tsoushima, Plon, Paris, 1963 ; André Durand, De Sarajevo à Hiroshima, Institut Henry Dunant, Genève, 1978 ; Catherine Rey-Schyrr, De Yalta à Dien Bien Phu, Georg, Genève, 2007 ; Françoise Perret, De Budapest à Saigon, Georg, Genève, 2009 ; Jean-Luc Blondel, De Saigon à Hô Chi Minh-Ville, CICR, Genève, 2016.
  • 12Par exemple : Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 94, n° 4, 2012 ; et vol. 100, n° 907, 908, 909, Sélection française, 2018/1/2/3.
  • 13Max Huber, « La Croix-Rouge et l’évolution du Droit international », in M. Huber, op. cit. note 5, p. 34.
  • 14Max Huber, « Le droit des gens et la personne humaine », in M. Huber, op. cit. note 5, pp. 269-294.
  • 15Ibid.
  • 16Léopold Boissier, Nouveaux regards vers la paix, Éd. de la Baconnière, Neuchâtel, 1944, p. 3.
  • 17Ibid, p. 1.
  • 18Voir sa bibliographie dans le Dictionnaire historique de la Suisse, article « Carl J. Burckhardt », disponible sur : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F11624.php.
  • 19Carl Jacob Burckhardt, Ma mission à Dantzig, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1961.
  • 20Carl Jacob Burckhardt, Das Kriegswerk des Internationalen Komitee vom Roten Kreuz, AG. Gebr. Leemann & Co., Zürich, 1945.
  • 21Ibid., p. 16.
  • 22Jakob Kellenberger, « Europa um uns, Europa in uns : Referat anlässlich seines Besuchs beim Europa Institut an der Universität Zürich am 30. Mai 2006 » in 60 Jahre Churchill-Rede in Zürich: Europa in der Globalisierung, Schulthess, Zürich, 2006 ; Jakob Kellenberger, Humanitäre Tätigkeit in Konfliktsituationen: Alte und neue Herausforderungen, Hans Erni-Stiftung, Lucerne, 2008.
  • 23Hansjörg Erny, Jakob Kellenberger, Diplomat und IKRK-Präsident im Gespräch mit Hansjörg Erny, Zytglogge Verlag, Oberhofen am Thunersee,  2006.
  • 24Ibid., p. 88.
  • 25Thomas Brückner, Hilfe schenken. Die Beziehungen zwischen dem IKRK und der Schweiz 1919-1939, NZZ-Libro, Zurich, 2017 ; Isabelle Vonèche Cardia, Neutralité et engagement. Les relations entre le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le gouvernement suisse 1938-1945, Société d’histoire de la Suisse romande, Lausanne, 2012, pp. 41-43.
  • 26Cédric Cotter, (s’)Aider pour survivre. Action humanitaire et neutralité suisse pendant la Première Guerre mondiale, Georg, Chêne-Bourg, 2017, pp. 211-251 ; Cédric Cotter, « “Notre grande force consiste dans notre indépendance absolue de tout pouvoir politique” : les liens troubles entre le CICR et la Confédération », in Action humanitaire et quête de la paix. Autour du centenaire de l’attribution du prix Nobel de la paix au Comité international de la Croix-Rouge, à paraître, pp. 210–227 ; Irène Herrmann, « Gustave Ador », in International Encyclopedia of the First World War, 9 juillet 2015, disponible sur : https://encyclopedia.1914-1918-online.net/article/ador_gustave.
  • 27Parmi les publications qui comportent des paragraphes voire des parties historiques : Léopold Boissier, op. cit. note 6 ; Alexandre Hay, « Le CICR et la Commission indépendante sur les questions humanitaires internationales : séance inaugurale. Le CICR et les questions humanitaires internationales », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 66, n° 745, 1984 ; Max, Huber, Croix-Rouge et neutralité, CICR, Genève, 1936 ; Max Huber, op. cit. note 5 ; Max Huber, Das internationale Rote Kreuz : Idee und Wirklichkeit, Max Niehans, Zurich, 1951 ; Max Huber, « L’idée de la Croix-Rouge », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 35, n° 413, 1953 ; Jakob Kellenberger, « 60 ans des Conventions de Genève : tirer les enseignements du passé pour mieux faire face à l’avenir », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 91, n° 875, 2009 ; Paul Ruegger, « L’organisation de la Croix-Rouge internationale sous ses aspects juridiques », in Recueil des cours de l’Académie de droit international 1953, 1953 ; Cornelio Sommaruga, « Le Droit de Genève : défi permanent de protéger et respecter », in La souveraineté au XXIe siècle, Éditions interuniversitaires suisses, Fribourg, 2004.
  • 28Max Huber, op. cit. note 5 ; Paul Ruegger, op. cit. note 27 ; Cornelio Sommaruga, « Foreword », in Jonathan Moore (dir.), Hard choices : moral dilemmas in humanitarian intervention, Rowman and Littlefield, New York, 1998.
  • 29Voir les publications de Max Huber citées note 27.
  • 30Massimo Lorenzi, Entretiens avec Cornelio Sommaruga, président du CICR, Éditions Favre, Lausanne, 1998, p. 107.
  • 31Ibid, p. 119.
  • 32Paul Ruegger, op. cit. note 27, p. 405.
  • 33H. Erny, op. cit. note 23, p. 87.
  • 34Pour plus d’exemples, voir notes 98 à 101.
  • 35Max Huber, « Au service du Comité international de la Croix-Rouge », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 25, n° 294, 1943.
  • 36Ibid., p. 169.
  • 37Ibid., p. 171.
  • 38Ibid., p. 173.
  • 39J. Kellenberger, Humanitäre Tätigkeit in Konfliktsituationen : alte und neue Herausforderungen, op. cit. note 22, p. 41.
  • 40François Bugnion, Gustave Moynier 1926-1910, Éd. Slatkine, Genève, 2010, p. 85.
  • 41Gustave Moynier, Notions essentielles sur la Croix-Rouge, Georg et Cie, Genève, 1896, p. 36.
  • 42Gustave Moynier, « Les dix premières années de la Croix-Rouge », Bulletin de la Société genevoise d’Utilité publique, n° 10, 1873, p. 2.
  • 43G. Moynier, op. cit. note 9, p. 20.
  • 44G. Moynier, op. cit. note 42, p. 8.
  • 45Gustave Moynier, Mes heures de travail, Société générale d’imprimerie, Genève, 1907, p. 46.
  • 46G. Moynier, op. cit. note 42, p. 75.
  • 47G. Moynier, op. cit. note 45, p. 35.
  • 48« Je savais seulement qu’il n’avait pas de vocation positive, mais avait tenu la plume dans une banque, dont le patron l’avait congédié comme incapable de rédiger des correspondances en bon français », Ibid., p. 53.
  • 49Ibid., p. 55.
  • 50Ibid., p. 62.
  • 51Ibid., pp. 62-63.
  • 52Ces exemples viennent de : Guy Bedouelle, « L’humanitaire et le politique, conversation avec Cornelio Sommaruga », Pierre d’angle, n° 2, avril 1996 ; et Massimo Lorenzi, op. cit. note 30.
  • 53M. Lorenzi, op. cit. note 30.
  • 54Ibid, p. 106.
  • 55Cornelio Sommaruga, « Humanitarian Law and human rights in the legal arsenal of the ICRC », in Daniel Warner (dir.), Human rights and humanitarian law: the quest for universality, M. Nijhoff, La Haye, 1997, p. 133.
  • 56C. Sommaruga, op. cit. note 28, pp. ix-xiii.
  • 57M. Lorenzi, op. cit. note 30, p. 201.
  • 58Ibid., pp. 22-23.
  • 59Ibid., p. 59.
  • 60Virginie Poyetton, Cornelio Sommaruga: L’humanité en mission, Slatkine, Genève, 2018, p. 107.
  • 61M. Lorenzi, op. cit. note 30, p. 96. Sommaruga tient des propos similaires in Virginie Poyetton, op. cit. note 60, pp. 107-108.
  • 62M. Lorenzi, op. cit. note 30, p. 96
  • 63H. Erny, op. cit. note 23, p. 15.
  • 64Ibid.
  • 65« Allocution de Monsieur Marcel Naville, président de la Fondation pour Genève », in Jacques Freymond, Continuité d’une politique étrangère, allocutions et textes, Fondation pour Genève, Genève, 1982, pp. 7-13.
  • 66Max Huber, « Le Bon Samaritain », in La pensée et l’action de la Croix-Rouge, CICR, Genève, 1954, p. 314.
  • 67G. Moynier, op. cit. note 9, p. 3.
  • 68Gustave Moynier, « Les dix premières années de la Croix-Rouge », op. cit. note 42, p. 76.
  • 69G. Moynier, op. cit. note 41, p. 7.
  • 70G. Moynier, op. cit. note 9, pp. 21-22.
  • 71Gustave Moynier, La neutralité des militaires blessés et du service de santé des armées, Impr. Toinon, Paris, 1867, p. 18.
  • 72G. Moynier, op. cit. note 45, p. 46 ; Gustave Moynier, op. cit. note 42, p. 3.
  • 73Ibid. p. 62.
  • 74Ibid., p. 36.
  • 75M. Lorenzi, op. cit. note 30, p. 20.
  • 76H. Erny, op. cit. note 23, p. 47.
  • 77G. Moynier, Étude sur la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne : 1864 et 1868, Genève, 1870 ; M. Huber, op. cit. note 5 ; M. Huber, op. cit. note 13 ; P. Ruegger, op. cit. note 27.
  • 78P. Ruegger, op. cit. note 27, p. 390.
  • 79Ibid., p. 412.
  • 80Une lecture exhaustive de tous les écrits des présidents, dont leurs discours, permettrait sûrement de mettre en avant un certain nombre de références à des historiens de la Croix-Rouge, dont certains anciens délégués.
  • 81G. Moynier, op. cit. note 9, p. 4.
  • 82M. Huber, op. cit. note 13, p. 25.
  • 83Gustave Moynier, La Croix-Rouge, son passé et son avenir, CICR, Genève, 1882, pp. 254-255.
  • 84G. Moynier, op. cit. note 71, p. 40.
  • 85P. Ruegger, op. cit. note 27, p. 385.
  • 86Ibid., p. 389.
  • 87J. Kellenberger, op. cit. note 27.
  • 88Par exemple : I. V. Cardia, op. cit. note 25.
  • 89Cornelio Sommaruga, « Préface », in Pierre Marqués, La Croix-Rouge pendant la guerre d’Espagne (1936-1939) : les missionnaires de l’humanitaire, L’Harmattan, Paris, Montréal, 2000, p. 11.
  • 90Jakob Kellenberger, « Genève et Paris : le Comité international de la Croix-Rouge et la France, 1863-1918 », in Véronique Harouel, Genève-Paris. 1863-1918, le Droit humanitaire en construction, Société Henry Dunant, Genève, 2003, p. vii.
  • 91Ibid.
  • 92Cornelio Sommaruga, « Miroir de l’humanitaire : expérience et conscience », in François Bugnion, Le Comité international de la Croix-Rouge et la protection des victimes de la guerre, CICR, Genève, 2000 (1994), p. xiii.
  • 93Ibid., p. vii.
  • 94C. Sommaruga, op. cit. note 89, p. 11.
  • 95Cornelio Sommaruga, « International humanitarian law: even wars have limits », in Finnish Yearbook of International Law, vol. 9, 1998, p. 411.
  • 96Jean-Claude Favez, Une mission impossible ? Le CICR, les déportations et les camps de concentration nazis, Éditions Payot, Lausanne, 1988.
  • 97Parmi les principales publications, nous pouvons mentionner : Arieh Ben-Tov, Facing the holocaust in Budapest: the International Committee of the Red Cross and the Jews in Hungary, 1943-1945, Institut Henry Dunant, Genève, 1988 ; François Bugnion, « L’action du CICR pendant la Seconde Guerre mondiale : le CICR infiltré par les Nazis ? », Revue internationale de la Croix-Rouge, n° 824, mars-avril 1997 ; Daniel Palmieri et Irène Herrmann « Des humanitaires en eaux troubles. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les camps de concentration nazis, 1933-1939 », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 95, 2009 ; I. V. Cardia, op. cit. note 25 ; Irène Herrmann, L’humanitaire en questions: réflexions autour de l’histoire du Comité international de la Croix-Rouge, Éditions du Cerf, Paris, 2018, pp. 83-118.
  • 98Cornelio Sommaruga, « Le point de vue du CICR », in Jean-Claude Favez, Une mission impossible, Le CICR, les déportations et les camps de concentration nazis, Éditions Payot, Lausanne, 1988, p. 377.
  • 99Ibid., p. 378.
  • 100Emmanuel Laurentin (dir.), À quoi sert l’histoire aujourd’hui ?, Bayard, Paris, 2010, pp. 62–65.
  • 101M. Lorenzi, op. cit note 30, p. 22.
  • 102H. Erny, op. cit. note 23, p. 70.
  • 103E. Laurentin, op. cit. note 100, pp. 84-85.
  • 104Elisabeth Baumgartner et Lisa Ott, « Determining the fate of missing persons : The importance of archives of ‘dealing with the past’ mechanisms », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 99, n° 905, 2017 ; Valérie McKnight Hashemi, « À la recherche d’un équilibre : la révision du Règlement d’accès aux archives du CICR est le reflet d’enjeux et de défis multiples », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 100, n° 907/908/909, Sélection française 2018/1/2/3.
  • 105Joëlle Droux, « Life during Wartime: The Save the Children International Union and the Dilemmas of Warfare Relief, 1919-1947 », in Johannes Paulmann (dir.), Dilemmas of Humanitarian Aid in the Twentieth Century, Oxford University Press, Oxford, 2016, pp. 185-206 ; Marie-Luce Desgrandchamps, « Revenir sur le mythe fondateur de Médecins sans frontières : les relations entre les médecins français et le CICR pendant la guerre du Biafra (1967-1970 », Relations internationales, n° 146, 2011.
  • 106Peter Maurer, op. cit. note 8, pp. 11-12.

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