IRRC No. 906

Droit islamique et droit international humanitaire : une introduction aux principes fondamentaux

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Abstract
Cet article donne une vue d’ensemble des principes régissant l’emploi de la force dans le droit islamique de la guerre, selon les quatre écoles juridiques islamiques sunnites. Pour introduire ce sujet, les origines, les sources et les caractéristiques du droit islamique de la guerre sont brièvement présentées. Cette analyse révèle combien ces principes islamiques sont compatibles avec les principes modernes du droit international humanitaire et explique comment ces principes islamiques peuvent contribuer à réduire les destructions et les souffrances causées par les conflits armés contemporains dans des pays musulmans, en particulier les conflits dans lesquels le droit islamique est invoqué comme la source à laquelle se référer.

Traduit de l'anglais.

 

Introduction

Il a été démontré que les conflits armés tels que ceux qui font rage actuellement en Syrie et au Yémen ont des conséquences qui dépassent largement la région du Moyen-Orient pour s’étendre à l’Occident. Elles sont même parfois encore plus lourdes dans les pays situés en dehors de la région où le conflit se déroule, que dans les pays de ladite région. Cela montre tout d’abord que les conséquences des conflits armés, y compris des conflits armés non internationaux (CANI), ne sont plus seulement locales ou régionales, mais mondiales. En outre, les CANI et en particulier ceux qui se déroulent au Moyen-Orient, peuvent être les signes avant-coureurs d’une guerre d’ampleur régionale ou mondiale ou, à tout le moins, porter gravement atteinte à l’économie mondiale. À ce propos, il a été souligné que 80 % des crises humanitaires auxquelles le monde est aujourd’hui confronté, sont imputables à des conflits armés1 . Il est donc nécessaire de redoubler d’efforts non seulement pour faire respecter les dispositions du droit international humanitaire (DIH), mais aussi pour faire tout ce qui est possible pour, en tout premier lieu, éviter l’apparition de conflits armés, puis, une fois que les conflits sont terminés, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la justice soit rendue afin d’éviter la résurgence des conflits.

Le respect du DIH dans les pays musulmans est l’un des enjeux les plus importants auxquels notre monde est aujourd’hui confronté. Cela tient au fait que la plupart des conflits se déroulent dans des pays musulmans, que leurs causes sont diverses, historiques et coloniales ou liées à une mauvaise gouvernance, laquelle induit, entre autres, un déficit démocratique et un manque de respect des droits de l’homme. Il est largement admis que le respect du DIH est essentiel parce qu’il permet de limiter l’ampleur des destructions et d’instiller un peu d’humanité dans les conflits armés au cours desquels des exactions, des actes barbares et des destructions sont commis.

De plus, la grande majorité des conflits en cours entrent dans la catégorie des CANI. En outre, dans bon nombre de conflits auxquels nous assistons, les parties au conflit, le plus souvent des groupes armés non étatiques, justifient les actes d’hostilité qu’ils commettent en invoquant certaines règles du droit islamique de la guerre élaborées par les juristes musulmans des deuxième et troisième siècles du calendrier islamique (ce qui correspond approximativement aux huitième et neuvième siècles de notre ère) et certaines opinions d’exégètes du Coran et de savants, spécialistes des hadiths. C’est pourquoi il est particulièrement important d’étudier – comme se le propose cet article – les sources primaires du droit islamique de la guerre, en raison de son influence, réelle et considérable, sur le comportement des belligérants qui s’appuient sur ses dispositions pour justifier actes d’hostilité qu’ils commettent. D’un point de vue académique, étudier la manière dont le système juridique islamique peut contribuer à limiter les destructions causées par les conflits armés et à atténuer les souffrances des victimes, en comparant ses dispositions à celles du DIH contemporain, peut aussi être un sujet à part entière. À ce sujet, Loukas Petridis, chef de délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Niger, déclarait le 25 novembre 2015 :

Alors que les crises humanitaires liées aux conflits armés et à la violence ne cessent de se multiplier, il nous faut élargir le cercle du dialogue autour du droit international humanitaire (DIH) à d’autres normes, comme le droit et la jurisprudence islamiques, afin d’offrir la protection la plus large et la plus efficace possible aux victimes2 .

De plus, lors d’une rencontre entre Ahmed al-Tayyeb (le grand imam d’Al-Azhar, la plus haute autorité religieuse du monde sunnite), Ronald Ofteringer (chef de délégation du CICR au Caire) et l’auteur du présent article, Ahmed al-Tayyeb a réaffirmé le rôle que peuvent jouer les institutions islamiques afin de renforcer la protection des victimes de conflits armés3 . À cet égard, cet article donne un bref aperçu des principes du droit islamique réglementant l’emploi de la force dans les conflits armés ; il examine d’une part les difficultés liées à leur application et, d’autre part, dans quelle mesure ces principes coïncident avec les principes modernes du DIH, afin de déterminer si ces principes islamiques peuvent être efficaces pour limiter les destructions et les souffrances causées par les conflits armés.

Origines du droit islamique de la guerre

Au cours des siècles, la plupart des systèmes juridiques ont conçu des règles pour encadrer le recours à la force armée, portant à la fois sur les motifs légitimes de faire la guerre et sur les règles relatives à la conduite des hostilités. Le DIH ne traite pas expressément du premier aspect, relatif aux motifs justifiant le recours à la force armée. Cette question est réglementée par le droit international public, conformément à la Charte des Nations unies (NU), qui interdit le recours à la force armée sauf en cas de légitime défense ou à moins d’avoir obtenu l’autorisation du Conseil de sécurité des NU, conformément à l’article 42 de la Charte. Le DIH a pour but de fixer des règles et des limites au comportement des combattants tant dans les conflits armés internationaux que non internationaux, en vue d’éviter ou de limiter les conséquences des conflits armés, d’atténuer les souffrances des victimes et de protéger les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités, mais aussi de protéger les biens mobiliers et immobiliers qui ne sont pas utilisés dans les opérations militaires. Cette branche du droit est également connue sous le nom de droit de la guerre ou de droit des conflits armés mais, depuis ces dernières décennies, elle est plus généralement connue sous l’appellation « droit international humanitaire », pour bien souligner les raisons humanitaires qui inspirent cette branche du droit récemment élaborée.

La question est de savoir si le système juridique islamique a intégré cette branche relativement récente du droit. Ce qui est certain, c’est que les juristes musulmans classiques n’employaient pas cette expression pour désigner des situations de conflit armé, pas plus qu’ils n’utilisaient la terminologie plus moderne du DIH. Quoi qu’il en soit, les dispositions du droit islamique – telles qu’elles ont été élaborées et consignées par les juristes musulmans depuis au moins le deuxième siècle islamique (soit le huitième siècle après J.-C. ) – montrent qu’indubitablement, nombre de questions couvertes par le DIH, furent abordées par les juristes musulmans pour parvenir à peu près au même but que celui poursuivi par le DIH, à savoir alléger les souffrances des victimes de conflits armés et protéger certaines personnes ainsi que certains biens. À ce stade et avant de passer à l’examen de ce point, il convient d’abord de rappeler les sources et les caractéristiques du droit islamique de la guerre, puis d’examiner les principes fondamentaux qui réglementent l’emploi de la force conformément au droit islamique.

Les sources du droit islamique

Les sources du droit islamique se divisent en deux groupes principaux : les sources primaires et les sources secondaires. Les sources primaires (également qualifiées de « reconnues ») sont le Coran, la Sunna (tradition) du Prophète, l’ijmāʻ (consensus d’opinions juridiques) et les qiyās (raisonnement juridique analogique ou déductif). Les sources secondaires (également appelées « sources controversées ») sont fondées sur des méthodes jurisprudentielles d’élaboration de lois islamiques dont l’ordre d’importance peut varier. Elles comprennent notamment : istiḥsān (préférence juridique ou publique), maslaḥah mursalah (intérêt public), ʻurf (coutume), sharʻ man qablanā (lois divines antérieures à l’islam), madhhab al-ṣaḥabı̄ (opinions des compagnons du Prophète), sadd al-dharā’iʻ (« blocage des moyens/fermeture des voies », c’est-à-dire interdire la commission d’un acte malfaisant, bien que cela signifie aussi encourager des actes bienveillants) et istiṣḥāb (continuité de l’applicabilité d’une règle acceptée par le passé, sauf si de nouvelles preuves justifient un changement d’application).

Le principal élément qui différencie le droit islamique de la plupart des autres systèmes juridiques tient au fait qu’il renferme des règles sur le culte, les croyances et la moralité, ainsi que des règles relatives à de nombreux autres aspects de la vie, comme le droit de la famille, les transactions financières, le droit pénal, la gouvernance et les relations internationales en temps de paix et en temps de guerre. Compte tenu de la dimension religieuse du droit islamique, certains concluent à tort que toutes ses dispositions sont immuables. En réalité toutefois, s’il est vrai que les règles relatives au culte, à la croyance et à la moralité ou les règles reconnues à l’unanimité sont figées et immuables, d’autres dispositions peuvent être modifiées dès lors qu’il s’agit d’atteindre l’objectif du législateur. Comme l’a expliqué Ibn Qayyim al-Jawziyyah (mort en 1350), chaque règle de l’islam a pour but de servir l’intérêt public, car

la charia est fondée sur l’ordre divin et le bien commun des peuples dans ce monde et dans le prochain. Elle n’est que justice, compassion, bien commun et sagesse. Si une décision, quelle qu’elle soit, transforme la justice en injustice, ou la miséricorde en son contraire, ou le bien commun en corruption, ou la sagesse en folie, alors elle ne peut pas faire partie de la charia, même si elle invoque une interprétation de la charia, car la charia est la justice de Dieu parmi ses fidèles, sa miséricorde parmi sa création et son ombre sur la terre [traduction CICR]4 .

Cette affirmation catégorique d’Ibn Qayyim al-Jawziyyah montre que le droit islamique a pour but premier de parvenir à la justice et de servir l’intérêt public, toujours et partout.

La plupart des règles du droit islamique relatives à l’emploi de la force découlent du Saint Coran et de la Sunna, ainsi que de textes antérieurs à l’État islamique5 qui datent des septième et huitième siècles ou qui sont connus au sein de l’école juridique hanafite sous le nom de siyar (ligne de conduite), autrement dit les moyens et les méthodes mis au point par l’État islamique pour réglementer ses rapports avec le monde non musulman en temps de paix et en temps de guerre, plus particulièrement à l’époque du Prophète Mahomet et des califes Bien-Dirigés. Le mot siyar est également utilisé par certains juristes hanafites pour désigner les règles applicables à certains types de CANI qui se sont déroulés dans la première moitié du premier siècle islamique, tels que ceux connus dans la jurisprudence islamique sous les expressions qitāl al-bughāh (lutte contre des rebelles ou des sécessionnistes) et ḥurūb al-riddah (guerres d’apostasie6 ). Les juristes musulmans ont fixé des limites juridiques à l’emploi de la force en se fondant sur ces sources ainsi que sur leur propre ijtihād (raisonnement ou jugement présidant à l’élaboration des lois), fondé à la fois sur les sources principales et sur les outils mentionnés ci-dessus, comme les qiyās, maslaḥah mursalah et madhhab al-ṣaḥabı̄. Nous pouvons donc en conclure que ces règles ont été élaborées selon une certaine vision des relations internationales et à une époque bien particulière, celle du vivant du Prophète, entre 624 et 634 après J.-C., durant laquelle les affrontements militaires étaient moins brutaux et moins meurtriers que ceux auxquels nous assistons aujourd’hui7 .

Caractéristiques du droit islamique de la guerre

Ainsi, en raison de son fondement textuel et contextuel unique, le droit islamique de la guerre se caractérise par les éléments suivants : sa dimension religieuse, l’attachement des musulmans à le respecter par désir d’obéir à Dieu, l’absence de codification uniforme et la particularité de ses sources et de son contexte.

Le droit islamique de la guerre revêt une dimension religieuse en ce sens que le respect des règles islamiques relatives à l’emploi de la force est un acte cultuel qui rapproche le soldat musulman de Dieu. Les efforts des juristes classiques pour humaniser les conflits armés ont abouti à des décisions contradictoires, car lors des délibérations précédant leur adoption, certains juristes ont tantôt accordé la priorité aux préoccupations humanitaires, tantôt à la nécessité militaire de gagner la guerre, même si cela allait à l’encontre des principes humanitaires8 .

Le respect des règles islamiques relatives à l’emploi de la force était quelque chose d’instinctif pour un musulman et qui s’imposait à lui en raison de son désir d’obéir à Dieu, que son ennemi adhère ou non aux mêmes règles. Ce respect ne découlait pas de l’obligation de se conformer aux conventions internationales, comme c’est le cas à l’ère moderne. Cette caractéristique donne une assise solide à l’argument selon lequel le droit islamique a le pouvoir de grandement influencer le comportement des parties musulmanes aux conflits qui sont en cours, en particulier celui des combattants non étatiques qui se réclament des règles islamiques relatives aux conflits armés comme la source à prendre pour référence. Les juristes musulmans se sont avant tout attachés à établir une distinction entre les actes qui, lors des guerres, étaient autorisés pour un musulman et ceux qui ne l’étaient pas et, comme tout spécialiste du droit islamique le constatera, c’est avec une grande minutie que les juristes ont élaboré une jurisprudence régissant la conduite que doit obligatoirement tenir un soldat musulman, en tenant compte de la nécessité à la fois de respecter les sources mentionnées ci-dessus et de gagner la guerre. De nombreux universitaires et experts occidentaux du concept de la guerre juste selon l’islam ont ainsi relevé que les juristes musulmans classiques s’étaient intéressés de très près au jus in bello islamique, en négligeant le jus ad bellum9 .

Comme ces règles ont été établies, à titre personnel et indépendant, par des juristes musulmans classiques et qu’elles n’ont été ni codifiées par l’État islamique, ni consacrées par des accords signés entre les belligérants, il n’est donc pas étonnant qu’il en ressorte de nombreuses règles contradictoires en raison, premièrement, des diverses interprétations des textes dont ces règles sont issues et, deuxièmement, des divergences d’opinion entre les juristes, certains donnant la priorité aux impératifs humanitaires et au respect des règles figurant dans les sources du droit islamique, tandis que d’autres privilégiaient la nécessité de gagner la guerre. Cette caractéristique du droit islamique constitue l’un des principaux obstacles lorsqu’il s’agit d’humaniser les conflits armés à l’ère moderne, comme nous l’expliquerons plus en détail ci-après.

La philosophie et les principes du DIH ne sont pas récents ; au contraire, ils sont aussi anciens que les civilisations et ils ont été reconnus depuis longtemps par des cultures et des religions anciennes. Dans son livre, The Contemporary Law of Armed Conflict, L.C. Green montre que le judaïsme, la Chine ancienne ou les civilisations grecque et indienne, avaient posé des limites qui devaient être respectées lors des conflits armés. Selon l’Ancien Testament, il est interdit de détruire les arbres (Deutéronome 20:19–20) ou de tuer les prisonniers, lesquels doivent recevoir de la nourriture et de l’eau jusqu’à ce qu’ils soient libérés. Dans la civilisation chinoise ancienne, le général et stratège militaire Sun Tzu (mort en 496 avant J.-C.), soulignait que seules les armées ennemies pouvaient être attaquées et que les cités ne pouvaient être attaquées que s’il n’y avait aucune autre solution. Dans l’Inde ancienne, pendant un conflit armé, il était notamment interdit d’attaquer un ennemi endormi, de profaner des dépouilles, de tuer des personnes souffrant d’un handicap physique ou mental et, comme dans la civilisation grecque, d’employer des armes empoisonnées10 .

Bien entendu, les sources du droit islamique de la guerre se rapportent à des guerres dans lesquelles les armes et les tactiques militaires - et donc leur pouvoir de destruction -, étaient très différents de celles des conflits armés contemporains. Dès lors, l’application du droit islamique de la guerre à l’ère moderne pose un autre défi, puisque certains groupes armés recourent à des armes et à des tactiques militaires qui sont interdites par le DIH et qu’ils justifient leurs actions en s’appuyant sur les opinions de certains juristes musulmans classiques qui cautionnaient l’emploi d’armes et de tactiques militaires semblables lors des guerres primitives de leur époque, comme nous le montrerons plus loin dans cet article. En ce sens, ces règles doivent inévitablement être revues et reconsidérées pour tenir compte des progrès technologiques des moyens et des méthodes de guerre, en constante évolution.

Principes des règles islamiques de la guerre

Les juristes musulmans classiques ont examiné un ensemble de questions qui, en substance, expriment la philosophie et les principes du DIH, mais qui sont faites pour des situations autres que les guerres auxquelles nous assistons aujourd’hui. Il est intéressant de relever que des règles spécifiques avaient été établies pour chacune de ces questions dans le cadre des guerres qui avaient opposé les musulmans à leurs ennemis non musulmans du vivant du prophète Mahomet et qu’en conséquence, les enseignements du Prophète sont à l’origine d’une grande partie des règles élaborées par les juristes. Le droit islamique opérait également une distinction entre les conflits internationaux et les conflits non internationaux, bien que ces expressions ne soient pas utilisées. Selon l’islam, les conflits armés internationaux sont généralement appelés djihad, un mot qui désigne les guerres opposant l’État islamique aux belligérants non musulmans. D’après les juristes musulmans, les CANI se déclinent en quatre catégories : ḥurūb al-riddah (guerres d’apostasie), qitāl al-bughāh (lutte contre les rebelles et les sécessionnistes), ḥirābah (lutte contre les bandits, les voleurs de grand chemin, les terroristes ou les pirates) et qitāl al-khawārij (lutte contre les fanatiques religieux violents). En droit islamique, la distinction entre ces divers types de guerres est importante, car les règles de la d’une catégorie à une autre11 .

Lors de l’élaboration du droit islamique de la guerre dans les conflits armés internationaux, les juristes musulmans ont été particulièrement attentifs aux huit thèmes suivants.

Protection des civils et des non-combattants

Les sources du droit islamique garantissent la protection des civils et des non-combattants, puisqu’il est stipulé que, sur le champ de bataille, les attaques ne doivent être dirigées que contre les combattants ennemis. Aucun dommage ne doit être causé intentionnellement aux civils et aux non-combattants au cours des hostilités. Ce principe figure clairement dans le verset qui dispose : « Combattez dans le sentier d’Allah ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Certes. Allah n’aime pas les transgresseurs12  ». Selon les interprètes du Coran, ce verset ordonne de ne pas attaquer les ennemis non combattants et dispose qu’une attaque contre des non-combattants, comme des femmes et des enfants, est un acte d’agression qui déclenche la colère de Dieu. Dans son interprétation de ce verset, Al-Rāzı̄ (mort en 1209) définit les al-muqātilīn (combattants) comme suit : « Ils doivent participer aux combats ; quiconque veut ou est prêt à combattre ne peut pas être qualifié de combattant, sauf en recourant à une métaphore, tant qu’il n’est pas engagé dans les combats [traduction CICR]13  ». Ainsi, en se fondant sur de nombreux dires attribués au prophète Mahomet, le droit islamique protège les civils et les non-combattants contre les attaques militaires. De plus, si un ennemi renonce au combat ou qu’il entre en territoire musulman et demande, de manière explicite ou implicite, une protection, il ne peut pas être pris pour cible, comme nous l’expliquerons plus loin dans l’analyse de l’amān (protection, sécurité).

Plusieurs hadiths du Prophète interdisent expressément de prendre pour cible les femmes, les enfants, les vieillards, les usafā ainsi que les aṣḥāb al-ṣawāmi (les moines ou les ermites). Le mot usafā est le pluriel de asīf, qui signifie « employé, personne embauchée » et, dans le cadre d’une guerre, ce mot désigne quiconque travaille pour, ou est payé par, l’ennemi pour rendre certains services sur le champ de bataille, ce qui était une pratique courante dans les guerres d’antan. Ces personnes étaient par exemple chargées de s’occuper des effets personnels ou des animaux, mais ne participaient pas aux combats et ne pouvaient donc pas être qualifiées de combattants. Par analogie avec l’interdiction d’attaquer les usafā sur le champ de bataille, il s’ensuit qu’il est également interdit d’attaquer le personnel médical (tant civil que militaire) qui accompagne les armées ennemies, les reporters militaires ou toute autre personne qui fournit des services aux armées ennemies, aussi longtemps que ces personnes ne participent pas aux opérations militaires. On trouve ce principe dans divers hadiths du Prophète, notamment « Ne tuez pas une femme, ni un enfant ni un vieillard14  », « Ne tuez pas les enfants ou les membres du clergé15  » et « Ne tuez pas les enfants ou les usafā16  ». Ce faisant et s’agissant de protéger les non-combattants, les Compagnons du Prophète suivirent son exemple. Par exemple, le premier calife, Abū Bakr (mort en 634), donna au commandant de son armée les instructions suivantes : « Ne tuez une femme, ni un enfant ni un vieillard ; ne coupez pas un arbre fruitier, ne détruisez pas les maisons ; ne tuez pas les moutons ni les chameaux sauf pour manger ; ne coupez pas les dattiers et ne les brûlez pas ; ne vous livrez pas au pillage et ne soyez pas lâches17  ». De plus, Umar ibn al-Khaṭṭāb délivra des instructions écrites ordonnant à ses soldats de craindre Dieu et de ne pas tuer les agriculteurs : « Craignez Dieu dans les agriculteurs ; ne les tuez pas, sauf s’ils vous combattent 18  ». Ce commandement à craindre Dieu rappelle l’impératif religieux de respecter le droit islamique de la guerre.

Les juristes ont aussi précisé diverses autres catégories de non-combattants qui ne doivent pas être pris pour cible pendant un conflit armé, notamment les aveugles, les infirmes et les aliénés, mais aussi les artisans et les commerçants. Ibn Qayyim al-Jawziyyah a exposé, de manière concise, le point de vue de l’islam à propos des personnes qu’il est possible de prendre pour cible pendant une guerre : « Les musulmans doivent combattre ceux qui les attaquent, mais pas ceux qui ne les attaquent pas [traduction CICR]19  ». Cette courte déclaration affirme explicitement le principe d’immunité dont bénéficient les non-combattants dans l’islam20 et est donc conforme à l’article 48 du Protocole additionnel I (PA I) qui dispose :

En vue d’assurer le respect et la protection de la population civile et des biens de caractère civil, les Parties au conflit doivent en tout temps faire la distinction entre la population civile et les combattants ainsi qu’entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires et, par conséquent, ne diriger leurs opérations que contre des objectifs militaires21 .

Pour autant, cela ne signifie pas que cette protection soit absolue ; les bénéficiaires perdent le droit à l’immunité des non-combattants s’ils participent aux combats. Les docteurs en droit islamique ont effectué une étude approfondie de ces questions, en précisant les circonstances dans lesquelles les non-combattants, tels que mentionnés ci-dessus, peuvent perdre la protection contre les attaques militaires qui leur est accordée par l’islam. Par exemple, les juristes ont examiné s’il était licite de tuer une femme lorsque celle-ci tue des soldats musulmans, qu’elle leur jette des pierres dans le but de les tuer ou qu’elle monte la garde pour surveiller les armées ennemies ou leurs bastions ; ou encore si elle est reine de son pays ou si c’est une femme fortunée qui dépense son argent pour inciter l’armée à se battre sur le champ de bataille. Il en va de même lorsqu’un enfant qui est roi ou reine dans son pays et qu’il agit de la sorte. Sur cette question, les juristes étaient en désaccord, certains estimant qu’en de tels cas, il était permis de prendre pour cible des femmes et des enfants et d’autres estimant que cela n’était pas souhaitable22 . Ils étaient également divisés sur la question de savoir s’il était possible de prendre pour cible une personne âgée si elle participait aux hostilités en contribuant à la planification des opérations militaires de l’ennemi23 .

En résumé, le droit islamique prône le principe de distinction entre combattants et non-combattants, ce qui signifie que les civils et les non-combattants doivent être protégés contre les attaques pendant les opérations militaires, à condition qu’ils ne participent pas aux opérations militaires.

Armes autorisées dans les guerres

Même si les armes et les tactiques militaires utilisées par les musulmans au début de la période islamique – et donc celles dont traite le droit islamique – étaient extrêmement primitives en comparaison de celles aujourd’hui à disposition, car elles étaient rudimentaires et qu’elles n’avaient qu’une capacité limitée d’infliger des dommages graves aux personnes et aux biens ennemis, l’élaboration de règles relatives aux armes montre que les juristes musulmans visaient deux objectifs : premièrement, ne pas mettre en danger la vie des civils et des non-combattants et, deuxièmement, épargner les biens de l’ennemi à moins que la nécessité militaire n’exige le contraire. Les règles élaborées par les juristes musulmans classiques montrent qu’à leur époque, la « guerre » pouvait revêtir deux formes. La première était le combat direct ou au corps à corps avec les combattants ennemis, le plus souvent l’épée (une arme occupant une place privilégiée dans la culture et le patrimoine arabes), mais aussi la lance, l’arc et le javelot, également utilisés mais moins fréquemment. Lorsque des civils et des non-combattants étaient présents parmi les combattants ennemis, un combat à l’épée ne mettait pas en danger la vie de simples passants et ne risquait pas de détruire incidemment leurs biens. Il est intéressant de noter ici que les juristes, en particulier ceux de l’école malékite, examinèrent la licéité de tirer sur l’ennemi avec des flèches empoisonnées. Sur cette question, comme sur bien d’autres, ils eurent des avis divergents. Certains interdisaient d’utiliser ces flèches empoisonnées, tandis que d’autres se contentaient de ne pas aimer l’idée de ces armes au motif que, d’une part, l’ennemi pouvait les réutiliser pour tirer sur les musulmans et, d’autre part, parce qu’il n’existait pas de précédent de cette utilisation à l’époque du Prophète24 . Toutefois, le grand juriste hanafite al-Shaybānı̄ (mort en 805) autorisa l’emploi de flèches empoisonnées, car elles étaient plus efficaces pour vaincre l’ennemi25 .

Le deuxième scénario possible était celui dans lequel où l’ennemi se retranchait dans des fortifications, ce qui excluait le combat au corps à corps. Les juristes se penchèrent alors sur l’emploi de mangonneaux (des engins permettant de catapulter de lourdes pierres), du feu, de l’inondation et même du siège comme armes pour forcer l’ennemi à se rendre26 . Dans la période préislamique, les Grecs et les Perses de l’Antiquité employaient des mangonneaux qu’ils chargeaient de feu ou de grosses pierres pour attaquer les ennemis réfugiés dans des citadelles ou des forteresses en les bombardant. Par ailleurs, pendant la bataille de Taif au cours de la huitième année du calendrier islamique (630 après J.-C.), Salmān al-Fārisı̄ présenta le mangonneau au Prophète Mahomet. Que le mangonneau ait été véritablement utilisé ou non lors de cette bataille, cela montre que les attaques que les musulmans dirigeaient contre leurs ennemis en employant des mangonneaux, pouvaient non seulement causer des dommages aux biens militaires et civils de l’ennemi, mais causer incidemment des pertes dans la population civile. Il convient toutefois de tenir compte du fait qu’à l’époque, lorsqu’un ennemi se repliait à l’intérieur des fortifications, il était impossible de distinguer les biens militaires des biens civils. Les juristes furent unanimes à autoriser l’emploi de mangonneaux contre une forteresse ennemie si la nécessité militaire l’exigeait, mais les avis divergèrent sur la licéité ou non d’utiliser le feu comme arme contre l’ennemi : certains juristes l’interdirent, d’autres le désapprouvèrent ; d’autres enfin l’autorisèrent, soit en cas de nécessité militaire, soit à titre de représailles.

Les délibérations des juristes musulmans sur l’utilisation de ces armes montrent que les attaques sans discrimination ou l’usage excessif de la force militaire au-delà de ce qu’exigeait la nécessité militaire étaient inconcevables à leurs yeux, quelles que fussent la profondeur et la portée de leurs discussions sur les types d’armes et de tactiques à autoriser ou interdire. Cela étant, les avis divergents mentionnés plus haut entre les juristes illustrent bien les difficultés inhérentes à l’application des dispositions du droit islamique de la guerre, tant autrefois qu’à l’époque moderne, car, premièrement, les règles qui autorisaient l’emploi de formes primitives d’attaque sans discrimination dans le contexte spécifique des guerres de l’époque, sont  invoquées aujourd’hui pour justifier des attaques contre des civils et, deuxièmement, car certains dressent des parallèles entre les armes actuelles et ces armes primitives pour justifier l’utilisation d’armes chimiques et d’autres armes de destruction massive.

Boucliers humains et attaques de nuit

En se fondant sur la distinction entre combattants et non-combattants, les juristes de droit islamique ont établi des dispositions détaillées sur deux des principales méthodes de guerre qui étaient utilisées dans les guerres primitives décrites ci-dessus : il s’agit de l’al-tatarrus (tirer sur des boucliers humains) et de l’al-bayāt (les attaques de nuit), toutes deux débattues pour la première fois du vivant du Prophète. Concernant l’analyse des boucliers humains, la plupart des juristes distinguaient deux situations : premièrement, celle où les combattants ennemis utilisent des femmes, des enfants ou des personnes âgées comme boucliers humains pour contraindre les musulmans à cesser le combat et deuxièmement, celle où l’ennemi utilise n’importe quel musulman ou toute personne ahl aldhimmah (citoyen non musulman du dār-al-Islām [État islamique]) comme bouclier humain, dans le même objectif. La difficulté ici est qu’en s’attaquant à un bouclier humain, il y a un risque de tuer ces non-combattants, qu’il s’agisse de musulmans ou d’ahl aldhimmah, par l’utilisation d’armes qui frappent sans discrimination tels que des mangonneaux. De façon générale, tous les juristes admettent qu’il est possible, dans ces deux cas, de tirer sur des boucliers humains si la nécessité militaire l’exige, à condition que les musulmans fassent en sorte de diriger leurs attaques contre des combattants et qu’ils évitent, dans toute la mesure du possible de frapper des non-combattants27 , même si, concrètement, cela semble quasiment impossible. Sur le point de savoir ce qu’il faut entendre exactement par la nécessité militaire qui justifierait une attaque contre des boucliers humains dans ces situations, les divergences entre les juristes sont profondes. Pour al-Māwardī et al-Shīrāzī, la nécessité militaire tiendrait alors au risque d’une défaite des musulmans28 . Sur ce point, certains juristes ajoutent qu’en pareil cas, s’attaquer à des boucliers humains relève de la protection des autres musulmans car si les musulmans n’attaquaient pas le bouclier, précipitant ainsi la défaite de l’armée musulmane, de nombreux musulmans seraient tués. De l’avis d’al-Quturbī, la nécessité militaire devait, dans ce cas, être entendue comme la nécessité d’éviter « l’effondrement du monde musulman aux mains de l’ennemi [traduction CICR]29  ». S’agissant de la deuxième situation, quelques juristes, une minorité, interdisent les attaques contre des boucliers humains en se fondant sur ce verset : « s’ils [les hommes et les femmes musulmans croyants] s’étaient signalés, nous aurions certes châtié d’un châtiment douloureux ceux qui avaient mécru parmi [les Mecquois]30  ».

Pour ce qui est des bayāt, les attaques de nuit signifiaient que les deux armées n’étaient pas en mesure de combattre au corps à corps, car elles ne pouvaient pas se distinguer dans l’obscurité, ce qui rendait alors nécessaire de viser l’ennemi en utilisant des mangonneaux ou d’autres types d’armes frappant sans discrimination. Aussi et conformément à l’hadith relaté par Anas Ibn Mālik, le Prophète évitait d’attaquer l’ennemi la nuit. De plus, selon un autre hadith relaté par al- Ṣaʻb ibn Jaththāmah, lorsqu’il a été interrogé sur la possibilité d’attaquer l’ennemi la nuit, ce qui pouvait entrainer la mort de femmes et d’enfants, le Prophète n’a pas déclaré que cela était interdit31 . Dès lors, les juristes eurent des avis divers, certains permettant les attaques de nuit contre l’ennemi et d’autres les désapprouvant. Quoi qu’il en soit, les juristes justifiaient d’éventuelles pertes parmi les femmes et les enfants dans de tels cas, en tant que dommages collatéraux32 .

Cela étant dit, il convient de souligner à ce stade que le droit islamique met fortement l’accent sur le caractère sacré de la vie des non-combattants et sur l’importance d’éviter de mettre en danger leur vie et leurs biens, sauf en cas de nécessité militaire. Il convient également de noter que les dispositions établies par les juristes musulmans visaient à réglementer le comportement de l’armée pendant les combats sur le champ de à l’époque des guerres primitives qui opposaient l’armée musulmane et ses ennemis du vivant du Prophète. Ces dispositions imposent par ailleurs des restrictions aux opérations militaires, bien que les armées ennemies n’étaient pas tenues de respecter les mêmes règles et n’avaient signé aucun accord les y obligeant.

Protection des biens

Il ressort clairement de l’étude des guerres qui ont eu lieu entre les musulmans et leurs ennemis du vivant du Prophète et, tel qu’examiné précédemment, des armes et méthodes de guerre autorisées, que selon l’islam, la guerre n’est pas une foire d’empoigne aveugle où il est possible de s’attaquer à n’importe qui ou à n’importe quoi. L’usage de la force militaire n’est autorisé que si la nécessité militaire l’exige et la destruction gratuite des biens de l’ennemi n’est pas couverte par cette exception ; en revanche, cet acte constitue un crime de « al-fasād (destruction sur la terre) ». Cette position fut défendue par l’imam al-Awzāʻı̄ (mort en 774), qui affirmait : « il est interdit aux musulmans de commettre quelque sorte de takhrīb, destruction gratuite que ce soit [au cours des hostilités] sur des territoires ennemis, car cela constitue un fasād et que Dieu n’aime pas le fasād » et se fondait sur ce verset du Coran : « dès qu’il tourne le dos, il parcourt la terre pour y semer le désordre et saccager culture et bétail33  ». C’est parce que, selon la vision islamique du monde, tout en ce monde appartient à Dieu, que les êtres humains, qui sont ses vicaires sur terre, ont la responsabilité de protéger Ses biens et de contribuer à la civilisation humaine.

De plus, non seulement le droit islamique impose de protéger les biens civils pendant les opérations militaires, mais il dispose également que même lorsque ce sont des objectifs militaires qui sont visés, le seul but est de forcer l’ennemi à se rendre ou à cesser les combats et non de détruire ou de saboter les biens de l’ennemi. C’est sur ce fondement que la plupart des juristes musulmans autorisent la destruction de biens ennemis si la nécessité militaire l’exige34 . Il convient également de relever que certains juristes comme al-Shāfiʻı̄ (mort en 820) et Ibn Ḥazm (mort en 1064) distinguaient entre les biens inertes et les biens vivants comme les chevaux, le bétail et les abeilles et décidèrent que le fait d’infliger des dommages à des biens vivants, comme du bétail, pour une raison autre que la nourriture équivalait à un acte de torture, ce qui est interdit par l’islam35 . Néanmoins, les juristes autorisèrent de prendre des chevaux ennemis pour cible lorsque les guerriers ennemis combattaient à cheval, car alors, le cheval était utilisé comme matériel militaire36 . Toutes ces dispositions sont conformes au paragraphe 4 de l’article 51 du PA I, qui interdit les attaques sans discrimination, lesquelles sont ainsi définies :

a) des attaques qui ne sont pas dirigées contre un objectif militaire déterminé ;

b) des attaques dans lesquelles on utilise des méthodes ou moyens de combat qui ne peuvent pas être dirigés contre un objectif militaire déterminé ; ou

c) des attaques dans lesquelles on utilise des méthodes ou moyens de combats dont les effets ne peuvent pas être limités comme le prescrit le présent Protocole ;

et qui sont, en conséquence, dans chacun de ces cas, propres à frapper indistinctement des objectifs militaires et des personnes civiles ou des biens de caractère civil37 .

Selon le paragraphe 2 de l’article 52, les objectifs militaires sont limités aux « biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l’action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l’occurrence un avantage militaire précis38  ».

Interdiction de mutiler l’ennemi

Parmi les nombreux hadiths du Prophète qui interdisent de mutiler l’ennemi, on peut citer le suivant : « Ne pillez pas, ne trahissez pas et ne mutilez pas [“lā taghlū wa lā taghdurū wa lā tumathilū”]39  ». Ces trois interdictions expriment le principe d’humanité pendant les conflits armés. La première d’entre elles, ghulūl (pillage), renvoie aux situations dans lesquelles un combattant prend ou vole une partie du butin de guerre avant qu’il soit réparti, ou qu’il s’attribue une partie du butin sans le remettre au chef de l’armée pour qu’il le répartisse. La mise au point de règles et de restrictions à propos des biens de l’ennemi montre qu’il n’était tout simplement pas permis de s’en emparer librement. Même les denrées alimentaires et la nourriture pour le bétail étaient réglementées. Dans les cas où les batailles s’éternisaient et où il était à la fois impossible de transporter suffisamment de nourriture sur le champ de bataille et difficile d’acheter des provisions à l’ennemi, les juristes décidèrent que, si la nécessité militaire l’exigeait, les soldats pouvaient prendre à l’ennemi autant de provisions que nécessaire pour se nourrir et nourrir leurs animaux, à condition de ne pas prendre plus que la quantité nécessaire40 . Bien qu’à l’époque, la coutume voulait que les biens de l’ennemi soient répartis entre les vainqueurs, ces règles strictes sur la manière de prendre possession des biens de l’ennemi, interdisent le vol de ses biens mobiliers, en particulier dans le cas de soldats musulmans qui, de nos jours, éprouvent de la componction.

Si l’interdiction du ghadr (perfidie, traîtrise) par l’islam oblige les musulmans à respecter les contrats et accords qu’ils avaient conclus, cela ne veut pas dire que les ruses sont interdites en temps de guerre, le Prophète ayant affirmé que « la guerre est une ruse41  ». On retrouve ce même concept à l’article 37 du PA I qui interdit la perfidie, mais qui autorise les ruses de guerre comme « l’usage de camouflages, de leurres, d’opérations simulées et de faux renseignements42  ».

Quant aux dispositions du droit islamique qui interdisent la mutilation des corps des ennemis, elles témoignent du respect de la dignité et de l’humanité, étant donné que même si les deux camps sont en guerre et tentent de s’entretuer, l’ennemi n’en est pas moins un être humain honoré par Dieu, comme l’affirme le Coran : « Nous avons honoré les fils d’Adam43  ». Le Prophète a également ordonné aux musulmans d’éviter de blesser l’ennemi au visage pendant le combat44 , par respect de la personne humaine et pour protéger la dignité que Dieu leur a conférée conformément au verset susmentionné. De plus, l’islam interdit la torture et la mutilation des animaux, au motif que le Prophète avait même interdit la mutilation du corps d’un al-kalb al-ʻaqūr (chien enragé45 ).

La dignité humaine impose de respecter non seulement le corps des vivants, mais aussi celui des morts. C’est pourquoi l’islam interdit la mutilation des corps des ennemis et exige au contraire de les restituer à l’ennemi ou, si ce n’est pas possible, de les enterrer. Lors de la bataille de Badr en 624 après J.-C., la première bataille dans l’histoire de l’islam, les musulmans ont enterré les corps de tous les ennemis qui avaient été tués46 . D’après le récit de Yaʻlā ibn Murrah :

J’ai fait route plus d’une fois avec le Prophète (que la paix soit avec lui) et je ne l’ai pas vu laisser un seul corps derrière lui ; chaque fois qu’il voyait un corps sur sa route, il ordonnait qu’il soit enterré, sans demander s’il s’agissait d’un musulman ou d’un non-croyant47 .

Par ailleurs, pendant la bataille de la Tranchée en 627 après J.-C., quand les ennemis des musulmans ont demandé la restitution de la dépouille de Nawfal ibn ʻAbd Allah ibn al-Mughīrah en échange de 10 000 dirhams, le Prophète ordonna la restitution du corps et refusa de prendre l’argent qui lui était proposé48 . Les musulmans veillaient à ce que les corps des ennemis soient enterrés non seulement pour respecter l’humanité et préserver la dignité des morts, mais aussi pour éviter qu’ils ne se décomposent à l’air libre49 . C’est pourquoi Ibn Hazm (mort en 1064) donna l’ordre aux musulmans d’enterrer le corps de leurs ennemis décédés car, s’ils ne le faisaient pas, les corps finiraient par se décomposer ou seraient dévorés par des animaux prédateurs, ce qui équivaudrait à une mutilation, interdite par l’islam50 . L’article 17 de la Première Convention de Genève (CG I) dispose également que les parties à un conflit doivent d’abord procéder à un examen médical des corps en vue d’établir l’identité des morts, puis de les enterrer, si possible selon les rites de la religion à laquelle ils appartenaient.

Il est également intéressant de relever que lors des guerres entre les Perses aux Romains, il était courant de brandir la tête des commandants de l’armée ennemie au bout d’une pique pour marquer la victoire sur l’ennemi et s’en vanter51 . Selon les recueils de jurisprudence islamique, lorsque la tête du commandant de l’armée levantine Yannāq al-Bitṛīq fut apportée à Abū Bakr (mort en 634), celui-ci devint fou de rage et condamna cet acte qu’il qualifia d’abominable et de sunnah al-ʻajam (pratique utilisée par les non-musulmans, littéralement les étrangers). Lorsqu’on lui dit qu’il s’agissait d’un acte à titre de réciprocité parce que l’ennemi avait fait la même chose aux musulmans, le calife Abū Bakr répondit d’un ton désapprobateur : « Allons-nous suivre l’exemple des Perses et des Romains ? Ce que nous avons suffit : le livre [le Coran] et les dires [c’est-à-dire la tradition du Prophète] [traduction CICR]52 ». Par ces dires, il confirme l’idée mentionnée ci-dessus selon laquelle les lois de l’islam sont contraignantes, indépendamment de la conduite de l’ennemi et que la réciprocité ne justifie aucun acte criminel.

Traitement des prisonniers

L’approche islamique du traitement des prisonniers de guerre reprend nombre d’éléments tirés du système juridique islamique et montre qu’il est indispensable de réinterpréter certaines dispositions juridiques pour satisfaire aux exigences de l’ère moderne. La plupart des règles du droit islamique relatives aux prisonniers de guerre (PG) s’inspiraient du traitement qui avait été réservé aux prisonniers lors de pendant la bataille de Badr, dans la deuxième année du calendrier islamique (624 après J.-C.). En outre, l’expression « prisonniers de guerre » n’était employée que pour désigner les combattants masculins, car selon la coutume en vigueur à l’époque, les femmes et les enfants capturés étaient réduits en esclavage ou échangés contre des prisonniers musulmans. Lors de la bataille de Badr, les musulmans avaient réussi à capturer soixante-dix combattants ennemis ; cela posait un défi pour l’État islamique naissant qui n’avait pas encore établi de législation sur le statut juridique des PG. Le Prophète consulta alors ses Compagnons sur cette question. Pour trouver une solution à la difficulté supplémentaire de fournir un abri aux soixante-dix prisonniers, puisqu’aucun endroit n’avait été prévu à cette fin, certains prisonniers furent gardés dans la mosquée et les autres furent répartis dans les maisons des Compagnons du Prophète. Celui-ci ordonna que les prisonniers soient bien traités en ces termes : « Veillez à bien traiter les prisonniers53  ».

Pour établir le droit islamique sur les prisonniers de guerre, les juristes se sont référés à ces deux versets du Coran, ainsi qu’à la sunna du Prophète. Le premier verset indique : « Lorsque vous rencontrez au combat ceux qui ont mécru, frappez-en les cous. Puis, quand vous les avez dominés, enchaînez-les solidement. Ensuite, c’est soit la libération gratuite, soit la rançon, jusqu’à ce que la guerre dépose ses fardeaux54  ». Le second indique : « Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade55  ». Comme ce second verset ne porte pas spécifiquement sur les prisonniers, les juristes se divisèrent en trois camps sur le droit islamique applicable aux prisonniers de guerre. Le premier camp rassemblait Ibn ʻAbbās (mort en 668), ʻAbd Allah ibn ʻUmar (mort en 693), al-Ḥasan al-Baṣrı̄ (mort en 728) et Saʻıd̄ ibn Jubayr (mort en 714), qui soutenaient que le droit islamique relatif aux prisonniers exigeait de les libérer en leur accordant une « grâce » ou en contrepartie d’une « rançon », conformément au premier verset56 . Le deuxième camp, composé d’une partie des juristes hanafites, préconisait de reconnaître au chef de l’État le droit d’exécuter les prisonniers ou de les réduire en esclavage, selon ce qui servait le mieux l’intérêt public, tandis que Al-Shaybānī, l’un des principaux juristes hanafites, estimait qu’il était permis d’échanger les prisonniers ennemis. Selon les autres juristes hanafites, le chef de l’État avait le droit de libérer les prisonniers, tant qu’ils restaient dans l’État islamique et qu’ils payaient la jizya (impôt prélevé pour exempter les hommes éligibles à la conscription). D’après ces juristes hanafites, les prisonniers ne devaient pas être autorisés à rentrer dans leur pays, car ils renforceraient l’ennemi57 . Selon le troisième camp, composé de la majorité des juristes musulmans, dont les chafiites, les malékites et les hanbalites, ainsi que al-Awzāʻı̄ (mort en 774) et Sufyān al-Thawrı̄ (mort en 778), le chef de l’État avait le droit de choisir l’une des quatre solutions suivantes, en fonction de celle qui, selon lui, servait le mieux l’intérêt public : exécuter quelques-uns des prisonniers ou les exécuter tous ; les réduire en esclavage ; les libérer ; ou les échanger contre des prisonniers musulmans. Par ailleurs, comme certains hanafites, les malékites estimaient que les prisonniers pouvaient rester dans l’État islamique tant qu’ils payaient la jizya58 .

Il convient ici de relever qu’en principe, la licéité d’exécuter des prisonniers, telle que défendue par certains juristes dans les cas où elle servirait l’intérêt des musulmans, puise son origine dans l’exécution de seulement trois PG ennemis du vivant du Prophète, à savoir : al-Naḍir ibn al-Hārith et Uqbah ibn Muʻayṭat, lors de la bataille de Badr en mars 624 après J.-C.59 et Abū ʻAzzah al-Jumaḥı̄ lors de la bataille d’Uhud en mars 625 après J.-C. Selon des récits historiques de l’islam, Abū ʻAzzah fut d’abord fait prisonnier lors de la bataille de Badr, puis en réponse à sa demande de libération et parce qu’il était un homme pauvre avec une famille nombreuse, le Prophète le libéra à condition qu’il ne combatte plus jamais les musulmans, mais lorsqu’il fut capturé une deuxième fois l’année suivante lors de la bataille d’Uhud, il fut exécuté60 . Quelle que soit l’authenticité de ces récits et que ces prisonniers aient été tués au cours des hostilités ou après avoir été capturés, il est clair que ces trois personnes furent traitées différemment des autres prisonniers en raison des crimes qu’elles avaient commis contre des musulmans à la Mecque avant de fuir à Médine et pas uniquement parce qu’elles étaient PG, sans quoi tous les autres prisonniers capturés au cours de cette bataille ou d’autres guerres, auraient également été tués61 .

Ces règles contradictoires à propos du traitement des prisonniers posent manifestement un problème à quiconque souhaite les appliquer à l’ère moderne, pour la simple raison qu’il faut s’interroger sur la question de savoir si ces lois expriment véritablement l’islam. En d’autres termes, laquelle de ces dispositions est la plus conforme à la maṣlaḥah (l’intérêt public) qui constitue le fondement des autres dispositions établies par les juristes ?

Le droit islamique garantit le traitement humain des prisonniers, comme le montre clairement le fait que les prisonniers furent répartis dans les maisons des Compagnons du Prophète et que ceux-ci avaient reçu l’instruction de bien les traiter62 . Aucune prison ni aucun camp n’avait encore été construit pour abriter les prisonniers et il n’aurait pas été possible, par exemple, d’attacher les prisonniers et de les laisser dehors, car cela aurait pu les exposer à des dangers. La biographie (sīrah) du Prophète atteste que les prisonniers furent traités avec humanité lors de la bataille de Badr63 , ce qui constitua ensuite le socle général des règles relatives aux PG dans l’islam. Ces règles sont par ailleurs conformes aux obligations prévues par la Troisième Convention de Genève (CG III), comme l’obligation de fournir un abri aux prisonniers, de la nourriture et des vêtements, de maintenir les liens familiaux ou l’interdiction de torturer les prisonniers pour obtenir des renseignements militaires.

Le fait que ceux qui furent prisonniers lors de la bataille de Badr, aient été logés dans la mosquée et chez les Compagnons, montre qu’il était nécessaire de les protéger de tout danger. En ce qui concerne la nourriture, certains des prisonniers de la bataille de Badr ont relaté que les musulmans leur avaient donné les meilleurs aliments qu’ils avaient, allant même jusqu’à faire passer les besoins des prisonniers avant les leurs, afin d’obéir au Prophète qui leur avait donné pour instruction de bien traiter les prisonniers. Selon  le récit d’Abū Azız̄ ibn ʻUmayr, traduit par A. Guillaume :

J’étais avec plusieurs Anṣār lorsqu’ils [les musulmans qui nous avaient faits prisonniers] m’amenèrent depuis Badr et lorsqu’ils prirent leur repas du matin et du soir, ils me donnèrent le pain et mangèrent eux-mêmes les dattes, conformément aux ordres que l’apôtre avait donnés à notre sujet. S’ils avaient un morceau de pain, ils me le donnaient. J’avais honte et je rendis le pain à l’un d’eux, mais il me le redonna sans y avoir touché64 .

Ce traitement altruiste des PG ennemis, consistant à ce que ceux qui les avaient capturés les nourrissent bien malgré leur propre faim, est décrit dans le Coran en ces termes : « Et ils offrent [leur propre] nourriture, malgré son amour [également interprété comme « en raison de leur amour pour Dieu »], au pauvre, à l’orphelin et au prisonnier65  ». Selon divers récits historiques, lorsque Ṣalāh al-Dın̄ al-Ayyūbı̄ (mort en 1193) se trouva dans l’incapacité de nourrir le grand nombre de prisonniers qu’il avait capturés en reprenant la mosquée Al-Aqsā, il n’eut pas d’autre choix que de les libérer66 . En ce qui concerne les vêtements, Jābir ibn ʻAbdullah cite le passage suivant de Ṣaḥı̄ḥ al-Bukhārı̄ :

Le jour de la bataille de Badr, les prisonniers de guerre furent emmenés, y compris Al-ʻAbbās, qui était dévêtu. Le prophète chercha une chemise pour lui. Il vit que la chemise d’ʻAbdullah ibn Ubaı̄ lui irait, alors le Prophète le laissa la porter67 .

S’agissant du maintien des liens entre les prisonniers et leur famille, l’islam interdit de séparer les membres d’une même famille, à savoir les parents, les grands-parents et les enfants68 .

Il convient également de noter que l’islam interdit de torturer des prisonniers pour obtenir des renseignements militaires sur l’ennemi. Lorsqu’on demanda à l’Imām Mālik (mort en 795) : « Est-il possible de torturer un prisonnier de guerre pour obtenir des renseignements militaires sur l’ennemi ? », il répondit : « Je n’en ai pas entendu parler69  ». Sa réponse succincte indique clairement à quel point cette question lui semblait étrange et montre que l’idée même de discuter de la licéité de torturer des prisonniers, y compris pour obtenir des renseignements militaires, ne venait même pas à l’esprit des musulmans et n’avait jamais été examinée par les juristes islamiques. L’article 17 de la CG III dispose :

Aucune torture physique ou morale ni aucune contrainte ne pourra être exercée sur les prisonniers de guerre pour obtenir d’eux des renseignements de quelque sorte que ce soit. Les prisonniers qui refuseront de répondre ne pourront être ni menacés, ni insultés, ni exposés à des désagréments ou désavantages de quelque nature que ce soit70 .

Quartier et sauf-conduit

Le système islamique de l’amān (littéralement, la protection, la sécurité) recouvre deux principaux dispositifs de protection. Le premier est le sauf-conduit, qui s’entend de la protection accordée à tout ressortissant non musulman d’un État ennemi qui souhaite se rendre dans l’État islamique concerné pour un séjour temporaire, à des fins pacifiques, telles que le commerce, l’éducation ou le tourisme. À cet égard, le système de l’amān s’apparente aux visas d’entrée et aux titres de séjour temporaire dans les pays étrangers, en ce sens qu’il permet à son titulaire d’entrer légalement dans un pays étranger, avec l’autorisation des autorités compétentes et qu’il est assorti de certains droits. Quoi qu’il en soit, en résumé, ce qui importe ici c’est qu’une personne qui est en possession de ce type d’amān ne peut pas être attaquée. Qui plus est, elle ne peut pas être poursuivie pour un crime, quel qu’il soit, commis en dehors de l’État islamique, même pour avoir tué un musulman. Cela vient du fait que l’État islamique n’est pas compétent pour connaître des crimes commis par des non-musulmans en dehors de ses frontières71 . À ce propos, il convient de relever que les ambassadeurs et les émissaires d’États étrangers bénéficient automatiquement, en vertu de la nature de leurs fonctions, du système de l’amān. Ce système de l’amān, qui était déjà pratiqué dans la période préislamique et que l’islam a conservé, est un contrat contraignant et qui ne peut pas être révoqué par l’État islamique. Pour autant, les juristes étaient en désaccord sur la question de savoir si l’amān pourrait être révoqué s’il était prouvé que le musta’min (la personne en possession de l’amān) est un espion ; cela étant, dans tous les cas, la personne ne peut pas être attaquée et doit alors être reconduite vers son pays72 .

Le second type d’amān qui correspond au sujet qui nous intéresse ici, à savoir le quartier, est une protection individuelle ou collective accordée aux combattants ennemis au cours des opérations sur le champ de bataille, qui impose aux musulmans d’arrêter le combat contre les personnes ou les groupes, de les protéger et de protéger leurs biens jusqu’à ce qu’ils retournent dans leur pays. Dans ce cas, ils ne sont pas considérés comme des PG et ne peuvent pas être arrêtés. Le quartier est accordé si l’individu exprime de quelque manière que ce soit son intention de cesser le combat et son souhait d’être mis en sécurité, que cette demande soit écrite ou orale, en arabe ou dans une autre langue, explicite ou implicite, ou même par gestes73 . Ce concept est assez semblable au statut de l’ennemi « qui exprime clairement son intention de se rendre » et qui, en DIH, est considéré comme hors de combat conformément à l’article 41 du PA I74 . De plus, les juristes ont tellement étendu l’application de ce type d’amān, qu’exprimer l’intention de se rendre n’est même pas une condition exigée, car l’objectif de l’amān est ḥaqn al-dam (empêcher un bain de sang et protéger la vie75 ). Par exemple, les juristes furent unanimes pour considérer que si un ennemi prétend à tort que l’amān lui a été accordé par un musulman, alors l’amān est valide, même si le musulman n’avait aucune intention de l’accorder76 . Les juristes étaient en désaccord sur la question de savoir s’il était possible d’accorder l’amān après la capture de belligérants ennemis, ou si cela n’était possible qu’avant. Le fait même que les juristes étaient en désaccord sur ce point montre donc que l’amān pourrait être étendu pour s’appliquer aux combattants ennemis même après leur capture. En outre, selon Ibn Qudāmah, le simple fait qu’un ennemi tente de pénétrer en territoire musulman par des moyens non violents lui donne droit à l’amān77 . Cet exemple rappelle la pratique moderne selon laquelle, lorsqu’un ennemi porte un drapeau blanc pendant une bataille en signe de non-violence, il ne peut pas être attaqué. En pratique, cela signifie qu’aucun dommage ne peut être causé à un belligérant ennemi qui a déposé les armes et qui est entré en territoire musulman et qu’au contraire, il doit être protégé jusqu’à ce qu’il retourne dans son pays. Ces quelques exemples des nombreux points examinés par les juristes, mettent clairement en évidence le caractère sacré du sang et de la propriété de l’ennemi et montrent non seulement que l’islam n’autorise pas les attaques contre les ennemis sauf pendant les combats, mais aussi que si un combattant ennemi cesse de combattre et exprime le souhait d’être protégé selon le système de l’amān, le droit islamique dispose qu’il doit être protégé pour éviter les effusions de sang et limiter les souffrances et les destructions dues aux guerres.

Gestion des dépouilles mortelles

La dignité humaine est un droit divin78 et cette dignité doit être protégée, que la personne soit vivante ou morte. Tel que mentionné précédemment, le prophète Mahomet ordonna aux musulmans de ne pas s’attaquer délibérément au visage des combattants ennemis, par respect pour leur dignité humaine. Le droit islamique classique réglementait la gestion des dépouilles mortelles de musulmans pour des raisons religieuses évidentes, que ce soit en temps normal, lors de catastrophes naturelles ou de conflits armés. Les règles ne sont pas les mêmes selon que les musulmans décèdent d’une mort naturelle ou que ce sont des martyrs qui sont tués lors d’un un conflit armé : dans la tradition islamique, en raison de leur statut, les martyrs doivent être enterrés sans les ablutions rituelles, sans linceul ni même d’oraison funèbre pour glorifier leurs sacrifices. Les cimetières doivent être respectés ; les questions relatives à l’exhumation des corps, aux fosses communes en cas de nécessité (notamment en cas de catastrophe naturelle ou de conflit armé) et aux sépultures en mer furent réglementées par les juristes musulmans classiques. Selon l’islam, chaque corps doit être enterré dans une tombe individuelle sauf si cela est absolument impossible, comme lors d’une catastrophe naturelle ou d’un conflit armé. Selon la tradition du prophète Mahomet, les musulmans doivent restituer à la partie adverse les dépouilles des ennemis tués et si cette partie ne les prend pas ou ne les inhume pas, l’armée musulmane est alors tenue de le faire elle‑même. Cela tient au fait, comme exposé ci-dessus, que si les musulmans n’enterrent pas les corps de leurs ennemis tués, les corps se décomposeront ou seront dévorés par des bêtes sauvages, ce qui équivaudrait, selon le juriste andalou Ibn Hazm (mort en 1064), à une mutilation. Par conséquent, conformément à l’article 17 de la CG I et à la règle 112 de l’Étude du CICR sur le droit coutumier79 , le prophète Mahomet avait coutume d’enterrer les corps des morts sans aucune distinction de caractère défavorable80 .

Le droit islamique de la guerre, entre théorie et pratique

Face aux violations graves du DIH et du droit islamique commises dans des pays musulmans, il est nécessaire d’analyser les causes expliquant le comportement des auteurs de ces violations et de veiller à ce qu’une série de mesures appropriées soient prises par toutes les parties concernées, y compris les érudits musulmans, les États et les organisations issues de la société civile. Quelques-unes des principales causes de ces violations sont exposées ci‑après.

La première tient à l’écart considérable entre la théorie et la pratique. En effet, le droit islamique de la guerre se présentait sous la forme d’une jurisprudence élaborée par des juristes musulmans classiques qui ne fut pas codifiée par l’État islamique de la même manière que l’ont été de nombreux autres domaines du droit islamique au fil des ans. Bien que le respect du droit islamique soit avant tout fondé sur la volonté du musulman d’obéir à Dieu, aucune règle n’a été établie pour le mettre en œuvre ou pour prévoir des sanctions lorsqu’il n’était pas respecté.

La deuxième cause réside dans l’insuffisance des travaux de recherche entrepris par les universitaires musulmans modernes dans les domaines du droit islamique qui régissent les affaires de l’État, en particulier en ce qui concerne les systèmes de gouvernance, la guerre et les relations internationales. Cela s’explique par des raisons culturelles et politiques liées à la structure de l’État moderne dans les pays musulmans, qui se sont écartés de la tradition juridique des juristes musulmans classiques pour la remplacer par un système juridique occidental.

La troisième cause est la présence, dans de nombreux pays musulmans, d’organisations de la société civile faibles qui ne contribuent pas à résoudre les problèmes rencontrés par leurs pays. Cela est dû au fait que cette fonction est devenue la prérogative exclusive de l’État, comme en témoigne le fait que les contributions universitaires et les progrès scientifiques réalises par des pays musulmans sont très peu nombreux par rapport à d’autres régions du monde.

Conclusion

Les règles islamiques dans les huit domaines analysés ci-dessus montrent que deux considérations avaient principalement orienté la réflexion des juristes musulmans classiques : premièrement, ne pas mettre en danger la vie des non-combattants ; et, deuxièmement, ne pas détruire les biens de l’ennemi, sauf en cas de nécessité militaire ou de représailles. Ces considérations arrivaient bien sûr, juste après le but principal, à savoir gagner la guerre. Dans la tradition islamique, l’importance du caractère sacré et de l’humanité de l’âme humaine est mise en évidence par les règles qui interdisent d’attaquer les non-combattants, d’employer des armes qui frappent sans discrimination les combattants et les non-combattants, d’attaquer des boucliers humains ou d’attaquer l’ennemi de nuit. De plus, le traitement humain des prisonniers, tel qu’ordonné par le prophète Mahomet et mentionné dans le Coran, souligne la nécessité de préserver la dignité humaine en temps de guerre, concept également mis en évidence par les règles interdisant de s’attaquer au visage d’un ennemi ou de mutiler son corps après sa mort. Le respect de l’ennemi impose par ailleurs de ne pas détruire ses biens au cours des hostilités, sauf en cas de nécessité militaire, un principe qui ressort également des discussions des juristes pour savoir si les animaux des musulmans peuvent manger le fourrage de l’ennemi.

Compte tenu de l’écart considérable entre la théorie de la pratique, les recommandations suivantes constituent quelques-uns des moyens les plus efficaces pour promouvoir le respect du DIH dans les pays musulmans :

Conduire des recherches et des études universitaires sur des aspects du DIH que l’on retrouve en droit islamique. Il pourrait s’agir, par exemple, de favoriser l’enseignement du DIH dans les facultés de droit, dans les écoles militaires et académies de police du monde arabe, tant dans les études de premier cycle que dans les cycles supérieurs.

Analyser des conflits armés contemporains et des défis actuels plutôt que de se focaliser sur les difficultés passées qui ont été traitées par les juristes musulmans classiques. Ce travail devrait être conduit tant par des érudits religieux, des chercheurs, des universitaires et des groupes de réflexion.

Sensibiliser le grand public à la nécessité de procéder à des réformes nécessaires et promouvoir une culture d’égalité et de respect des droits de l’homme, tout en combattant et en sanctionnant les croyances sectaires et idéologiques racistes et extrémistes, ainsi que les opinions qui incitent à la xénophobie. Ces initiatives doivent être déployées à tous les niveaux de la société, y compris dans les établissements d’enseignement primaire, les institutions religieuses et les médias.

En conclusion, de nombreuses violations du DIH ne se produiraient plus si les peuples vivaient conformément aux paroles de l’imam ʻAlı̄ ibn Abı̄ Ṭālib, qui a dit : « Il existe deux types de personnes : vos frères dans la religion ou vos pairs dans l’humanité [traduction CICR]81  ».

 

  • 1Nations unies, « Secretary-General’s Opening Remarks at World Humanitarian Summit », 23 mai 2016, disponible sur : www.un.org/sg/en/content/sg/statement/2016-05-23/secretary-general%E2%8… (toutes les références Internet ont été vérifiées en juin 2023).
  • 2CICR, « Niger : le droit international humanitaire et le droit islamique au cœur des discussions entre universitaires et leaders religieux », communiqué de presse, 25 novembre 2015, disponible sur : www.icrc.org/fr/document/niger-le-droit-international-humanitaire-et-le….
  • 3CICR, « Egypt: Continuous Humanitarian Dialogue between the ICRC and Al-Azhar », communiqué de presse, 24 octobre 2017, disponible sur : www.icrc.org/en/document/egypt-grand-imam-dr-ahmed-al-tayyeb-al-azhar-w….
  • 4Voir Ṣubḥı̄ al-Ṣāliḥ, Maʻālim al-Sharīʻah al-Islāmiyyah, Dār al-ʻIlm lil-Malāyīn, Beyrouth, 1975, p. 62.
  • 5Note de la rédaction : aux fins du présent article, l’expression « État islamique » renvoie à l’État fondé par les musulmans au septième siècle.
  • 6Voir Muḥammad ibn Aḥmad al-Sarakhsī, Kitāb al-Mabsūt, vol. 10, Dār al-Maʻrifah, Beyrouth, p. 2.
  • 7Voir Ahmed Al-Dawoody, The Islamic Law of War: Justifications and Regulations, Palgrave Macmillan, New York, 2011, pp. 11-41.
  • 8Comme nous le verrons plus loin, les juristes ont adopté des décisions contradictoires à propos de la possibilité, par exemple, de prendre pour cible des femmes, des enfants ou des personnes âgées s’ils participent aux hostilités et de l’emploi de certaines méthodes et de certains moyens de guerre.
  • 9Rudolph Peters, Jihad in Classical and Modern Islam, Markus Wiener, Princeton, NJ, 1996, p. 119 ; Khaled Abou El Fadl, « The Rules of Killing at War: An Inquiry into Classical Sources », The Muslim World, vol. 89, n° 2, 1999, p. 150 ; Khaled Abou El Fadl, « Islam and the Theology of Power », Middle East Report, n° 221, hiver 2001, p. 30 ; Ann Elizabeth Mayer, « War and Peace in the Islamic Tradition and International Law », in John Kelsay et James Turner Johnson (dir.), Just War and Jihad: Historical and Theoritical Perspectives on War and Peace in Western and Islamic Traditions, Greenwood Press, Westport, CT, 1991, p. 197 ; Sohail H. Hashmi « Saving and Taking Life in War: Three Modern Muslim Views », The Muslim World, vol. 89, n° 2, 1999, p. 158.
  • 10Voir L.C. Green, The Contemporary Law of Armed Conflict, Manchester University Press, Manchester, 1993, p. 18 et s.
  • 11Pour de plus amples informations, voir A. Al-Dawoody, op. cit. note 7, pp. 149-183 ; Ahmed Al-Dawoody, « Al-Sharakhsī’s Contribution to the Islamic Law of War », UCLA Journal of Islamic and Near Eastern Law, vol. 14, n° 1, 2015, pp. 37-43.
  • 12Coran 2:190.
  • 13Muhammad Ibn ʻUmar al-Rāzī, Tafsīr al-Fakhr al-Rāzī: Al-Mushtahar bi-al-Tafsīr al-Kabīr wa-Mafātīh ạl-Ghayb, vol. 5, Dār al-Fikr, 1981, p. 138.
  • 14Aḥmad ʻAbd al-Raḥmān al-Bannā al-Sāʻatī, Badā’iʻ al-Manan fi Jamiʻ wa Tartīb Musannad al-Shafiʻi wa al-Sanan: Mudhayla bi-al-Qawl al-Ḥasan Sharaḥ Badā’iʻ al-Manan, 2e éd., vol. 2, Maktabah al-Furqān, Le Caire, 1983, p. 12.
  • 15Sadīq ibn Ḥasan ibn ʻAli al-Ḥusseini al-Qannūji al-Bukhārı̄ Abū al-Ṭayyib, Al-Rawḍah al-Nadiyyah Sharaḥ al-Durar al-Munīryyah, vol. 2, Idārah al-Ṭibāʻah al-Munīrīyah, Le Caire, p. 339.
  • 16Ibid.
  • 17Abdullah ibn Abı̄ Shaybah, Al-Kitāb al-Musạnnaf fı̄ al-Aḥādīth wa al-Āthār, vol. 6, Dār al-Kutub al-ʻIlmiyyah, Beyrouth, 1995, p. 478.
  • 18Aḥmed ibn al-Ḥussein ibn ʻAli al-Bayhaqī, Al-Sunan al-Kubrā, 2e éd., vol. 9, Dār al-Kutub al-ʻIlmiyyah, Beyrouth, 2003, p. 155.
  • 19Voir Wahbah al-Zuḥaylī, Mawsūʻah al-Fiqh al-Islāmı̄ wa al-Qaḍāyā al-Muʻāsịrah, vol. 7, Dār al-Fikr, Damas, 2010, p. 511.
  • 20Pour de plus amples informations sur le principe de distinction entre combattants et non-combattants, voir Ameur Zemmali, Islam and International Humanitarian Law: Principles on the Conduct of Military Operations, 4e éd., CICR, 2010, pp. 162-163.
  • 21Protocole additionnel I aux Conventions de Genève du 12 août 1949, RTNU, vol. 1125, 8 juin 1977 (entré en vigueur le 7 décembre 1978), art. 48, disponible sur : https://ihl-databases.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/Treaty.xsp?documentId….
  • 22Voir Aḥmad al-Dardīr, Al-Sharḥ al-Kabīr, Muḥammad ʻAllīsh (dir.), vol. 2, Dār al-Fikr, Beyrouth, p. 176 ; Aḥmad ibn Idrīs al-Qarāfī, Al-Dhakhīrah, Muḥammad Būkhubzah (dir.), vol. 3, Dār al-Gharb al-Islāmī, Beyrouth, 1994, p. 399 ; Muḥammad ibn Jarīr al-Ṭabarī, Kitāb al-Jihād wa Kitāb al-Jizyah wa Aḥkām al-Muḥāribīn min Kitāb Ikhtilāf al-Fuqahā’ li-Abı̄ Jaʻfar Muḥammad Ibn Jarīr al-Ṭabarī, Joseph Schacht (dir.), Brill, Leiden, 1933, p. 9 ; ʻAlāʻ al-Dīn al-Samarqandī, Tuḥfah al-Fuqahā’, vol. 3, Dār al-Kutub al-ʻIlmiyyah, Beyrouth, 1984, p. 295 ; ʻAbd al-ʻAzız̄ Ṣaqr, ʻAl-ʻAlāqāt al-Dawliyyah fı̄ al-Islām Waqt al-Ḥarb: Dirāsah lil-Qawāʻid al-Munaz˙z˙imah li-Sayr al-Qitāl, Mashrūʻ al-ʻAlāqāt al-Dawliyyah fı̄ al-Islām, n° 6, Al-Maʻhad al-ʻĀlamı̄ lil-Fikr al-Islāmī, Le Caire, 1996, pp. 46–48 ; al-Shaykh Niz˙ām al-Dīn al-Balkhı̄ et al., Al-Fatāwā al-Hindiyyah: Fı̄ Madhhab al-Imām al-Aʻz˙am Abı̄ Ḥanıf̄ah al-Nuʻmān, vol. 2, Dār al-Fikr, 1991, p. 194.
  • 23Voir Muḥammad ibn Ismāʻīl al-Ṣanaʻānī, Subul al-Salām: Sharḥ Bulūgh al-Marām min Adillah al-Aḥkām, Muḥammad ʻAbd al-ʻAzīz al-Khūlī (dir.), 4e éd., vol. 4, Iḥyā’ al-Turāth al-ʻArabī, Beyrouth, 1959, p. 50 ; Ibrāhım̄ ibn ʻAlı̄ ibn Yūsuf al-Shirāzī, Al-Muhadhdhab: Fı̄ Fiqh al-Imām al-Shāfiʻī, Zakariyyā ʻImır̄at (dir.), vol. 3, Dār al-Kutub al-ʻIlmiyyah, Beyrouth, 1995, pp. 277 et suiv. ; Muḥyı̄ al-Dīn ibn Sharaf al-Nawawī, Al-Majmūʻ: Sharḥ al-Muhadhdhab, Maḥmūd Matṛajī (dir.), vol. 21, Dār al-Fikr, Beyrouth, 2000, p. 55 ; Wahbah al-Zuḥaylī, Al-ʻAlāqāt al-Dawliyyah fı̄ al-Islam: Muqāranah bi-al-Qānūn al-Dawlı̄ al-Ḥadīth, Mu’assasah al-Risālah, Beyrouth, 1981, p. 71 ; A. Al‑Dawoody, op. cit. note 7, pp. 112-114.
  • 24Sohail Hashmi, « Islamic Ethics and Weapons of Mass Destruction: An Argument for Nonproliferation », in Sohail H. Hashmi et Steven P. Lee (dir), Ethics and Weapons of Mass Destruction: Religious and Secular Perspectives, Cambridge University Press, Cambridge, 2004, p. 329 ; Khalīl ibn Isḥāq ibn Musā al-Jundī, Mukhtasạr Khalīl fı̄ Fiqh Imām Dār al-Hijrah, Aḥmad ʻAlı̄ Ḥarakāt (dir), Dār al-Fikr, Beyrouth, 1994, p. 102 ; A. al-Dardīr, op.cit. note 22, p. 178 ; Muḥammad ibn Muḥammad ibn ʻAbd al-Raḥman al-Ḥaṭṭāb, Mawāhib al-Jalīl li-Sharḥ Mukhtasạr Khalīl , 2e éd., vol. 3, Dār al-Fikr, Beyrouth, 1977, p. 352.
  • 25Muḥammad ibn al-Ḥassan al-Shaybānī, Sharḥ Kitāb al-Siyar al-Kabīr, commentaire par Muḥammad ibn Aḥmad al-Sarakhsī, Abı̄ Abdullah Muḥammad Ḥassan Muḥammad Hassan Ismāʻil al-Shafiʻī (dir), vol. 4, Dār al-Kutub al-ʻIlmiyyah, Beyrouth, 1997, p. 277.
  • 26Voir Muḥammad ibn Idrīs al-Shāfiʻī, Al-Umm, 2e éd., vol. 4, Dār al-Maʻrifah, Beyrouth, 1973, pp. 243, 257 ; S. Hashmi, op.cit. note 24, p. 328 ; A. al-Qarāfī, op. cit. note 22, pp. 208 et s. ; M. al-Shaybānī, op. cit. note 25, vol. 4, p. 154 ; A. Al-Dawoody, op. cit. note 7, pp. 122-126.
  • 27M. al-Nawawī, op. cit. note 23, p. 59 ; I. al-Shirāzī, op. cit. note 23, p. 278 ; Najīb al-Armanāzī, Al-Sharʻ al-Dawlı̄ fı̄ al-Islām, 2e éd., Riad El-Rayyes Books, Londres, 1990 (première édition en 1930), p. 124.
  • 28Alı̄ ibn Muḥammad ibn Ḥabīb al-Māwardī, Kitāb al-Aḥkām al-Sulṭāniyyah wa al-Wilāyāt al-Dīniyyah, Aḥmad Mubārak al-Baghdādī (dir.), Maktabah Dār ibn Qutaybah, Koweït, 1989, p. 57; I. al-Shirāzī, op. cit. note 23, p. 278.
  • 29Muḥammad ibn Aḥmad al-Anṣārı̄ al-Qurṭubī, Al-Jāmiʻ li-Aḥkām al-Qur’ān, vol. 16, Dār al-Shaʻb, Le Caire, p. 287 et s.
  • 30Coran 48:25. Voir N. al-Armanāzī, op. cit. note 27, p. 124 ; A. Al‑Dawoody, op. cit. note 7, pp. 116-118.
  • 31Voir, par exemple, Hadith 1745 in Muslim ibn al-Ḥajjāj al-Qushayrī, Ṣaḥīh ̣ Muslim, Muḥammad Fū’ād ʻAbd al-Bāqī (dir.), vol. 3, Dār Iḥyā’ al-Turāth al-ʻArabī, Beyrouth, p. 1364 et s.
  • 32Muḥammad ibn ʻAlı̄ ibn Muḥammad al-Shawkānī, Nayl al-Awtār: Min Aḥādīth Sayyid al-Khyār Sharḥ Muntaqā al-Akhbār, vol. 8, Dār al-Jīl , Beyrouth, 1973, p. 71 ; A. Al-Dawoody, op. cit. note 7, pp. 118-119.
  • 33Coran 2:205 ; M. al‑Shaybānī, op. cit. note 25, vol. I, pp. 32-33.
  • 34Muwaffaq al-Dīn ʻAbd Allah ibn Aḥmad ibn Muḥammad ibn Qudāmah, Al-Mughnī, ʻAbd Allah ibn ʻAbd al-Muḥsin al-Turkı̄ et ʻAbd al-Fattaḥ Muḥammad al-Ḥilu (dir.), 3e éd., vol. 9, Dār ʻĀlam al-Kutub, Riyad, 1997, p. 233 et s. ; Muḥammad al-Ghazālī, Al-Wasīt fı̄ al-Madhhab, Aḥmad Maḥmūd Ibrāhīm et Muḥammad Muḥammad Tāmir (dir.), vol. 7, Dār al-Salām, Le Caire, 1997, p. 31 ; M. al-Shawkānī, op. cit. note 32, p. 74 ; I. al-Shirāzī, op. cit. note 23, p. 279 ; ʻA. al-Māwardī, op. cit. note 28, p. 71 ; Muḥammad ibn Abı̄ Bakr ibn Qayyim al-Jawziyyah, Jāmiʻ al-Fiqh, Yusrı̄ al-Sayyid Muḥammad (dir.), vol. 4, Dār al-Wafā’, Al-Mansūrah, 2000, p. 97 ; M. al-Nawawī, op. cit. note 23, p. 60 et s.
  • 35M. al-Shāfiʻī, op. cit. note 26, pp. 257, 259, 287 ; ʻAlı̄ ibn Aḥmad ibn Saʻīd ibn Ḥazm, Al-Muḥallā, vol. 7, Dār al-Āfāq al-Jadīdah, Beyrouth, p. 294.
  • 36En ce qui concerne la protection des biens en général, voir A. Al-Dawoody, op. cit. note 7, pp. 126-129.
  • 37PA I, art. 51, par. 4. Voir également Première Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne du 12 août 1949, RTNU, vol. 75 (entrée en vigueur le 21 octobre 1950) (CG I), art. 50 ; Deuxième Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer du 12 août 1949, RTNU, vol. 75 (entrée en vigueur le 21 octobre 1950) (CG II), art. 51.
  • 38PA I, art. 52, par. 2.
  • 39Mālik ibn Anas, Al-Muwaṭṭa’, Muḥammad Fū’ād ʻAbd al-Bāqī (dir.), vol. 2, Dār Iḥyā’ al-Turāth al-ʻArabī, Beyrouth, 1985, p. 448.
  • 40M. al-Nawawī, op. cit. note 23, p. 109 ; M. al-Shawkānī, op. cit. note 32, p. 131.
  • 41Muḥammad bin Ismaʻil al-Bukhārī, Sahīḥ ̣ al-Bukhārī, Bayt al-Afkār al-Dawliyyah lil-Nashr, Riyad, 1998, p. 579.
  • 42PA I, art. 37.
  • 43Coran 17:70.
  • 44Voir hadith 2458 in Muḥammad ibn Fattūḥ al-Ḥumaydī, Al-Jamʻ bayn al-Ṣaḥīḥayn al-Bukhārı̄ wa Muslim, ʻAlı̄ Ḥusayn al-Bawwāb (dir.), 2e éd., vol. 3, Dār ibn Ḥazm, Beyrouth, 2002, p. 210 et s. ; Sobhi Mahmassani, « The Principles of International Law in the Light of Islamic Doctrine », Recueil des Cours, vol. 117, 1966, p. 303 ; A. Al-Dawoody, op. cit. note 7, p. 120.
  • 45M. al-Sarakhsī, op. cit. note 6, vol. 9, pp. 135, 196 ; vol. 10, pp. 129, 131 ; vol. 16, p. 145 ; vol. 26, p. 145.
  • 46W. al-Zuḥaylī, op. cit. note 19, p. 495.
  • 47Alı̄ ibn ʻUmar al-Dāraqutnī, Sunan al-Dāraqutnī, Shaʻīb al-Arnuʻūd, Ḥassan ʻAbd al-Munaʻm Shalabı̄ et Saʻid al-Laḥām (dir.), vol. 5, Mu’assasah al-Risālah, Beyrouth, 2004, p. 204.
  • 48Aḥmad ibn ʻAlı̄ ibn Hajar al-ʻAsqalānī, Fatḥ al-Bārı̄ Sharḥ Ṣaḥīḥ al-Bukhārī, Muḥyı̄ al-Dın̄ al-Khatīb (dir.), vol. 6, Dār al-Maʻrifah, Beyrouth, p. 283.
  • 49W. al-Zuḥaylī, op. cit. note 19, p. 495.
  • 50A. Ibn ḥazm, op. cit. note 35, vol. 5, p. 117.
  • 51M. al-Shaybānī, op. cit. note 25, vol. 1, p. 79.
  • 52Ibid., vol. 1, p. 79.
  • 53Muḥammad ibn Jarīr al-Ṭabarī, Tārīkh al-Ṭabarī: Tārīkh al-Umam wa al-Mulūk, vol. 2, Dār al-Kutub al-ʻIlmiyyah, Beyrouth, 2001, p. 39.
  • 54Coran 47:4.
  • 55Coran 9:5.
  • 56Yūsuf al-Qaraḍāwī, Fiqh al-Jihād: Dirāsah Muqāranah li-Aḥkāmih wa Falsafatih fı̄ Ḍaw’ al-Qur’ān wa al-Sunnah, vol. 2, Maktabah Wahbah, Le Caire, 2009, p. 854 et s. ; Muḥammad Ḥammīdullāh, Muslim Conduct of State: Being a Treatise on Siyar, That is Islamic Notion of Public International Law, Consisting of the Laws of Peace, War and Neutrality, Together with Precedents from Orthodox Practice and Preceded by a Historical and General Introduction, 5e édition révisée et annotée, Sh. Muhammad Ashraf, Lahore (dir.), 1968, p. 214 ; Lena Salaymeh, « Early Islamic Legal-Historical Precedents: Prisoners of War », Law and History Review, vol. 26, n° 3, 2008, p. 528.
  • 57Voir Abd Allah ibn Maḥmūd ibn Mawdūd, Al-Ikhtiyār li-Taʻlīl al-Mukhtār, Abd al-Latīf Muḥammad ʻAbd al-Raḥman (dir.), 3e éd., vol. 4, Dār al-Kutub al-ʻIlmiyyah, Beyrouth, 2005, p. 133 ; S. Mahmassani, op. cit. note 44, p. 307.
  • 58Voir A. al-Qarāfī, op.cit. note 22, p. 414 ; A. Al-Dawoody, op.cit. note 7, pp. 136-138.
  • 59Voir Muḥammad ibn ʻUmar al-Wāqidī, Kitāb al-Maghāzī, Muḥammad ʻAbd al-Qādir ʻAtā (dir.), vol. 1, Dār al-Kutub al-ʻIlmiyyah, Beyrouth, 2004, pp. 135, 263.
  • 60M. al-Nawawī, op. cit. note 23, p. 83.
  • 61Y. al-Qaraḍāwī, op. cit. note 56, pp. 858-860 ; L. Salaymeh, op. cit. note 56, p. 524 et s. ; Muḥammad Ḥusayn Haykal, The Life of Muḥammad, traduction de la 8e édition par Ismaʻīl Rāgı̄ A. al-Fārūqī, North American Trust Publication, 1976, pp. 233, 239 ; Troy S. Thomas, « Jihad’s Captives: Prisoners of War in Islam », U.S. Air Force Academy Journal of Legal Studies, vol. 12, 2002-03, p. 94 et s. ; Troy S. Thomas, « Prisoners of War in Islam: A Legal Inquiry », The Muslim World, vol. 87, n° 1, 1997, p. 49.
  • 62M. al-Ṭabarī, op. cit. note 53, p. 39 ; M. Ḥammīdullāh, op. cit. note 56, p. 214 ; Aḥmad Abū al-Wafā, Al-Naz˙ariyyah al-ʻĀmmah lil-Qānūn al-Dawlı̄ al-Insānı̄ fı̄ al-Qānūn al-Dawlı̄ wa fı̄ al-Sharīʻah al-Islāmiyyah, Dār al-Nahḍah al-ʻArabiyyah, Le Caire, 2006, p. 179.
  • 63Voir les références citées op. cit, note 62.
  • 64A. Guillaume (traduction), The Life of Muhammad: A Translation of Isḥāq’s Sı̄rat Rasūl Allāh, Oxford University Press, Oxford, 1955, p. 309. Voir également ʻAbd al-Mālik ibn Hishām ibn Ayyūb al-Ḥimyarī, Al-Sīrah al-Nabawīyyah, ʻUmar ʻAbd al-Salām Tadmurī (dir.), vol. 2, Dār al-Kutub al-ʻArabī, Beyrouth, 1990, p. 287.
  • 65Coran 76:8.
  • 66Dalīlah Mubārikī, « Ḍawābiṭ al-ʻAlāqāt al-Dawliyyah fı̄ al-Islām Zaman al-Ḥarb », Majallat Kulliyyat al-ʻUlūm, 4e année, 9e éd., 2004, p. 206.
  • 67Muḥammad ibn Ismāʻīl al-Bukhārī, Mukhtasạr Ṣaḥīḥ ̣ al-Imām al-Bukhārī, Muḥammad Nāsr al-Albānī (dir.), vol. 2, Maktabah al-Maʻarif, Riyad, 2002, p. 318.
  • 68Voir ʻAbd al-Ghanı̄ Maḥmūd, Ḥimāyat Ḍaḥāyā al-Nizāʻāt al-Musallaḥah fı̄ al-Qānūn al-Dawlı̄ al-Insānı̄ wa al-Sharīʻah al-Islāmiyyah, CICR, Le Caire, 2000, p. 39 ; Zayd ibn ʻAbd al-Karīm al-Zayd, Muqaddimah fı̄ al-Qānūn al-Dawlı̄ al-Insānı̄ fı̄ al-Islām, CICR, 2004, pp. 39, 77.
  • 69Wahbah al-Zuhaylī, Āthār al-Ḥarb fı̄ al-Islām: Dīrāsah Muqāranah, 3e éd., Dār al-Fikr, Damas, 1998, p. 415.
  • 70Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949, RTNU, vol. 75, p. 135 (entrée en vigueur le 21 octobre 1950) (CG III), art. 17.
  • 71Voir Muḥammad ibn al-Ḥassan al-Shaybānī, Al-Siyar, Majīd Khadūrī (dir.), Dār al-Fikr, Beyrouth, 1985, p. 179 ; N. al-Armanāzī, op. cit. note 27, pp. 88, 164 ; ʻA. Ṣaqr, op. cit. note 22, p. 89.
  • 72Voir A. Ṣaqr, op. cit. note 22, p. 88 ; ʻAbbās Shūmān, Al-ʻAlāqāt al-Dawliyyah fı̄ al-Sharīʻah al-Islāmiyyah, Silsilah al-Dirāsāt al-Fiqhīyyah, n° 1, Al-Dār al-Thaqāfiyyah lil-Nashr, Le Caire, 1999, p. 106.
  • 73Voir Muḥammad al-Khatīb al-Shirbın̄ī, Mughnı̄ al-Muḥtāj ilā Maʻrifah Maʻānı̄ Alfāz˙ al-Minhāj, vol. 4, Dār al-Fikr, Beyrouth, p. 237 ; ʻA. Ṣaqr, op. cit. note 22, p. 83 ; Y. al-Qaraḍāwī, op. cit. note 56, p. 1178.
  • 74PA I, art. 41-2-b).
  • 75M. al-Shirbīnī, op. cit. note 73, p. 237.
  • 76Voir ibid., p. 237 ; A. Al‑Dawoody, op. cit. note 7, p. 132.
  • 77Muwaffaq al-Dīn ʻAbd Allah ibn Aḥmad ibn Qudāmah, Al-Kāfı̄ fı̄ Fiqh al-Imām Aḥmad Ibn Ḥanbal, Muḥammad Fāris et Musʻad ʻAbd al-Ḥamīd al-Saʻdanī (dir.), vol. 4, Dār al-Kutub al-ʻIlmiyyah, Beyrouth, 2004, p. 163.
  • 78Coran 17:70.
  • 79Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck (dir.), Droit international humanitaire coutumier, Volume I : Règles, Bruylant, 2006, règle 112, disponible sur : https://ihl-databases.icrc.org/customary-ihl/fre/docs/v1_rul_rule112.
  • 80Z. al-Zayd, op. cit. note 68, pp. 49, 78 ; A. Abū al-Wafā, op. cit. note 62, pp. 206-209.
  • 81Alı̄ ibn Abı̄ Ṭālib, Nahj al-Balāghah, Ṣobḥı̄ Ṣāliḥ (dir.), 4e éd., Dār al-Kitāb al-Masṛī, Le Caire, et Dār al-Kitāb al-Lubnānī, Beyrouth, 2004, p. 427.

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