IRRC No. 906

Emploi d’armes chimiques en Syrie : la ligne rouge a été franchie et que faire maintenant ?

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Abstract
L’emploi d’armes chimiques lors du conflit armé en Syrie a suscité une condamnation générale et unanime ; il a aussi donné lieu à une riposte unitaire de diverses instances internationales. Le présent article analyse la réponse de la communauté internationale face à l’emploi d’armes chimiques en Syrie sous l’angle du droit international. Il examine aussi les divers moyens à disposition pour que les auteurs de crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques rendent des comptes. Cet article a finalement pour objectif de démontrer que le statut particulier que la communauté internationale a attribué aux crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques pourrait être mis à profit pour créer un mécanisme d’établissement des responsabilités, tel un tribunal ad hoc, ce qui pourrait contribuer à paver le chemin ardu vers la négociation d’un accord de paix.

Traduit de l'anglais.

 

Introduction

Il y a eu une multitude de violations du droit international humanitaire pendant la guerre en Syrie. Selon l’Envoyé spécial des Nations unies (NU) pour la Syrie, en mai 2016, 400 000 personnes avaient été tuées au cours des hostilités1 . On estime qu’un grand nombre de ces morts serait imputable à des crimes de guerre, qu’il s’agisse d’attaques indiscriminées, de dommages disproportionnés causés aux civils, d’attaques contre des établissements de santé, ou de meurtres2 . D’autres atrocités, comme le viol systématique, la torture, les persécutions et autres actes inhumains, ont été abondamment documentées et ont fait l’objet de nombreux rapports3 . Ce conflit a provoqué un désastre de très grande ampleur sur le plan humanitaire ; on estime en effet que 13,5 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire, que plus de 5 millions sont réfugiées, que 6 millions ont été déplacées à l’intérieur du pays et que 4,5 millions sont prises au piège dans des zones assiégées ou difficiles d’accès4 .

Mais, bien que cela aurait causé la mort de moins de 2000 personnes5 , c’est sans nul doute l’emploi d’armes chimiques dans ce conflit qui a suscité la condamnation la plus générale et unanime et qui a donné lieu à une riposte unitaire sans précédent des instances internationales6 . La riposte de la communauté internationale à l’emploi d’armes chimiques en 2013 – le franchissement de la fameuse « ligne rouge » fixée par le président des États-Unis Barack Obama – a conduit l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et les NU à mettre en œuvre et superviser le déplacement et la destruction des stocks d’armes chimiques déclarés par la Syrie. Cette opération a été vue par beaucoup comme l’un des rares aspects « positifs » de ce conflit meurtrier7 . Face à l’emploi répété d’armes chimiques en Syrie, le directeur général de l’OIAC a pris cette décision sans précédent de créer une mission d’établissement des faits (MEF) chargée d’établir les fais relatifs aux allégations d’emploi d’armes chimiques en Syrie. En 2015, le Conseil de sécurité des NU a pris d’autres mesures en créant le mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU (MEC), chargé d’identifier les responsables des attaques chimiques en Syrie lorsque les faits ont été déterminés par la MEF8 . Autrement dit, selon ce mandat, l’attaque de grande ampleur commise dans la Ghouta en 2013 et examinée ci-dessous, n’entrait pas dans le champ des enquêtes du MEC. Tant l’Union européenne que les États-Unis ont adopté des sanctions contre des personnes et des entités syriennes soupçonnées d’avoir participé, directement ou indirectement, à des crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques en Syrie9 . L’emploi d’armes chimiques en Syrie est également la seule violation du droit international humanitaire commise pendant le conflit armé qui a entraîné des interventions militaires directes des États-Unis et de leurs alliés10 .

Le présent article analyse la réponse de la communauté internationale face à l’emploi d’armes chimiques en Syrie sous l’angle du droit international11 . Il examine aussi les divers moyens à disposition pour que les auteurs de crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques rendent des comptes. Cet article a finalement pour objectif de démontrer que le statut particulier que la communauté internationale a attribué aux crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques pourrait être mis à profit pour créer un mécanisme d’établissement des responsabilités, tel un tribunal ad hoc, ce qui pourrait contribuer à paver le chemin ardu vers la négociation d’un accord de paix.

L’emploi d’armes chimiques en Syrie et la réponse internationale

Les premières allégations faisant état de l’emploi d’armes chimiques en Syrie datent de 201212 . Jusqu’alors, le gouvernement syrien avait donné des informations contradictoires à propos de ses stocks d’armes chimiques. En 2005, le gouvernement syrien avait indiqué au Comité institué par la résolution 1540 des NU (Comité 1540) que la Syrie « ne possède pas d’armes chimiques pas plus qu’elle ne possède leurs vecteurs ni aucune matière s’y rapportant13  ». Mais, en 2009, lors d’une interview et  en réponse à une question sur l’intention de la Syrie de produire des armes chimiques, le président Bachar al-Assad fit cette déclaration, pour le moins ambiguë : « Les armes chimiques, c’est autre chose. Mais vous n’imaginez pas sérieusement que je vais vous dévoiler notre programme d’armement ici ? Nous sommes en guerre [traduction CICR]14 . »

En juillet 2012, le gouvernement syrien a, pour la première fois, implicitement reconnu qu’il possédait des stocks d’armes chimiques, lorsqu’il a déclaré que ces armes ne seraient jamais utilisées « contre le peuple syrien [traduction CICR] » et qu’elles ne le seraient qu’en cas d’attaques venant de l’extérieur15 . Le 20 août 2012, lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, en réponse à la question de savoir  si les États-Unis pourraient intervenir directement en Syrie, le président Obama a déclaré :

Nous ne pouvons pas avoir une situation dans laquelle des armes chimiques ou biologiques tomberaient dans les mains de mauvaises personnes. Nous avons fait savoir de façon claire au régime d’Assad et à d’autres forces sur le terrain qu’il s’agissait d’une ligne rouge pour nous. Si nous commencions à avoir des armes chimiques déplacées ou utilisées, cela changerait mon calcul, cela changerait l’équation16 .

Le 19 mars 2013, le gouvernement syrien a fait part aux NU d’allégations selon lesquelles des armes chimiques auraient été employées dans le district de Khan al-Assal, dans le gouvernorat d’Alep17 . Le lendemain, la Syrie a demandé au Secrétaire général des NU d’ouvrir de toute urgence une enquête, sous les auspices de son Mécanisme d’enquête sur les allégations d’emploi d’armes chimiques, biologiques et à toxines (Mécanisme du Secrétaire général18 ). Le 21 mars 2013, le Secrétaire général a créé la Mission d’enquête des Nations unies concernant les allégations d’emploi d’armes chimiques en République arabe syrienne et a prié l’OIAC et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) de coopérer en vue de l’ouverture d’une enquête. Le même jour, les gouvernements français et britannique ont demandé l’ouverture d’une enquête sur les incidents qui avaient eu lieu à Khan al-Assal et à Otaybah, à proximité de Damas, le 19 mars 2013, ainsi qu’à Homs, le 23 décembre 2012.

Le Mécanisme du Secrétaire général

Le Mécanisme permettant au Secrétaire général d’enquêter sur les allégations d’emploi d’armes chimiques, biologiques et à toxines repose sur le pouvoir conféré au Secrétaire général par l’article 99 de la Charte des Nations unies, sur la base duquel le Secrétaire général des NU a procédé à des enquêtes ad hoc sur des allégations d’emploi d’armes chimiques dans les années 198019 . Ce Mécanisme a été officiellement créé en 198720 .

Un an plus tard, le Conseil de sécurité des NU a approuvé le Mécanisme21 . Le Conseil de sécurité a encouragé le Secrétaire général à procéder à des enquêtes sur des violations du Protocole de Genève de 192522 ou « d’autres règles applicables du droit international coutumier et de faire rapport sur les résultats23  » Le Conseil de sécurité a par ailleurs « décid[é] d’envisager des mesures appropriées et efficaces, conformément à la Charte des Nations unies, si des armes chimiques venaient à être utilisées à l’avenir en violation du droit international, où que ce soit et par qui que ce soit24  ».

Le fait que les résolutions des NU fassent référence au droit international coutumier était important, car le Protocole de Genève de 1925 ne s’applique qu’en temps de « guerre », ce qui, à l’époque où il a été élaboré, visait uniquement les conflits armés internationaux25 . Dès lors, on pourrait faire valoir que le Protocole de Genève n’était pas applicable à l’emploi d’armes chimiques par l’Irak contre son propre peuple26 . Cet aspect du Mécanisme du Secrétaire général était également important au regard de son applicabilité à la Syrie puisque, au début de l’année 2013, la Syrie était partie au Protocole de Genève de 1925, mais pas à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC) de 199327 . Dès lors qu’en 2013, le conflit armé en Syrie présentait un caractère purement interne28 , on aurait pu considérer que le Protocole de Genève n’était pas applicable. C’est pourquoi, le fait que l’interdiction d’employer des armes chimiques relève du droit international coutumier, lequel est applicable tant dans les conflits armés internationaux que non internationaux, a fait que cette interdiction a pris une tout autre dimension29 .

Bien que, pendant plus de vingt ans, le Mécanisme n’ait été que très rarement utilisé30 jusqu’à ce qu’il soit réactivé à propos de la situation en Syrie, la mise à disposition de ressources de l’OIAC pour procéder à l’enquête des NU reposait juridiquement sur la CIAC31 , sur l’Accord régissant les relations entre l’ONU et l’OIAC, ainsi que sur son arrangement supplémentaire32 .

L’équipe des NU – principalement composée d’experts de l’OIAC et de l’OMS – est arrivée à Damas le 18 août 2013. À l’origine, elle avait pour mandat d’enquêter sur les allégations, jugées crédibles, relatives à l’emploi d’armes chimiques à Khan el-Assal, Saraqeb et Cheikh Maqsoud et, en même temps, d’examiner d’autres allégations et de se rendre sur également sur les sites y afférents33 . Il n’entrait pas dans son mandat d’établir les responsabilités d’un éventuel emploi d’armes chimiques. À peine trois jours après l’arrivée de l’équipe à Damas, le 21 août 2013, un bombardement à l’arme chimique de grande ampleur a frappé la Ghouta, un quartier situé en banlieue de Damas. Des dizaines de requêtes ont été déposées par des États membres des NU pour demander au Secrétaire général d’enquêter et l’équipe a reçu l’ordre d’enquêter en priorité sur cet incident.

L’équipe a confirmé l’utilisation à grande échelle d’armes chimiques (le gaz sarin) dans la Ghouta, faubourg de Damas, le 21 août 201334 . Selon les sources, cette attaque aurait fait entre 281 et plus de 1 400 morts35 . L’équipe a également conclu que des armes chimiques (une fois encore, du gaz sarin) avaient été employées à plus petite échelle à Khan el-Assal, Saraqeb, Jobar et Achrafieh Sahnaya, respectivement en mars, avril et août 201336 .

La Mission conjointe OIAC- NU

Avec la publication du rapport de l’équipe des NU sur la Ghouta, c’est la première fois que les NU ont affirmé formellement que la « ligne rouge » à propos de l’emploi d’armes chimiques en Syrie avait été franchie. Toutefois, alors même que l’enquête était en cours, la Fédération de Russie et les États-Unis faisaient pression sur le président Assad pour qu’il ratifie la CIAC. Comme la Russie avait indiqué qu’elle opposerait son veto à toute décision du Conseil de sécurité des NU qui autoriserait des mesures coercitives contre le gouvernement syrien, les États-Unis se dirigeaient vers une intervention militaire unilatérale37 . Le 31 août 2013, le président Obama annonça vouloir obtenir une autorisation du Congrès pour recourir à la force38 . Comme elle souhaitait éviter d’être embarquée dans la guerre civile, la Maison-Blanche a demandé aux chefs de file du Congrès de voter une résolution autorisant des actions visant uniquement à neutraliser la menace des armes chimiques ou à empêcher leur prolifération. Le 9 septembre, en réponse à une question d’un journaliste lors d’une conférence de presse, le Secrétaire d’État John Kerry répondit que pour éviter des frappes, le président Assad pourrait restituer l’intégralité de son arsenal d’armes chimiques dans la semaine à venir, ajoutant : « Mais il n’est pas près de le faire et il ne le peut pas39  ». La Russie s’empara de cette déclaration pour empêcher une intervention militaire des États-Unis et fit pression sur la Syrie pour qu’elle ratifie la CIAC. Le 12 septembre, la Syrie a déclaré qu’elle allait adhérer à la CIAC et a déposé son instrument d’adhésion deux jours plus tard40 . Le même jour, les États-Unis et la Russie ont conclu un plan d’action pour l'élimination des armes chimiques syriennes. Cet accord, qui a été soumis au Conseil exécutif de l’OIAC pour examen, établit un plan accéléré pour l’élimination et la destruction du stock d’armes chimiques en Syrie, sous la supervision conjointe de l’OIAC et des NU.

Le 27 septembre 2013, le Conseil exécutif de l’OIAC adopta une décision sur la destruction des armes chimiques syriennes (décision du Conseil exécutif), qui demandait à la Syrie d’indiquer, dans un délai très court, l’emplacement de ses stocks d'armes chimiques ainsi que leurs quantités et fixait un calendrier ambitieux pour l’élimination41 et la destruction de tous les agents, équipements et matières liés aux armes chimiques avant juin 201442 . Quelques heures après l’adoption de la décision du Conseil exécutif, le Conseil de sécurité des NU a adopté à l’unanimité la résolution 2118, entérinant la décision du Conseil exécutif de l’OIAC et demandant à la Syrie de coopérer pleinement. En outre, le Conseil de sécurité, considérant que l’emploi d’armes chimiques constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales, s’est déclaré fermement convaincu que les personnes responsables de l’emploi d’armes chimiques en Syrie doivent répondre de leurs actes et a décidé, qu’en cas de non-respect de la résolution, y compris d’emploi d’armes chimiques par quiconque en Syrie, d’imposer des mesures en vertu du Chapitre VII de la Charte des  NU43 .

La mise en œuvre du plan nécessitait un effort international coordonné44 . Fin septembre 2014, juste un an plus tard, la mission conjointe OIAC-NU chargée de l’élimination des armes chimiques syriennes annonça qu’elle avait fini sa mission et que 96 % des stocks déclarés avaient été détruits45 . L’OIAC annonça le 4 janvier 2016 que toutes les armes chimiques déclarées par la Syrie avaient été détruites46 .

Le succès apparent de l’opération de destruction – conduite dans un environnement sécuritaire difficile et complexe – a cependant été entaché par de nouvelles allégations d’emploi d’armes chimiques en Syrie, en 2014, principalement du chlore47 . Tout emploi de produits chimiques toxiques tel que le chlore, en tant qu’arme est interdit par l’article 1 de la CIAC48 . Cependant, étant donné que le chlore (qui peut être destiné à de multiples fins non interdites) ne figure pas sur les tableaux de produits chimiques annexés à la CIAC, il n’est pas soumis aux mesures de vérification mises en place par la Convention49 . En outre, les lacunes et incohérences dans la déclaration de la Syrie sur son stock d’armes chimiques ont conduit le directeur général de l’OIAC à mettre en place, en 2014, une équipe d’experts (connue sous le nom d’Équipe d’évaluation des déclarations ou EED) mandatée pour vérifier si la déclaration de la Syrie peut être considérée comme exacte et complète. En mars 2018, le directeur général a informé le Conseil exécutif que l’EED n’avait pas encore été en mesure de résoudre toutes les lacunes, incohérences et divergences qui avaient été identifiées dans la déclaration de la Syrie et qu’il lui était donc impossible d’apporter la garantie que la déclaration de la Syrie pouvait être considérée comme exacte et complète50 .

La mission d’établissement des faits de l’OIAC

Une fois la Syrie devenue partie à la CIAC, le Mécanisme du Secrétaire général ne pouvait plus enquêter sur les allégations relatives à l’emploi d’armes chimiques dans les territoires sous le contrôle du gouvernement syrien51 . Conformément à la CIAC et bien qu’elles n’aient jamais été utilisées, deux possibilités permettent de déclencher l’ouverture d’une enquête sur des allégations relatives à l’emploi d’armes chimiques.  En vertu de l’article IX, tout État partie est en droit de demander une inspection par mise en demeure si un autre État partie est suspecté de ne pas avoir respecté l’interdiction d’employer des armes chimiques52 . Aux termes de l’article X, le Directeur général peut ouvrir une enquête si un État partie a demandé de recevoir une assistance et une protection contre l’emploi ou la menace d’armes chimiques53 . Le Secrétariat technique de l’OIAC peut également fournir une assistance technique aux États parties en vue de l’application des dispositions de la CIAC54 .

Lorsque d’autres allégations relatives à l’emploi d’armes chimiques (usage de chlore) en Syrie ont commencé à être rapportées en 2014, aucune enquête n’a été demandée sur le fondement de l’article IX ou de l’article X. À la place, le Directeur général de l’OIAC a créé la MEF et l’a chargée d’établir les faits relatifs aux allégations d’emploi d’armes chimiques, y compris de produits chimiques toxiques, en particulier du chlore, à des fins hostiles en Syrie55 . L’accès de la MEF à tous les sites concernés, ainsi qu’aux hôpitaux et autres lieux d’intérêt, a été garanti grâce à un échange de lettres entre le Directeur général de l’OIAC et le gouvernement syrien, ainsi que par la résolution 2118 du Conseil de sécurité des NU56 .

À l’instar du Mécanisme du Secrétaire général, la MEF n’est pas habilitée à imputer les responsabilités de l’emploi d’armes chimiques 57 . Cependant, dans son troisième rapport de décembre 2014, la MEF a conclu « avec un degré de certitude élevé » que du chlore « a été utilisé en tant qu’arme (…) » dans les villages de Tell Méniss, de Tamaniaa et de Kafr Zeïta58 . C’était la première fois que l’emploi d’armes chimiques était établi sur le territoire d’un État partie à la CIAC. En février 2015, le Conseil exécutif de l’OIAC a réagi en adoptant une décision condamnant l’emploi d’armes chimiques en tant que violation du droit international, en se disant convaincu que les responsables devaient répondre de leurs actes et a encouragé la MEF à poursuivre son travail, en particulier à analyser toutes les informations à disposition relatives aux allégations d’emploi d’armes chimiques (autrement dit, pas uniquement l’usage du chlore, mais aussi les allégations d’usage de gaz sarin et de gaz moutarde) en Syrie59 . Le Conseil de sécurité des NU a ensuite adopté une résolution entérinant la décision du Conseil exécutif de l’OIAC, soulignant que les personnes responsables devaient répondre de leurs actes et rappelant qu’il imposerait des mesures au titre du Chapitre VII de la Charte des NU si cette résolution n’était pas respectée à l’avenir60 .

Malgré ces décisions, les attaques chimiques se sont poursuivies dans les mois qui ont suivi, principalement dans le gouvernorat d’Idleb61 . Le Conseil de sécurité des NU a donc pris de nouvelles mesures, comme décrit ci-après. Selon des sources publiques, du 1er décembre 2015 au 20 novembre 2016, la MEF a enregistré soixante-cinq incidents susceptibles d’être dus à l’emploi d’armes chimiques et a enquêté de façon approfondie sur six d’entre eux62 . En outre, la MEF a enquêté sur un certain nombre d’incidents présumés signalés à l’OIAC par le gouvernement syrien63 .

La MEF a enquêté sur l’emploi à grande échelle, largement médiatisé, d’armes chimiques dans la région de Khan Cheikhoun, au sud du gouvernorat d’Idleb, en avril 2017 et a conclu qu’un « grand nombre de personnes, dont certaines sont décédées, [avaient] été exposées à du gaz sarin ou à une substance similaire64  ». À la suite de cet incident – qui aurait fait plus de quatre-vingts morts et blessé 300 personnes, parmi lesquels de nombreux enfants - le président des États-Unis, Donald Trump, se fondant sur les services de renseignements américains qui avaient établi que les attaques chimiques avaient été menées depuis cette base, a autorisé une frappe militaire le 7 avril sur la base aérienne d’Al-Chaayrate65 . C’était la première fois que les États-Unis prenaient des mesures unilatérales et c’était la première frappe délibérée contre le gouvernement syrien.

Le gouvernement syrien et la Russie ont formellement rejeté toute responsabilité dans l’attaque de Khan Cheikhoun ; selon ces deux pays, le gaz chimique aurait pu être libéré lors d’une attaque aérienne menée par un avion syrien sur un entrepôt contenant des munitions et du matériel appartenant aux rebelles, à proximité de Khan Cheikhoun66 , où il pouvait s’agir d’une mise en scène des forces anti-Assad pour simuler une attaque chimique67 . Interrogé le 13 avril, le président el-Assad a déclaré que l’attaque avait été « fabriquée de toutes pièces » par les États-Unis qui « travaillent main dans la main avec les terroristes » et que ce n’était qu’un prétexte pour attaquer la base aérienne d’Al-Chaayrate68 . Il a ajouté : « Nous ne savons pas si toutes les photos ou les images vidéo sont vraies ou truquées. Nous ne savons pas si ces enfants ont été tués à Khan Cheikhoun. Nous ne savons même pas s’ils sont vraiment morts. »

À la différence de ce qui avait été fait à la suite de l’attaque de la Ghouta en août 2013, le MEC a été chargé, après que la MEF eut enquêté sur l’incident de Khan Cheikhoun, de déterminer qui était responsable de cette attaque, laquelle, au moment de la rédaction du présent article, représente la deuxième attaque chimique la plus importante survenue en Syrie après l’incident de la Ghouta en 2013. Les conclusions du MEC, selon lesquelles les forces d’Assad étaient responsables de l’attaque, sont analysées ci-après. La Syrie et la Russie ont fait pression sur la MEF pour qu’elle se rende sur les lieux dans le cadre de son enquête, mais les conditions de sécurité (la ville n’était pas sous le contrôle du gouvernement syrien) et le fait qu’il y avait d’autres preuves crédibles, n’ont pas fait pencher la balance en faveur d’un déploiement de la MEF à Khan Cheikhoun69 . La décision de ne pas mener une inspection sur place a été instrumentalisée par certains médias pro-russes pour mettre en doute les conclusions de la MEF70 . Un projet de décision du Conseil exécutif de l’OIAC présenté par la Russie et l’Iran en novembre 2017, proposait que l’OIAC s’abstienne de publier « des conclusions qui ne sont pas fondées sur les résultats d’une enquête menée sur le terrain [traduction CICR]71  ». Pour sa part, aux fins de son enquête, le MEC s’est rendu sur les lieux de la base aérienne d’Al-Chaayrate72 .

De nombreuses sources ont fait état d’une autre attaque chimique de grande ampleur, qui aurait eu lieu le 7 avril 2018 dans la ville de Douma, à l’est de la Ghouta73 . Plus de quarante personnes seraient mortes lors de cette attaque. Une enquête a été immédiatement diligentée par la MEF qui, cette fois, s’est rendue à deux reprises sur le terrain. Au moment de la rédaction de cet article, elle n’avait pas encore établi si un produit chimique avait été utilisé et si oui, lequel74 . Comme la mission du MEC avait pris fin au moment de l’attaque de Douma, les conclusions de la MEF ne pourront pas servir de fondement aux conclusions du MEC sur les responsabilités.

Le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU

Le 7 août 2015, à la suite des rapports de la MEF de 2014 qui établissaient que des armes chimiques (chlore) avaient été utilisées à plusieurs reprises en Syrie, mais aussi des images diffusées dans les médias et des effets de ces attaques montrés par des associations de défense des droits de l’homme (en particulier une séquence vidéo projetée lors d’une réunion du Conseil de sécurité75 ), le Conseil de sécurité a créé le MEC par la résolution 2235. Le MEC avait pour mandat « d’identifier dans toute la mesure possible les personnes, entités, groupes ou gouvernements qui ont perpétré, organisé ou commandité l’utilisation comme armes, en République arabe syrienne, de produits chimiques (…) ou qui y ont participé d’une manière ou d’une autre », lorsque ces incidents avaient fait l’objet de conclusions de la MEF76 . Le Conseil de sécurité a réaffirmé qu’il imposerait des mesures en vertu du Chapitre VII de la Charte des NU. Le mandat du MEC, initialement créé pour un an, fut renouvelé par le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2319, jusqu’en novembre 201777 . Dans cette nouvelle résolution, le MEC est invité à se pencher davantage sur l’emploi d’armes chimiques par des acteurs non étatiques, notamment en consultant et en informant les organes des NU chargés de la lutte contre le terrorisme et de la non-prolifération78 .

Dans ses rapports d’août et d’octobre 2016, le MEC a conclu que les forces armées syriennes avaient utilisé des armes chimiques le 21 avril 2014 à Talmenes (chlore), le 16 mars 2015 à Sarmin (chlore) et, le 16 mars 2015, à Qmenas (chlore79 ). Il a également conclu que l’État islamique avait utilisé de l’ypérite au soufre (gaz moutarde), le 21 août 2015, dans la ville de Marea80 .

Comme indiqué ci-dessus, le MEC a conclu que l’armée de l’Air syrienne était responsable de l’attaque au gaz sarin perpétrée à Khan Cheikhoun81 . Le MEC a également établi que des membres de l’État islamique avaient perpétré une attaque au gaz moutarde à Um Housh, dans la province d’Alep, le 16 septembre 201682 . Ces conclusions étaient teintées de forts enjeux politiques. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, a accusé la Russie d’essayer de couvrir l’emploi de gaz sarin par le gouvernement syrien, ce qui selon lui « ne peut que saper le consensus mondial contre l’emploi d’armes chimiques [traduction CICR]83  ». L’ambassadrice des États-Unis auprès des NU, Nikki Haley, a déclaré que le rapport « confirm[ait] ce que nous savions depuis longtemps [traduction CICR]84  ». La veille de la publication du rapport du MEC, le Secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, a déclaré que le « règne de la famille el-Assad » en Syrie touchait à sa fin et que la « seule question était maintenant de savoir comment y parvenir [traduction CICR]85  ». La Russie a, pour sa part, déclaré avoir « commencé à étudier minutieusement ce document, qui est techniquement très complexe. Ce travail doit être mené avec le concours d’experts de plusieurs ministères86  ».

Le 24 octobre et le 16 novembre 2017, la Russie a utilisé son droit de veto, respectivement pour la neuvième et la dixième fois à propos de la Syrie, afin de bloquer des résolutions qui auraient élargi le mandat du MEC87 . Pour se justifier, l’ambassadeur de Russie a déclaré : « Nous avons besoin d’un mécanisme solide et professionnel qui permette de combattre le risque grandissant lié à la menace de terrorisme chimique dans la région et [les États-Unis] ont besoin d’une marionnette pour manipuler l’opinion publique [traduction CICR] ». Ce à quoi, l’ambassadrice des États-Unis a répondu que la Russie avait « tué le Mécanisme d’enquête conjoint [traduction CICR]88  ».

Avec la fin du MEC, il n’y avait plus d’organe international – hormis l’OIAC89   – chargé d’établir les responsabilités sur les allégations d’emploi d’armes chimiques à Douma en avril 2018. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et d’autres États ont rapidement attribué la responsabilité de cette attaque sur la ville rebelle au gouvernement syrien, une accusation qui a été vigoureusement démentie par la Syrie et ses alliés, ce qui a conduit à des débats houleux au Conseil de sécurité des NU et à l’OIAC. Chaque camp a voté contre les propositions de l’autre à propos de la création d’un nouveau mécanisme chargé d’enquêter sur les attaques chimiques en Syrie90 . Le 13 avril 2018, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont lancé des frappes aériennes punitives qui ont visé trois cibles en Syrie : un site de recherche, un site de stockage et un site militaire91 .

Il reste à voir si le Conseil de sécurité tiendra bien son engagement d’imposer des mesures en vertu du Chapitre VII de la Charte des NU si des armes chimiques venaient à être utilisées en Syrie en violation de la résolution 211892 . Il s’agit indubitablement d’une question politique et non juridique. Comme l’a relevé le Secrétaire général des NU à ce propos :

Comme l’a déjà affirmé le Conseil de sécurité, l’emploi d’armes chimiques, où que ce soit, constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales et une violation grave du droit international. J’espère que les membres du Conseil de sécurité vont maintenant pouvoir s’entendre et utiliser les outils dont ils disposent pour veiller concrètement à ce que les responsables de l’emploi d’armes chimiques répondent de leurs actes, l’objectif étant de mettre un terme à ces actes inhumains et d’empêcher que d’autres soient commis. Ces atrocités ne sauraient rester impunies93 .

Parmi les mesures pouvant être prises en vertu du Chapitre VII, on peut mentionner le renvoi de la situation en Syrie devant la Cour pénale internationale (CPI94 ) et la création d’un tribunal international ad hoc ou hybride chargé d’enquêter et de poursuivre les auteurs présumés de crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques95 . Si le Conseil de sécurité ne parvenait pas à trouver un accord sur ce type de mesures, il pourrait affirmer qu’il reconnaît clairement que l’emploi d’armes chimiques par quiconque, quelles que soient les circonstances, constitue un crime international ouvrant la voie à de possibles poursuites judiciaires nationales. Au moment de la rédaction du présent article, malgré les rapports du MEC attribuant la responsabilité des attaques chimiques tant à des acteurs étatiques que non étatiques dans six incidents distincts, toute initiative du Conseil de sécurité reste paralysée par le recours vraisemblable de la Russie à son droit de veto.

Les autres inspections du Secrétariat technique de l’OIAC en Syrie

Le Conseil de sécurité se trouvant dans une impasse sur le dossier syrien, l’OIAC a répondu avec prudence aux rapports du MEC de 2016 avec l’adoption, par son Conseil exécutif, d’une décision prescrivant que le Secrétariat technique procède à d’autres inspections sur des sites recensés par le MEC dans ses troisième et quatrième rapports, comme étant concernés par l’utilisation, le stockage, la distribution de produits toxiques à des fins militaires et leur emploi en tant qu’armes96 . Cette décision demande également au Secrétariat de « conserver et rapidement analyser toute information ou tout élément, y compris des échantillons, du programme d’armes chimiques de la Syrie, qu’il juge utile au regard d’allégations faisant état de la possession ou de l’emploi d’armes chimiques, actuelles ou futures [traduction CICR]97  ». En outre, il est demandé au Secrétariat de conduire des inspections, notamment en prélevant et analysant des échantillons deux fois par an dans les installations du Centre d’études et de recherches scientifiques syrien (CERS) à Barzé et Jamrayé98 .

La décision du Conseil exécutif, fruit d’un compromis politique consécutif aux tentatives (vaines) de parvenir à un consensus, coupe court à toutes conclusions ou mesures sur l’attribution des responsabilités99 . Les autres inspections menées sur des sites recensés par le MEC comme étant concernés par l’emploi d’armes chimiques, ne portent que sur les incidents mentionnés dans les troisième et quatrième rapports (trois incidents liés au chlore et un au gaz moutarde). Comme la MEF avait déjà enquêté sur les faits relatifs à ces incidents, il semble que les autres inspections avaient vocation à enquêter sur l’origine des armes employées. Au moment de la rédaction du présent article, les conditions de sécurité n’avaient pas permis de procéder à l’inspection sur place des sites recensés dans les troisième et quatrième rapports du MEC100 . Une autre décision du Conseil exécutif pourrait être nécessaire pour demander au Secrétariat d’inspecter des sites recensés dans d’autres conclusions du MEC, notamment ceux liés à l’incident de Khan Cheikhoun, lors duquel du gaz sarin a été utilisé.

Des inspections ont été menées dans les installations du CERS à Barzé et à Jamrayé en février et mars 2017 ainsi qu’en février 2018101 . Ces inspections avaient pour but de déterminer si les activités de ces installations étaient conformes aux obligations incombant à la République arabe syrienne en vertu de la CIAC102 . Voici longtemps que les services de renseignement occidentaux soupçonnaient le CERS d’avoir joué un rôle central dans l’élaboration du programme d’armes chimiques de la Syrie. Cependant, contre toute attente, la Syrie n’avait pas déclaré le CERS au Secrétariat, ni dans sa déclaration initiale, ni dans ses déclarations ultérieures103 . Lors de l’inspection des installations du CERS à Barzé et à Jamrayé, l’équipe d’inspecteurs n’a pas observé d’activités contraires aux obligations incombant à la Syrie en vertu de la CIAC104 . Selon certaines informations, le 7 septembre 2017, Israël105 aurait mené une frappe militaire contre une autre installation du CERS située à Masyaf, laquelle était soupçonnée par les services de renseignement occidentaux de fabriquer des munitions chimiques ainsi que contre un camp militaire situé à proximité, utilisé pour stocker des missiles balistiques à courte portée106 . Cette installation n’est pas visée par la décision du Conseil exécutif. Les installations du CERS à Barzé constituaient l’une des cibles des frappes aériennes menées par les États-Unis, avec le concours du Royaume-Uni et de la France, en riposte à l’attaque chimique présumée de Douma en avril 2018. Selon le Pentagone, à présent, le site n’est « plus que ruines [traduction CICR]107  ».

Le fait que la décision du Conseil exécutif fasse référence à des « allégations futures [traduction CICR] » laisse entendre que le Secrétariat a toujours besoin de conserver et d’analyser les éléments qu’il recueille dans le cadre de ses activités, y compris celles de la MEF et de l’EED. Dans l’hypothèse où le Secrétariat démontrerait que la CIAC n’a pas été respectée, cela pourrait servir de fondement à l’examen de la question ou du problème par le Conseil exécutif, conformément à la CIAC108 . Cependant, il est indispensable que les résultats de l’enquête, quels qu’ils soient, soient clairs et irréfutables compte tenu de la très haute politisation entourant la décision prise par le Conseil exécutif.

Plus récemment, la Conférence des États parties de l’OIAC a créé un nouveau dispositif au sein du Secrétariat technique qui puisse identifier « les auteurs » de l’emploi d’armes chimiques dans les cas où la MEF détermine ou a déterminé que l’emploi ou l’emploi probable d’armes chimiques a eu lieu et les cas pour lesquels le MEC n’a pas publié de rapport109 . Il est exigé du Secrétariat technique qu’il « conserve et fournisse des informations » au mécanisme créé par l’Assemblée générale dans sa résolution 71/248, examiné ci-dessous, « ainsi qu’à toute structure d’enquête pertinente établie sous les auspices des Nations unies110  ».

Le Mécanisme international, impartial et indépendant

L’Assemblée générale des NU a également été très active sans pour autant recueillir l’unanimité, au sujet de l’emploi d’armes chimiques en Syrie. Plusieurs résolutions adoptées entre 2014 et 2016 ont régulièrement condamné l’emploi d’armes chimiques en Syrie et demandé que les responsables répondent de leurs actes111 .

Le 21 décembre 2016, à la majorité des voix, l’Assemblée générale des NU a créé le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables (MIII). Dans sa résolution, l’Assemblée générale a salué le travail du MEC et a rappelé les conclusions qu’il a énoncées dans les rapports qu’il a présentés112  ; cela laisse à penser que l’emploi d’armes chimiques figure parmi les crimes qui entrent dans le mandat du MIII, lequel est chargé de recueillir et d’analyser les éléments de preuve attestant de violations du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme113 . Cela est confirmé par le rapport du Secrétaire général relatif à la création du MIII qui note que les trois attaques chimiques sur lesquelles le MEC a enquêté « peuvent, selon les circonstances, constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité114  ». Le MEC est explicitement mentionné parmi les organes auprès desquels le MIII peut recueillir des éléments de preuve ou des renseignements utiles115 .

Il semble que les récents travaux de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne (la CoI), créée par le Conseil des droits de l’homme, qui est une des principales sources d’information du MIII, aient mis l’accent sur les crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques commis en Syrie. Dans son rapport du 8 août 2017, la CoI a consacré des développements importants à l’attaque chimique sur Khan Cheikhoun et, se fondant sur le rapport de la MEF ainsi que sur des entretiens avec des survivants, des membres du personnel médical et d’autres personnes, a conclu que le gouvernement syrien était responsable de cette attaque116 . La CoI a également publié une carte de la Syrie indiquant les attaques chimiques enregistrées117 . Dans son rapport, la CoI ne mentionne ni le MEC, ni le fait que celui-ci est spécifiquement chargé d’identifier les responsables des attaques chimiques lorsque celles-ci ont été établies par la MEF en Syrie. Cela soulève quelques questions quant aux risques de chevauchement entre les mandats des organes indépendants des NU et à la nécessité d’une coordination. Si le MEC avait présenté des conclusions différentes de celles de la CoI à propos de l’attaque de Khan Cheikhoun ou d’autres attaques, la crédibilité des deux organes aurait été mise à mal. Il est possible que cela aurait également rendu plus difficile la tâche du MIII et de toute juridiction souhaitant se fonder sur les éléments de preuve présentés par celui-ci. Comme on l’a vu, tant la CoI que le MEC ont conclu que le gouvernement syrien était responsable de l’attaque de Khan Cheikhoun.

Ce n’était pas la première fois que la CoI attribuait la responsabilité d’attaques chimiques commises en Syrie. Dans son rapport du 13 août 2014, elle avait conclu qu’il était raisonnable de penser « que des agents chimiques, probablement du chlore, [avaient] été utilisés à Kafr Zeita, Al-Tamanaa et Tal Minnis lors de huit incidents survenus sur une période de dix jours en avril. Il exist[ait] également des motifs raisonnables de penser que ces agents [avaient] été largués dans des barils d’explosifs du haut d’hélicoptères gouvernementaux118  ». Dans son rapport du 12 février 2014, la CoI avait également conclu que les agents chimiques utilisés lors de l’attaque de Khan al-Assal « portaient les mêmes caractéristiques uniques que celles des agents utilisés à la Ghouta ». Le rapport indiquait également que les auteurs de l’attaque de la Ghouta « avaient probablement accès aux stocks d’armes chimiques de l’armée syrienne, ainsi que les compétences et le matériel nécessaires pour manipuler sans risques de grandes quantités d’agents chimiques ». La CoI a néanmoins conclu que les éléments de preuve dont elle disposait n’atteignaient pas le « seuil de certitude » quant aux auteurs des faits119 .

Le Partenariat international contre l’impunité

Lancé par la France le 23 janvier 2018, le Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques réunit 29 États. Ce partenariat est une initiative intergouvernementale qui a vocation à « compléter les dispositifs internationaux de lutte contre la prolifération des armes chimiques » et œuvre « exclusivement contre la question de l’impunité des responsables des attaques chimiques partout dans le monde120  ».

Les États qui y participent se sont engagés à assurer la collecte, la compilation, à faciliter le partage des informations disponibles sur les responsables de l’utilisation d’armes chimiques de façon à ce que ceux-ci répondent un jour de leurs actes et à aider les États qui en ont besoin à renforcer leurs capacités dans la poursuite d’auteurs d’attaques chimiques121 . Bien que le Partenariat ne concerne pas que la Syrie, son mandat semble se chevaucher quelque peu avec celui du MIII, présenté ci-dessus, pour ce qui est des attaques chimiques en Syrie. Si le Partenariat travaille main dans la main avec le MIII, ce peut être un forum utile pour le partage d’informations et pour renforcer la capacité du MIII à exécuter son mandat s’agissant des crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques en Syrie.

Les différentes voies pour établir les responsabilités

Les enquêtes menées par l’ONU et l’OIAC ont confirmé que des armes chimiques avaient été utilisées pendant le conflit armé en Syrie, bien que l’imputabilité reste difficile à établir et que les responsabilités soient contestées. Chacune des parties à ce conflit armé accuse l’autre d’utiliser des armes chimiques et aucune d’entre elles n’a reconnu y avoir eu recours. Les conclusions du MEC sur les responsabilités – lesquelles auraient dû faire autorité – n’ont pas été unanimement acceptées, Damas et la Russie ayant contesté tant la méthode que les résultats de l’enquête122 . Par conséquent, le Conseil de sécurité, qui est à l’origine de la création du MEC, n’a toujours pas pris de mesures suite aux conclusions du MEC, bien qu’il se soit engagé à plusieurs reprises à le faire dans ses propres résolutions. Le 28 février 2017, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité qui prévoyait d’imposer des sanctions contre un certain nombre de responsables et d’entités militaires pour des attaques au chlore recensées par le MEC123 . Pour expliquer et justifier le recours au veto, le président russe, Vladimir Poutine, a déclaré : « Tout comme les sanctions contre les dirigeants syriens, ces mesures me semblent, pour le moment, totalement inappropriées. Cela n’aide pas et ne serait d’aucune aide dans le processus de négociation. Cela ne ferait que détruire ou nuire à la confiance établie pendant le processus [traduction CICR]124 . » Comme relevé ci-dessus, le 24 octobre et le 16 novembre 2017, la Russie a de nouveau opposé son veto pour bloquer des résolutions qui auraient élargi le mandat du MEC125 .

Dans le même temps, une guerre de l’information autour de qui est responsable de l’emploi d’armes chimiques en Syrie continue de faire rage dans les médias internationaux, chaque déclaration et contre-déclaration à ce sujet semant davantage le doute et la confusion dans l’opinion publique126 .

Un récent article du Foreign Policy présente un organigramme détaillé des membres du gouvernement syrien présumés responsables de l’emploi d’armes chimiques en Syrie127 . Un autre article récent publié dans RT reprend la mise en garde de Moscou selon laquelle le rapport de la MEF comporte « de nombreuses failles et qu’il est donc peu convaincant [traduction CICR] » et souligne que « l’équipe du MEC ne s’est jamais rendue sur les lieux de l’attaque présumée [...], qu’elle s’est fondée sur des preuves recueillies auprès de groupes rebelles contrôlant la zone [...] [et] qu’elle n’avait pas non plus dûment inspecté la base aérienne d’Al-Chaayrate [...] puisqu’elle n’avait pas prélevé d’échantillons de sol sur place [traduction CICR]128  ». À l’inverse de l’affirmation selon laquelle le gouvernement syrien est responsable des attaques chimiques contre les forces antigouvernementales, selon une autre version, des civils auraient utilisé des stocks de chlore qui n’avaient jamais été déclarés ou vérifiés, ou du gaz sarin provenant de stocks non déclarés et que les armes chimiques auraient été illégalement introduites en Syrie, peut-être depuis la Turquie, par des forces cherchant à destituer Assad, afin de mettre en scène l’emploi d’armes qui serait imputé au gouvernement syrien et qui déclencherait une intervention internationale dans la guerre contre les forces d’Assad129 .

Que faire face à des informations contradictoires et aux implications politiques et juridiques importantes découlant de l’absence d’une vérité reconnue sur le plan international ? Du point de vue du droit international, la suite à donner à ces allégations est claire. L’emploi d’armes chimiques dans un conflit armé constitue un crime de guerre et les crimes de guerre doivent faire l’objet d’une enquête ; les responsables présumés doivent être poursuivis et, s’ils sont déclarés coupables, ils doivent être punis130 . L’ultra-politisation de la situation en Syrie, les controverses à propos de l’emploi d’armes chimiques, ainsi que le travail préparatoire déjà réalisé par les mécanismes internationaux existants, sont autant de raisons de penser qu’un tribunal pénal international indépendant serait l’enceinte la plus appropriée pour enquêter sur ces crimes et poursuivre leurs auteurs.

La Cour pénale internationale

L’une des voies serait que le Conseil de sécurité défère la situation en Syrie à la CPI, en utilisant les pouvoirs dont il dispose en vertu du Chapitre VII131 . Conformément à l’article 13, par. b) du Statut de Rome de la CPI, le Conseil de sécurité, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des NU, peut déférer au Procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis. Bien qu’à certains égards, la CPI semble être l’enceinte la plus appropriée pour juger ces crimes de guerre, cette voie se heurte à deux obstacles majeurs. Le premier est d’ordre politique. Une résolution du Conseil de sécurité qui défèrerait la situation en Syrie à la CPI serait très probablement bloquée par un veto de la Russie et sans doute  aussi de la Chine. La situation s’est déjà présentée en 2014, lorsqu’un projet de résolution soutenu par treize membres du Conseil de sécurité, qui visait à déférer à la CPI la situation en Syrie, s’était heurté à un veto de la Russie et de la Chine132 .

Le second obstacle est d’ordre juridique. L’emploi d’armes chimiques ne figure pas expressément sur la liste des crimes relevant de la compétence de la CPI. Comme indiqué ci-dessus, la CPI est compétente pour juger des crimes de guerre constitués par le fait d’employer « du poison ou des armes empoisonnées » ou « des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires », commis dans le cadre d’un conflit armé international ou non international133 . S’il apparaît, à première vue, que la plupart des emplois d’armes chimiques entreraient dans ces catégories, les travaux préparatoires du Statut de Rome montrent que les armes chimiques ont été délibérément exclues du champ de compétence de la CPI134 . Pendant la Conférence de Rome, l’insertion, à l’article 8, des armes chimiques, fut largement débattu135 . Un avant-projet de l’article 8 mentionnait spécifiquement les « armes chimiques telles que définies et interdites par la Convention de 1993 sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction ». Bien que toute référence aux armes chimiques telles que définies dans la CIAC ait été délibérément exclue, il a été argumenté, de façon convaincante, que comme les expressions « poison ou armes empoisonnées » et « gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que tous liquides, matières ou procédés analogues », étaient directement tirés du Protocole de Genève de 1925, elles visaient bien tous les types d’armes chimiques136 .

Le projet de Statut contenait aussi une interdiction générale des armes causant des maux superflus ou des souffrances inutiles ou de nature à frapper sans discrimination. Les États détenteurs d’armes nucléaires se sont opposés à cette proposition car elle aurait également interdit l’emploi des armes nucléaires. En guise de compromis et afin d’apaiser certains États non dotés de l’arme nucléaire qui voyaient les armes biologiques et chimiques comme « les armes de destruction massive des pauvres », la mention des armes chimiques et biologiques a été retirée, de même que la disposition générale qui pouvait couvrir les armes nucléaires137 . À la place, c’est une clause de substitution qui fut insérée, permettant que ces armes puissent être ajoutées, à part, ultérieurement. L’article 8, par. 2, al. b) (xx) donne compétence à la CPI pour les crimes de guerre constitués par « [l]e fait d’employer les armes, projectiles, matières et méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles ou à frapper sans discrimination en violation du droit international des conflits armés ». Cette disposition n’entrera en vigueur que lorsqu’une annexe dressant la liste de ces armes aura été adoptée. Aucun accord n’a encore été trouvé. Même si un accord était trouvé sur une annexe dressant la liste des armes chimiques, cette disposition n’apparaîtrait que dans la liste des crimes de guerre commis dans le cadre des conflits armés internationaux et ne s’appliquerait donc pas aux attaques chimiques en Syrie.

Si la CPI décidait que l’emploi d’armes chimiques est contraire à l’interdiction d’employer « du poison ou des armes empoisonnées » ou « des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires » inscrite à l’article 8, par. 2, al. e) (xiii–xiv) du Statut de Rome, il se poserait, par ailleurs, une question de compétence. Lors de la Conférence de révision de Kampala, en 2010, ces dispositions ont été ajoutées à la liste des crimes de guerre commis dans le cadre d’un conflit armé non international figurant dans le Statut de Rome, conformément à l’article 121, par. 5 du Statut. Selon cette disposition, l’amendement entre en vigueur à l’égard de chaque État partie qui le ratifiera. En revanche, « [l]a Cour n’exerce pas sa compétence à l’égard d’un crime faisant l’objet de cet amendement lorsque ce crime a été commis par un ressortissant d’un État Partie qui n’a pas accepté l’amendement ou sur le territoire de cet État ». La Syrie n’est pas partie au Statut de Rome et il ne ressort pas clairement du texte du Statut si le fait qu’une situation soit déférée à la CPI par le Conseil de sécurité des NU pourrait viser des crimes ajoutés au Statut par un amendement adopté conformément à l’article 121, par. 5. Dès lors que l’article 121, par. 5 vise à donner compétence à la Cour si l’État a accepté l’amendement et que le renvoi par le Conseil de sécurité ne repose pas sur l’acceptation d’un État, on peut penser, en toute logique, que l’article 121, par. 5 ne peut pas s’appliquer aux renvois par le Conseil de sécurité138 . Cette interprétation serait la plus conforme au but des renvois du Conseil de sécurité dans le Statut de Rome. Cependant, il reste à voir comment la CPI tranchera cette question139 .

En théorie, l’emploi d’armes chimiques en Syrie pourrait être poursuivi en tant qu’« atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle » contre des personnes ne participant pas directement aux hostilités ou contre des membres des forces armées hors de combat, ou comme « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des personnes civiles qui ne participent pas directement aux hostilités », conformément à l’article 8, par. 2, al. b) (i) ou 8, par. 2, al. e) (i) du Statut. Mais pour établir la culpabilité des auteurs de ces violations, il faudrait prouver que ces attaques étaient dirigées contre des civils ou des personnes ne participant pas directement aux hostilités. Ces éléments ne tiennent pas compte du caractère absolument criminel de l’emploi d’armes chimiques, lesquelles sont interdites même lorsqu’elles sont dirigées contre des membres des forces armées.

Outre la poursuite de l’emploi d’armes chimiques en tant que crime de guerre au sens du Statut de Rome, une autre voie serait de le poursuivre en tant que crime contre l’humanité au sens de l’article 7 du Statut. Cela serait possible lorsqu’il résulte de l’emploi de ces armes, des actes interdits tels le meurtre, l’extermination, la persécution140 , ou tous autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale et que ces actes aient été commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre la population civile. Par exemple, si l’emploi d’armes chimiques s’inscrit dans le cadre de la commission multiple d’actes à l’encontre d’une population civile en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but cette attaque, pourrait constituer un crime contre l’humanité141 . Différents types d’emplois d’armes chimiques pourraient également constituer un crime contre l’humanité. Compte tenu de l’emploi répété d’armes chimiques en Syrie, comme l’ont confirmé les rapports de la MEF et du MEC, ainsi que d’autres rapports faisant état de l’emploi de ces armes de manière coordonnée avec d’autres attaques contre la population civile142 , poursuivre le fait d’employer des armes chimiques en tant que crime contre l’humanité serait une voie envisageable pour le procureur, à condition que tous les éléments du crime puissent être prouvés.

En théorie, l’emploi d’armes chimiques pourrait également être poursuivi en tant que crime de génocide, conformément à l’article 6 du Statut de Rome, lorsque cet emploi constitue l’un des actes interdits comme le meurtre de membres du groupe visé ou des atteintes graves à leur intégrité physique et que ces actes ont été commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. L’emploi d’armes chimiques a fait l’objet de poursuites devant d’autres juridictions en tant que moyen pour commettre des actes constitutifs d’un génocide143 . Cependant, les faits se rapportant à l’emploi d’armes chimiques en Syrie ne semblent pas apporter la preuve d’une intention de l’une ou l’autre des parties au conflit de détruire un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Les attaques commises semblent plutôt prendre pour cible des opposants politiques, des combattants ennemis ou des civils vivant dans des territoires contrôlés par les rebelles. Aussi, il est peu probable qu’il puisse être démontré que l’emploi d’armes chimiques en Syrie constitue un génocide.

Un tribunal pénal international ad hoc

Une autre voie serait que le Conseil de sécurité, en vertu des pouvoirs que lui confère le Chapitre VII, adopte une résolution créant un tribunal pénal international ad hoc pour connaître de l’emploi d’armes chimiques en Syrie. La création d’un tribunal pour traiter de l’emploi d’armes chimiques en Syrie serait une suite logique aux conclusions du MEC sur l’attribution des responsabilités. Le Conseil de sécurité a maintes fois affirmé que « l’emploi d’armes chimiques constitue une violation grave du droit international », estimant que cela « constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales144  », soulignant que « les personnes responsables de l’emploi d’armes chimiques en République arabe syrienne doivent répondre de leurs actes145  » et a menacé d’imposer des mesures en vertu du Chapitre VII en cas d’emploi d’armes chimiques146 . Comme il l’a fait pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, le Conseil de sécurité pourrait créer un tribunal pénal international ad hoc pour la Syrie, en vertu des pouvoirs que lui confère le Chapitre VII. Un tel tribunal pourrait se focaliser sur l’établissement des responsabilités dans l’emploi d’armes chimiques, en se fondant sur les précédentes résolutions à ce sujet et notamment sur la résolution 2235 qui a créé le MEC.

A minima, les conclusions du MEC fournissent sans doute suffisamment d’éléments pour imaginer qui est responsable des attaques chimiques en Syrie et constituent donc un fondement suffisant pour lancer un mandat d’arrêt. Si, comme l’affirment les gouvernements syrien et russe, les conclusions du MEC sont erronées, une enquête et un procès dûment menés seraient probablement le meilleur moyen de recueillir et d’évaluer les éléments de preuve et de permettre aux différentes parties d’exposer leurs arguments dans le cadre d’un procès conduit de manière transparente, juste et équitable. Sans ce prolongement judiciaire, les rapports du MEC mettront fin au chapitre pour l’aspect institutionnel, ce qui n’est probablement pas la meilleure solution pour Damas, la Russie ou d’autres alliés de la Syrie.

Cependant, pour que le Conseil de sécurité puisse adopter une telle résolution, l’unanimité de ses cinq membres permanents est toujours nécessaire. Or si la Russie et la Chine ne sont pas convaincues de la nécessité ou de l’intérêt de créer un tribunal pénal international ad hoc sur les crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques, cette résolution ne sera jamais adoptée.

Poursuites nationales

Les États peuvent aussi engager des poursuites devant leurs propres tribunaux, mais, pour ce faire, les juridictions internes doivent pouvoir se fonder sur une législation adéquate et être en mesure d’enquêter sur un crime complexe pouvant nécessiter des accords d’extradition et d’entraide judiciaire. Un tribunal pénal international serait mieux à même, en termes de moyens et de légitimité, d’établir la « vérité » à propos de l’emploi d’armes chimiques en Syrie. Néanmoins, des poursuites pénales internes peuvent être une voie possible si la compétence des juridictions est établie.

L’article VII de la CIAC, qui bénéfice d’une adhésion quasi universelle147 , oblige les États parties à se doter d’une législation pénale sanctionnant l’emploi d’armes chimiques. Au 31 juillet 2016, 145 États parties (76 %) avaient mis des interdictions en place, tandis que 143 (74 %) avaient instauré des peines spécifiques. 127 États parties (66 %) avaient instauré la compétence extraterritoriale de leurs juridictions (pour connaître de crimes commis par leurs ressortissants148 ). En outre, l’interdiction la plus générale de l’emploi d’armes chimiques figure à l’article I, par. 1, al. b) de la CIAC. La CIAC impose aux États parties, à ne jamais, en aucune circonstance, employer des armes chimiques, les mettre au point, les fabriquer ou les acquérir d’une autre manière, les stocker ou les conserver, ou les transférer (directement ou indirectement) à qui que ce soit, aider, encourager ou inciter quiconque, de quelque manière que ce soit, à entreprendre l’une de ces activités149 . Cette vaste catégorie de possibles activités criminelles vise toute une série d’auteurs directs et indirects. Cependant, la CIAC exige seulement que les législations nationales couvrent les crimes commis sur le territoire d’un État partie ou par ses ressortissants. Par conséquent, s’agissant de l’emploi d’armes chimiques en Syrie, cela signifie que finalement, seule la Syrie pourrait enquêter sur ces crimes et engager des poursuites (une observation faite par l’ambassadeur de Russie dans sa déclaration lors de la 83e session du Conseil exécutif de l’OIAC150 ). Si des combattants étrangers étaient impliqués dans l’emploi d’armes chimiques en Syrie, ce sont les États dont ces contrevenants sont ressortissants, qui seraient compétents pour les poursuivre, en application de l’article VII de la CIAC. Or il est probable que la majorité des personnes impliqués dans ces crimes soient des ressortissants syriens et seuls quelques États parties à la CIAC se sont dotés d’une législation donnant une compétence universelle à leurs juridictions pour les crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques, quel que soit le pays où le crime a été commis et quelle que soit la nationalité des auteurs151 .

Un plus grand nombre de juridictions nationales peuvent être en mesure d’exercer une compétence universelle sur les crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques en Syrie, en poursuivant ces actes en tant que crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocide. Il s’agit notamment des États qui sont parties au Statut de Rome et qui ont ratifié l’amendement de Kampala, lesquels peuvent s’être dotés d’une législation qui leur permettrait de poursuivre les personnes suspectées d’avoir employé des armes chimiques en Syrie, quelle que soit leur nationalité152 . Cependant, d’autres États peuvent aussi poursuivre des personnes suspectées d’avoir commis des violations graves du droit international humanitaire, telles que des attaques contre des populations civiles, des attaques sans discrimination et des meurtres.

Les poursuites engagées au niveau national sont confortées par la pratique des organes politiques de l’OIAC, de la Conférence des États parties et du Conseil exécutif, qui ont régulièrement « souligné que l’emploi d’armes chimiques par quiconque et dans quelques circonstances que ce soit, est répréhensible et contraire aux normes et principes juridiques de la communauté internationale153  ». Dans la Déclaration d’Ypres, adoptée le 21 avril 2015, les États parties à la CIAC ont, à l’unanimité, « soulign[é] que tout emploi d’armes chimiques où que ce soit, en tout temps, par qui que ce soit, quelles que soient les circonstances est inacceptable et représenterait une violation des principes juridiques et des normes de la communauté internationale » et se sont déclarés « fermement convaincus que les personnes responsables de l’emploi d’armes chimiques doivent répondre de leurs actes154  ». Cette déclaration a été reprise dans plusieurs décisions opérationnelles du Conseil exécutif155 . Ces mêmes termes ont également été repris dans des déclarations des États parties lors de réunions régionales et nationales des organes décisionnels156 . Soixante-et-un États parties ont fait une déclaration conjointe lors de la Conférence des États parties de 2016, par laquelle ils se sont dits « fermement convaincus que les responsables de l’utilisation d’armes chimiques doivent rendre des comptes157  ». En 2017, un État partie a explicitement déclaré que « l’emploi d’armes chimiques par qui que ce soit et quelles que soient les circonstances, constitue un crime international158  ».

Au niveau national, il y a un certain nombre de poursuites engagées contre des acteurs non étatiques pour emploi ou détention d’armes chimiques. Pour la plupart, ces affaires reposent sur les législations mettant en œuvre la CIAC et sont souvent associées à des poursuites pour faits de terrorisme159 . L’emploi d’armes chimiques a également fait l’objet de poursuites au niveau national en tant que crime de guerre, génocide ou crime contre l’humanité. Dans l’affaire du Zyklon B portée devant la Cour militaire britannique de Hambourg, le propriétaire de l’entreprise et le directeur adjoint qui avaient organisé la livraison du gaz toxique aux SS ont été reconnus coupables de crime de guerre pour « avoir fourni en connaissance de cause du gaz toxique destiné à l’extermination des ressortissants alliés internés dans les camps de concentration 160  ». Ce sont 4,5 millions de personnes qui ont été exterminées avec du Zyklon B rien que dans le camp d’Auschwitz-Birkenau161 . Cette affaire illustre bien comment l’emploi d’armes chimiques peut être un moyen « d’extermination en masse d’êtres humains [traduction CICR]162  » et peut être poursuivi en tant que crime international163 .

Lors de la Seconde Guerre mondiale, l’emploi par le Japon, via ses unités 731 et 100 basées en Chine164 , d’armes chimiques et biologiques a fait l’objet de poursuites, au niveau national, par l’Union soviétique pour crime contre l’humanité165 . Lors du procès, l’emploi d’armes chimiques et biologiques a été qualifié, dans les contributions des différentes parties d’« acte considéré comme un crime odieux dans tout pays civilisé [traduction CICR]166  ». Les membres des unités 731 et 100 furent également poursuivis par les autorités chinoises, mais il n’existe pas d’archives fiables de ces procès. Dans l’affaire Van Anraat, un détaillant de produits chimiques néerlandais qui vendait au gouvernement de Saddam Hussein des composants chimiques utilisés dans la production de gaz moutarde, a été jugé pour complicité de génocide et de crimes de guerre. Il a finalement été acquitté du chef de génocide, mais reconnu coupable du chef de crimes de guerre167 . Sa condamnation a été confirmée par la Cour d’appel168 , la Cour suprême des Pays-Bas169 et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)170 .

Dans l’affaire Anfal, Ali Hassan al-Majid, secrétaire général du Bureau Nord du parti Baas chargé du commandement de tous les services de l’État dans la région kurde du pays en 1987 et 1988, a été reconnu coupable de génocide commis contre les Kurdes au moyen d’armes chimiques par le Tribunal spécial irakien. Le Haut tribunal pénal a conclu qu’al-Majid, responsable de la mise en œuvre d’une politique d’extermination des Kurdes dans le cadre d’une entreprise criminelle commune avec Saddam Hussein, avait « clairement l’intention » de cibler la population kurde avec du gaz sarin et du gaz moutarde171 . Parmi les preuves qui ont été produites, il y avait un certain nombre d’enregistrements audio de réunions entre al-Majid et de hauts représentants du parti Baas en 1988 et 1989, dans lesquels al-Majid déclarait : « Je les tuerai tous avec des armes chimiques ! Qui va dire quoi que ce soit ? La communauté internationale ? Qu’elle aille se faire foutre ! La communauté internationale et ceux qui l’écoutent [traduction CICR]172  ».

Les mesures prévues par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques

La CIAC offre une autre voie qui permettrait d’établir un tribunal pénal international pour connaître de l’emploi d’armes chimiques en Syrie. Contrairement au Conseil de sécurité, les membres des organes directeurs de l’OIAC ne disposent pas d’un droit de veto. Bien que les décisions soient généralement adoptées par consensus, elles peuvent également être prises à la majorité des voix173 . Aussi, à la suite des rapports du MEC de 2016, le Conseil exécutif de l’OIAC a adopté une décision à la majorité des voix qui, entre autres, chargeait le Secrétariat technique d’inspecter les différents sites recensés par le MEC comme ayant été concernés par des attaques chimiques174 . De la même manière, lors d’une session spéciale en 2018, la Conférence des États parties a adopté une décision à la majorité des voix, laquelle a créé le fameux « mécanisme d’attribution des responsabilités », mandaté pour identifier les auteurs de l’emploi d’armes chimiques175 .

Selon la CIAC, la Conférence des États parties « prend les mesures nécessaires (…) pour redresser et corriger toute situation qui contrevient aux dispositions de la Convention » et énumère un certain nombre de moyens pour y parvenir, parmi lesquels la possibilité de recommander des mesures collectives aux États parties176 . Étant donné que la poursuite et la condamnation des auteurs de crimes de guerre constitue la réponse appropriée, on peut penser que la création d’un tribunal international ad hoc ou hybride pour juger les auteurs présumés, constituerait l’une des « mesures nécessaires » pour redresser l’emploi d’armes chimiques en Syrie177 . Cela peut être particulièrement opportun lorsque d’autres instances nationales ou internationales refusent ou ne sont pas en mesure d’exercer ces fonctions judiciaires. Cela pourrait aussi permettre aux États membres de l’OIAC de mettre en place une procédure juridictionnelle qui puisse établir les responsabilités individuelles sans avoir, dans un premier temps, à déterminer la responsabilité d’un État en se fondant sur les conclusions des rapports du MEC sur lesquelles les États parties sont encore divisés. Cela n’empêcherait pas les organes directeurs de l’OIAC de se prononcer par la suite sur la responsabilité de l’État et de prendre les mesures nécessaires conformément à l’article XII, au vu de la situation. Pour ce qui est des mesures relatives à l’attribution des responsabilités, on pourrait aussi considérer qu’il est nécessaire que les organes directeurs de l’OIAC reconnaissent ou instaurent, pour les États parties, une obligation d’enquêter, de poursuivre et de punir les auteurs, quelle que soit leur nationalité ou quel que soit le lieu où les crimes ont été commis, en tant que mesure pour redresser la situation.

La décision adoptée en 2018 par la Conférence des États parties, créant le mécanisme d’attribution, montre bien l’étendue des pouvoirs de l’OIAC dans ce domaine. Cette décision mentionne qu’elle est juridiquement fondée sur le mandat général de la Conférence des États parties qui lui confère le pouvoir de se prononcer sur toutes les questions soulevées par un État partie ou portées à son attention par le Conseil exécutif et de déterminer dans quelle mesure la CIAC est respectée178 . Dans la décision, la seule référence à l’article XII concerne l’obligation de porter le problème ou la question à l’attention de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité des NU si la situation est particulièrement grave179 . Pour autant, les travaux du mécanisme pourraient conduire à des poursuites pénales. L’Équipe doit « conserver et fournir des informations » au MIII, ainsi qu’à « toute autre entité chargée d’un travail d’enquête établie sous les auspices des Nations unies180  ». À cette fin, le Secrétariat technique a conclu un accord avec le MIII181 .

Lorsque le travail du Conseil de sécurité est bloqué, le rôle des organes directeurs de l’OIAC pour prendre des mesures afin de redresser la situation en cas de violations de la CIAC prend une toute nouvelle dimension. En tant que gardiens de la CIAC, dont l’objectif est d’éliminer toute possibilité d’emploi d’armes chimiques, les organes directeurs de l’OIAC sont particulièrement bien placés pour contribuer à mettre en place un mécanisme d’établissement des responsabilités dans l’emploi d’armes chimiques en Syrie. Si un tel mécanisme était intégré dans un plan de paix global ou dans des négociations bénéficiant d’un soutien international, cela consoliderait sans aucun doute le soutien apporté à une telle décision par les organes directeurs de l’OIAC.

Conclusion – les possibilités pour aller de l’avant

La vérité, c’est que le droit international humanitaire pose toute une série de lignes rouges et que nombre d’entre elles ont été franchies lors de la guerre en Syrie. Mais la particularité du franchissement de la ligne rouge par l’emploi d’armes chimiques, c’est sa condamnation unanime par la communauté internationale et l’absence totale de moyens juridiques. Aucune des parties au conflit armé en Syrie n’a reconnu avoir employé des armes chimiques ni n’a justifié leur emploi. Il y a de bonnes raisons à cela. L’interdiction d’employer des armes chimiques est absolue. Aucune raison ni aucune nécessité militaire ne peut être invoquée pour justifier leur emploi. Les armes chimiques sont interdites, car leur emploi est contraire à la règle fondamentale interdisant les moyens et méthodes de guerre qui sont de nature à causer des souffrances inutiles et des maux superflus182 . Cette règle fait référence aux effets des armes sur les combattants. L’emploi d’armes chimiques est également contraire à la règle interdisant les attaques sans discrimination et l’emploi d’armes frappant sans discrimination183 . L’emploi d’armes chimiques est donc illicite, que les cibles ou les victimes soient des civils ou des membres de forces armées ou de groupes armés. L’interdiction s’applique, qu’il y ait une seule victime ou une centaine de victimes. Par conséquent, dès lors que la responsabilité de l’emploi d’armes chimiques est établie avec certitude, la discussion juridique est close.

Cela ne signifie pas que le crime de guerre constitué par l’emploi d’armes chimiques soit plus grave ou mérite davantage d’être puni que tous les autres crimes de guerre. Cependant, s’agissant du conflit armé en Syrie, l’unité de la position mondiale à propos des crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques peut être l’opportunité d’aller plus loin dans l’établissement des responsabilités, dans la perspective complexe d’une possible transition vers la paix. Bien que la « ligne rouge » que constitue l’emploi d’armes chimiques ait été franchie à plusieurs reprises pendant la guerre, l’interdiction d’employer ces armes reste immuable. La Syrie a réaffirmé que « l’armée n’utiliserait jamais de telles armes contre son propre peuple ou même contre des terroristes [traduction CICR]184  ». La Fédération de Russie et l’Iran (lui-même victime d’attaques chimiques lors de la guerre Iran-Irak et habituellement fervent défenseur des victimes d’attaques chimiques), alliés de la Syrie, ont vigoureusement défendu la Syrie contre ces accusations. Même l’État islamique – qui a publiquement reconnu avoir commis des atrocités, telles que l’esclavage sexuel, des meurtres et des traitements cruels – n’a revendiqué aucune attaque chimique, malgré les conclusions du MEC selon lesquelles il aurait utilisé du gaz moutarde à deux reprises185 . Contrairement à d’autres armes interdites par le droit international, l’emploi d’armes chimiques en Syrie a fait l’objet de deux mesures spécifiques d’établissement des responsabilités prises par la communauté internationale : le Mécanisme du Secrétaire général et le MEC. Ces initiatives méritent d’être particulièrement saluées compte tenu du caractère politique hautement sensible de la réglementation de l’emploi des armes au niveau international. Cela montre l’unité singulière de la position de la communauté internationale à propos de l’interdiction des armes chimiques en droit international et la nécessité d’établir les responsabilités.

Avec la publication des rapports du MEC identifiant les auteurs des attaques chimiques en Syrie, la communauté internationale se trouve maintenant face à cette question : les États ont-ils la volonté de prendre les mesures nécessaires pour que les responsables rendent des comptes ? Certains observateurs ont relevé à juste titre qu’un « tribunal ad hoc dédié à la Syrie constitue le moyen le plus prometteur pour que les auteurs de crimes de guerre répondent de leurs actes, pour autant qu’il y ait une véritable volonté de le créer [traduction CICR]186  ». Comme le montrent les réactions de la communauté internationale face à l’emploi d’armes chimiques en Syrie, la principale différence entre les crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques et les autres crimes internationaux commis pendant la guerre en Syrie est qu’il y a une volonté politique d’identifier les responsables des attaques à l’arme chimique. Cette volonté politique ressort clairement du plan d’action des États-Unis et la Russie pour l'élimination des armes chimiques syriennes, des décisions du Conseil exécutif de l’OIAC sur la destruction des armes chimiques en Syrie, du soutien apporté à la MEF, de la décision de la Conférence des États parties de créer un mécanisme d’attribution des responsabilités, des résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des NU créant des mécanismes d’établissement des responsabilités et demandant à ce que les auteurs de crimes à l’arme chimique répondent de leurs actes, des sanctions imposées par certains États à ceux considérés comme étant impliqués dans ces attaques, des frappes militaires unilatérales des États-Unis contre la base aérienne d’Al-Chaayrate et des frappes aériennes conjointes des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France consécutives à l’incident de Douma.

Cette volonté politique pourrait être mise à profit pour créer un tribunal ad hoc chargé de juger les auteurs présumés de ces crimes. La mention de tribunaux internationaux dans des accords de paix ou leur approbation, peuvent jouer un rôle important dans la crédibilité du processus de paix. L’accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine de 1995 faisait référence (en annexe) au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et prévoyait l’obligation des parties de coopérer avec ce Tribunal. L’accord de Londres de 1945187 a créé le tribunal militaire international de Nuremberg. Un tribunal ad hoc peut être un outil facilitant la transition vers la paix. Dans cette situation déroutante où les faits sont contestés et les versions contradictoires, un procès international pourrait être le moyen le mieux accepté et le plus légitime pour établir la vérité sur l’emploi d’armes chimiques en Syrie. Compte tenu de l’importance donnée par la communauté internationale à l’emploi d’armes chimiques dans cette guerre, la vérité, au moins sur cet aspect de la guerre, peut constituer une base acceptable à partir de laquelle il est possible d’amorcer la transition vers une paix durable. En outre, intégrer un tribunal ad hoc pour les crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques dans les négociations de paix peut constituer un moyen crucial pour encourager l’acceptation internationale de ce processus. Un accord de paix en Syrie qui serait totalement dépourvu de mécanismes d’établissement des responsabilités, risquerait de ne pas jouir du vaste soutien régional ou international qui lui est indispensable et serait voué à l’échec. En outre, un tribunal ad hoc constituerait une incitation supplémentaire à mettre fin à l’emploi d’armes chimiques en Syrie. Le fait que des armes chimiques aient continué d’être employées même après la création du MEC et du MIII, montre que ces mécanismes qui, contrairement à un tribunal, ne formulent pas de conclusions au-delà de tout doute raisonnable et ne peuvent pas imposer de sanctions, n’ont pas eu d’effet dissuasif sur les auteurs. Il est probable que les poursuites pénales en cours soient plus efficaces. La création d’un tribunal ad hoc pourrait être une solution politiquement plus solide qu’un renvoi du Conseil de sécurité devant la CPI et ce tribunal pourrait être conçu de manière à répondre aux attentes des États qui en soutiennent la création, tout en restant indépendant et impartial. Contrairement à des procès nationaux, un tribunal ad hoc fonctionnerait grâce à la coopération entre les États et il se fonderait sur le droit international plutôt que sur des accords d’extradition et le droit national, lesquels pourraient s’avérer difficiles à appliquer aux crimes commis en Syrie. Plus important encore, un tribunal ad hoc pourrait être créé dans le cadre de l’accord de paix, ce qui témoignerait d’un engagement des parties concernées en faveur de la justice.

Un mécanisme pour juger les auteurs présumés de crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques serait de l’intérêt de tous les principaux acteurs. Il renforcerait la crédibilité du Conseil de sécurité ou celle de l’OIAC s’il était créé par cette organisation. Un tribunal permettrait que les éléments de preuves relatifs à l’emploi d’armes chimiques et aux responsabilités soient présentés et débattus dans le cadre d’un procès équitable. Un tribunal représente le meilleur moyen pour les représentants du régime syrien accusés d’être impliqués dans ces crimes et faisant l’objet de sanctions par les États-Unis et l’Union européenne, d’être innocentés, ou que la responsabilité leur soit imputée dans le cadre d’un procès public et équitable.

Les arguments présentés ici en faveur de la création d’un tribunal ad hoc pour connaître des crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques ne signifie pas que tous les autres crimes commis pendant le conflit en Syrie, resteraient impunis – du moins pas à long terme. Mais le fait d’injecter un minimum de justice et un peu d’état de droit sur lesquels toutes les parties pourraient tomber d’accord, dans la négociation d’un accord de paix pourrait offrir quelques perspectives, alors que l’horizon juridique et politique est par ailleurs bien sombre.

 

  • 1« Syria Death Toll: UN Envoy Estimates 400,000 Killed », Al Jazeera, 23 avril 2016, disponible sur : www.aljazeera.com/news/2016/04/staffan-de-mistura-400000-killed-syria-c… (toutes les références internet ont été vérifiées en janvier 2023).
  • 2La Commission d’enquête internationale indépendante des Nations unies sur la République arabe syrienne (CDE) a fait état de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en Syrie depuis 2011. Tous les rapports, une vingtaine environ, sont disponibles sur : https://www.ohchr.org/FR/HRBodies/HRC/Pages/Home.aspx IICISyria/Pages/Documentation.aspx. Pour une analyse détaillée des crimes internationaux qui ont pu être commis, voir Beth Van Schaak, « Mapping War Crimes in Syria », International Legal Studies, vol. 92, no 1, 2016, disponible sur : http://stockton.usnwc.edu/ils/vol92/iss1/9/.
  • 3Voir, par exemple, Amnesty International, Syria: « It Breaks the Human »: Torture, Disease AMD Death in Syria’s Prisons, 18 août 2017, disponible sur : www.amnesty.org/en/documents/mde24/4508/2016/en/.
  • 4Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, « About the Crisis », disponible sur : http://www.unocha.org/syrian-arab-republic/syria-country-profile/about-… ; Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), « Syria Regional Refugee Response », disponible sur : https://data.unhcr.org/en/situations/syria.
  • 5Colum Lynch, « To Assuage Russia, Obama Administration Backed Off Syria Chemical Weapons Plan », Foreign Policy, 19 mai 2017, disponible sur : http://foreignpolicy.com/2017/05/19/to-assuage-russia-obama- administration-backed-off-syria-chemical-weapons-plan/ (« En effet, le nombre de Syriens tués par des armes chimiques – plus de 1 500 personnes environ fin 2015 selon la Syrian American Medical Society – ne représente qu’une petite partie du nombre de morts dans le pays [traduction CICR] »).
  • 6D’autres initiatives internationales – à l’instar de la création de la Commission d’enquête mise en place par le Conseil des droits de l’homme (CoI) et du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger ceux qui en sont responsables, établi par l’Assemblée générale (MIII) (Doc. NU A/71.L.48, 19 décembre 2016), deux organes mandatés pour recueillir des informations concernant des crimes internationaux commis en Syrie – n’ont pas bénéficié d’un soutien unanime. La résolution créant la CoI (Doc. NU A/HRC/RES/S-17/1) a été adoptée avec trente-trois voix pour, quatre voix contre et neuf abstentions, alors que le MIII a été adopté par 105 voix pour, quinze voix contre (dont celles de la Fédération de Russie, de la Chine et de l’Iran) et cinquante-deux abstentions.
  • 7Voir, par exemple, Paul F. Walker, « Syrian Chemical Weapons Destruction: Taking Stock and Looking Ahead », Arms Control Association, décembre 2014, disponible sur : www.armscontrol.org/ACT/2014_12/ Features/Syrian-Chemical-Weapons-Destruction-Taking-Stock-And-Looking-Ahead.
  • 8Rés. 2235, CSNU, 7 août 2015.
  • 9Conseil de l’Union européenne, « Liste des personnes physiques et morales, des entités ou des organismes faisant l’objet de mesures restrictives en raison de la situation en Syrie », 28 octobre 2016, disponible sur : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2016:293:F… ; Département du Trésor des États-Unis, « Treasury Sanctions Syrian Officials in Connection with OPCW-UN Findings of Regime’s Use of Chemical Weapons on Civilians », 12 janvier 2017, disponible sur : https://home.treasury.gov/news/press-releases/jl0701. Les sanctions imposées par divers pays contre des représentants du régime syrien sont reprises sur le site web du Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques, disponible sur : https://www.noimpunitychemicalweapons.org/-fr-.html.
  • 10Dan Lamothe, Missy Ryan et Thomas Gibbons-Neff, « U.S. Strikes Syrian Military Airfield in First Direct Assault on Bashar el-Assad’s Government », Washington Post, 6 avril 2017, disponible sur : https://www.washingtonpost.com/world/national-security/trump-weighing-m… ; Helene Cooper, Thomas Gibbons-Neff et Ben Hubbard, « U.S., Britain and France Strike Syria over Suspected Chemical Weapons Attack », The New York Times, 13 avril 2018, disponible sur : www.nytimes.com/2018/04/13/world/middleeast/trump-strikes-syria-attack….
  • 11Le présent article traite essentiellement des événements survenus entre 2012 et fin avril 2018. Pour une analyse des raisons expliquant la disparité des réponses internationales apportées face aux atrocités commises en Syrie, voir Tim McCormack, « Chemical Weapons and Other Atrocities: Contrasting Responses to the Syrian Crisis », International Law Studies, vol. 92, 2016.
  • 12L’ONU a reçu des rapports concernant des incidents qui se seraient produits à Salqin le 17 octobre 2012 et à Homs le 23 décembre 2012. La Mission d’enquête des Nations unies concernant les allégations d’emploi d’armes chimiques en République arabe syrienne (Mission des NU) a conclu qu’elle ne disposait pas reçu d’informations suffisantes et crédibles pour enquêter sur les incidents qui se seraient produits. Voir Mission des NU, Rapport final, Doc. NU A/68/663–S/2013/735, 13 décembre 2013 (Rapport final de la Mission des NU), par. 12–13, 18, 27, 45.
  • 13« Annexe à la note verbale datée du 7 novembre 2005, adressée au Président du Comité par la Mission permanente de la République arabe syrienne auprès de l’Organisation des Nations unies », note no S/AC.44/ 2005/DDA/OC.S, 15 juin 2005.
  • 14« Spiegel Interview with Syrian President Bashar Assad: “Peace Without Syria is Unthinkable” », Spiegel, 19 janvier 2009, disponible sur : www.spiegel.de/international/world/spiegel-interview-with-syrian-presid…- bashar-assad-peace-without-syria-is-unthinkable-a-602110-2.html.
  • 15« Syria Chemical Weapons Allegations », BBC News, 31 octobre 2013, disponible sur : www.bbc.com/news/ world-middle-east-22557347.
  • 16« Remarks by the President to the White House Press Corps », 20 août 2012, disponible sur : https:// obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2012/08/20/remarks-president-white-house-press-corps (extrait du discours repris et traduit par  France Info, disponible sur : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/histoires-d-info/histoires-d-i…).
  • 17Rapport final de la Mission de l’ONU, op. cit. note 12, par. 5. Le gouvernement syrien a fait part aux Nations Unies « de l’allégation selon laquelle (…) des groupes terroristes armés auraient tiré une roquette depuis les alentours de Kfar De’il en direction Khan al-Assal, dans la province d’Alep », causant la mort de vingt-cinq personnes et faisant plus de 110 blessés parmi les civils et les soldats. Par la suite, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis ont tous trois fait état aux NU de ce même incident ainsi que d’autres. Dans une lettre datée du 14 juin 2013, les États-Unis ont transmis au Secrétaire général des NU leur évaluation selon laquelle les forces gouvernementales syriennes auraient employé du gaz sarin lors de l’attaque de Khan al-Assal, le 19 mars 2013. Ibid., par. 7–8.
  • 18Ibid., par. 6.
  • 19L’article 99 de la Charte des NU dispose : « Le Secrétaire général peut attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Le Secrétaire général Javier Pérez de Cuéllar a indirectement justifié ses enquêtes indépendantes sur l’utilisation d’armes chimiques en Irak pendant la période 1980-1988 par l’autorité que lui conférait l’article 99. Voir Rapport de la mission envoyée par le Secrétaire général pour enquêter sur les allégations concernant l’utilisation d’armes chimiques dans le conflit entre l’Iran et l’Irak, Doc. NU S/17911, 12 mars 1986.
  • 20En 1982, l’Assemblée générale des NU a adopté une résolution priant le Secrétaire général des Nations unies « d’enquêter, avec le concours d’experts qualifiés, sur toutes informations qui pourraient être portées à son attention par un État membre concernant des activités pouvant constituer une violation du Protocole [de 1925] ou des règles du droit international coutumier » : Doc. NU A/RES/37/98, 13 décembre 1982, section D, par. 4. Cependant, cette résolution n’a pas été adoptée à l’unanimité et le Secrétaire général a préféré fonder ces activités sur l’article 99 de la Charte des NU. Dans sa résolution 42/37 du 30 novembre 1987, l’Assemblée générale des NU priait le Secrétaire général « lorsqu’un État membre lui signalera des cas d’emploi d’armes chimiques [...] qui pourraient constituer une violation du Protocole de Genève de 1925 ou d’autres règles applicables du droit international coutumier, de procéder à une enquête afin d’établir les faits et de rendre compte rapidement des résultats de cette enquête à tous les États membres ».
  • 21La résolution 620 du Conseil de sécurité des NU a été adoptée à la suite des rapports d’enquête du Secrétaire général datés de juillet et août 1988 et portant sur des allégations d’emploi d’armes chimiques dans le conflit opposant l’Iran et l’Irak (notamment lors de l’attaque aux armes chimiques de Halabja, dans le nord de l’Irak, le 16 mars 1988, qui a tué entre 3 200 et 5 000 personnes).
  • 22Protocole concernant la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques, 94 RTNU 65, 17 juin 1925 (entré en vigueur le 9 mai 1926). Le Protocole interdit « l’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que de tous liquides, matières ou procédés analogues » et élargit cette interdiction aux armes chimiques.
  • 23Rés. 620, CSNU, 26 août 1988.
  • 24Ibid.
  • 25Voir Masahiko Asada, « A Path to a Comprehensive Prohibition of the Use of Chemical Weapons under International Law: From The Hague to Damascus », Journal of Conflict & Security Law, vol. 21, no 2, 2016, pp. 163-165, qui indique qu’« [i]l est … impensable de considérer que le Protocole de Genève avait pour objet d’interdire l’emploi des gaz en question dans les guerres internes avant l’adoption de l’article 3 commun [des Conventions de Genève de 1949] [traduction CICR] ».
  • 26Ibid., pp. 189-192, exposant les divergences des États sur ce point.
  • 27Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’usage des armes chimiques et sur leur destruction, 1974 RTNU 45, 3 septembre 1993 (entrée en vigueur le 19 avril 1997).
  • 28Dans une déclaration publiée le 17 juillet 2012, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a expressément décrit les violences en Syrie comme constituant un « conflit armé non international ». CICR, « Syrie : le CICR et le Croissant-Rouge arabe syrien poursuivent leurs activités d’assistance alors que les combats s’intensifient », Point sur les activités, 17 juillet 2012, disponible sur : https://www.icrc.org/fr/doc/resources/documents/update/2012/syria-updat…. Dans son troisième rapport du 15 août 2012, la Commission d’enquête a établi que « l’intensité et la durée du conflit, alliées au renforcement des capacités organisationnelles des groupes armés antigouvernementaux, étaient telles que les critères juridiques définissant un conflit armé non international étaient réunis » : Doc. NU A/HRC/21/50, par. 12.
  • 29Voir Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck (dir.), Droit international humanitaire coutumier, vol. I : Règles, Cambridge University Press, Cambridge, 2005, publiée en français en 2006, CICR/Bruylant, (Étude du CICR sur le DIH coutumier), règle 74, disponible sur : https://ihl-databases.icrc.org/fr/customary-ihl/v1/rule74. Selon la règle 74, « il est interdit d’employer des armes chimiques » tant dans les conflits armés internationaux que non internationaux. Dans l’affaire Tadić en 1995, le Tribunal pénal international pour l’ex- Yougoslavie (TPIY) a déclaré qu’il est « clair qu’un consensus général s’est progressivement dégagé dans la communauté internationale sur le principe que l’utilisation de ces armes [chimiques] est également interdite dans les conflits armés internes ». TPIY, Le Procureur c. Dusko Tadić alias « Dule », affaire no IT-94-1, arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, par. 124.
  • 30Outre le recours au Mécanisme du Secrétaire général à de multiples reprises pendant le conflit Iran-Irak, celui-ci n’a été utilisé que dans deux autres cas : en 1992, lors d’une enquête menée en Azerbaïdjan suite à des informations faisant état de l’emploi d’armes chimiques par l’Arménie (Doc. NU S/24344, 24 juillet 1992, document dans lequel les experts « ont décidé qu’aucune preuve de l’emploi d’armes chimiques n’avait été fournie à l’équipe ») et, toujours en 1992, lors d’une enquête menée au Mozambique (Doc. NU S/24065, 12 juin 1992, document dans lequel les experts ont conclu qu’il n’était pas possible de déterminer si des armes chimiques avaient été utilisées contre le gouvernement mozambicain par le groupe non étatique RENAMO).
  • 31L’article 27 de la partie XI de l’Annexe sur la vérification de la CIAC dispose : « Si une allégation d’emploi d’armes chimiques implique un État qui n’est pas partie à la Convention ou concerne des lieux qui ne sont pas placés sous le contrôle d’un État partie, l’Organisation coopère étroitement avec le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies. Si la demande lui en est faite, l’Organisation met ses ressources à la disposition du Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies. »
  • 32Accord régissant les relations entre l’Organisation des Nations unies et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, annexe à la Décision du Conseil exécutif de l’OIAC EC-MXI/DEC.1, 1er septembre 2000, art. II, 2, c), demandant à l’OIAC de « coopére[r] étroitement avec le Secrétaire général dans les cas d’allégation d’emploi d’armes chimiques impliquant un État qui n’est pas partie à la Convention ou concernant des lieux qui ne sont pas placés sous le contrôle d’un État partie à la Convention (…) et [de]  met[tre] ses ressources à la disposition du Secrétaire général ». Voir Arrangement supplémentaire concernant l’application de l’article II, 2, c) de l’Accord sur les relations entre l’Organisation des NU et l’OIAC, septembre 2012.
  • 33Rapport final de la Mission des NU, op. cit. note 12, par. 34. Des allégations d’incidents dans les localités suivantes, ont été communiquées aux NU par des États membres au cours des mois précédents : Salqin, 17 octobre 2012 ; Homs, 23 décembre 2012 ; Daraya, 13 mars 2013 ; Khan el-Assal, 19 mars 2013 ; Otaybah, 19 mars 2013 ; Adra, 24 mars 2013 ; Cheikh Maqsoud, 13 avril 2013 ; Jobar, 12–14 avril 2013 ; Daraya, 25 avril 2013 ; Saraqeb, 29 avril 2013 ; Qasr Abu Samrah, 14 mai 2013, et Adra, 23 mai 2013.
  • 34Voir Rapport de la Mission d’enquête des Nations unies concernant les allégations d’emploi d’armes chimiques en République arabe syrienne sur l’utilisation qui aurait été faite d’armes chimiques dans la Ghouta, faubourg de Damas, le 21 août 2013, Doc. NU A/67/997–S/2013/553, 16 septembre 2013 (premier rapport de la Mission d’enquête), par. 27, concluant que des armes chimiques (gaz sarin) ont été employées à relativement grande échelle, causant un grand nombre de victimes dans la population civile, y compris de nombreux enfants.
  • 35Voir « Programme chimique syrien – Synthèse nationale de renseignement déclassifié », France Diplomatie – ministère des Affaires étrangères et du Développement international, 3 septembre 2013, disponible sur : https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/Syrie_Synthese_nationale_de_rens… ; Joby Warrick, « More than 1,400 Killed in Syrian Chemical Weapons Attack, U.S. Says » Washington Post, 30 août 2013, disponible sur : https://tinyurl.com/y78nuuvq.
  • 36Rapport final de la Mission des NU, op. cit. note 12, par. 34.
  • 37Voir porte-parole de la Maison-Blanche, « Government Assessment of the Syrian Government’s Use of Chemical Weapons on August 21, 2013 », 30 août 2013, disponible sur : https://obamawhitehouse.archives. gov/the-press-office/2013/08/30/government-assessment-syrian-government-s-use-chemical-weapons- august-21.
  • 38Voir porte-parole de la Maison-Blanche, « Statement by the President on Syria », 31 août 2013, disponible sur : https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2013/08/31/statem….
  • 39Patrick Wintour, « John Kerry Gives Syria Week to Hand over Chemical Weapons or Face Attack », The Guardian, 9 septembre 2013, disponible sur : www.theguardian.com/world/2013/sep/09/us-syria-chemical- weapons-attack-john-kerry.
  • 40Premier rapport de la Mission d’enquête des NU, op. cit. note 34, note du Secrétaire général, par. 3.
  • 41Relevons que la résolution 2118 du Conseil de sécurité des NU autorisait le transfert des armes chimiques syriennes sur le territoire d’un autre État afin qu’elles soient détruites Cela s’inscrivait dans le cadre de l’article 1 de la CIAC, qui interdit le transfert d’armes chimiques, « en aucune circonstance ».
  • 42OIAC, « Destruction des armes chimiques syriennes », Décision du Conseil exécutif EC-M-33/DEC.1, 27 septembre 2017.
  • 43Rés. 2118, CSNU, 27 septembre 2013.
  • 44Des cargos ont été fournis par la Norvège et le Danemark, des escortes navales par la Chine, le Danemark, la Norvège, la Russie et le Royaume-Uni, ainsi qu’un système d’hydrolyse déployable (FDHS) monté sur un navire américain pour neutraliser les produits chimiques toxiques. D’autres produits chimiques ont été détruits au Royaume-Uni et aux États-Unis et les effluents du FDHS ont été détruits en Allemagne et en Finlande.
  • 45OIAC, « Fin de la mission conjointe ONU/OIAC », disponible sur : https://opcw.unmissions.org/. Le 1er octobre 2014, l’OIAC, en partenariat avec le Bureau pour les services d’appui aux projets, a poursuivi le plan relatif à la destruction des douze sites de production d’armes chimiques restants.
  • 46OIAC, « Destruction of Syrian Chemical Weapons Completed », communiqué de presse, 4 janvier 2016, disponible sur : www.opcw.org/news/article/destruction-of-syrian-chemical-weapons-comple….
  • 47Voir CoI, Rapport de la commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, Doc. NU A/HRC/27/60, 13 août 2014, par. 115 à 118, selon lequel « [o]n peut raisonnablement penser que des agents chimiques, probablement du chlore, ont été utilisés à Kafr Zeita, Al-Tamanaa et Tal Minnis lors de huit incidents survenus sur une période de dix jours en avril [...] [et] que ces agents ont été largués dans des barils d’explosifs du haut d’hélicoptères gouvernementaux ».
  • 48CIAC, art. I, par. b). Voir également l’art. II, par. 1, al. a), qui définit les armes chimiques comme des « produits chimiques toxiques et leurs précurseurs, à l’exception de ceux qui sont destinés à des fins non interdites par la présente Convention, aussi longtemps que les types et quantités en jeu sont compatibles avec de telles fins ».
  • 49Voir CIAC, art. VI, par. 2, qui dispose que « chaque État partie soumet les produits chimiques toxiques et leurs précurseurs qui sont inscrits aux tableaux 1, 2 et 3 de l’Annexe sur les produits chimiques ainsi que les installations liées à ces produits chimiques et les autres installations visées à l’Annexe sur la vérification qui sont situées sur son territoire ou en tout autre lieu placé sous sa juridiction ou son contrôle à des mesures de vérification selon les dispositions de l’Annexe sur la vérification ».
  • 50Conseil exécutif de l’OIAC, « Note by the Director-General: Progress in the Elimination of the Syrian Chemical Weapons Programme », EC/88/DG.1, 23 mars 2018, par. 10.
  • 51Comme indiqué précédemment, en application de l’article 27 de la onzième partie de l’Annexe sur la vérification de la CIAC, le Mécanisme du Secrétaire général ne s’applique que dans « un État qui n’est pas partie à la Convention ou concerne des lieux qui ne sont pas placés sous le contrôle d'un État partie ».
  • 52Le Conseil exécutif peut, au plus tard 12 heures après réception de la demande d’inspection, se prononcer contre la réalisation de l’inspection par mise en demeure à la majorité des trois quarts de l’ensemble de ses membres, s’il estime que la demande est frivole ou abusive ou qu’elle sort manifestement du cadre de la Convention. CIAC, art. IX.
  • 53Ibid., art. X, 8, a).
  • 54Ibid., art. VIII, 38, e). C’est sur ce fondement que le Secrétariat technique de l’OIAC a aidé le gouvernement irakien à enquêter sur l’utilisation d’armes chimiques sur son territoire. Voir OIAC, « Director-General Expresses Concern over Alleged Recent Chemical Attacks in Iraq », communiqué de presse, 23 mars 2016, disponible sur : https://www.opcw.org/media-centre/news/2016/03/director-general-express….
  • 55OIAC, « OPCW to Undertake Fact-Finding Mission in Syria on Alleged Chlorine Gas Attacks », communiqué de presse, 29 avril 2014, disponible sur : https://reliefweb.int/report/syrian-arab-republic/opcw-undertake-fact-f…. Le premier rapport de la MEF expliquait que sa création entrait dans les pouvoirs généraux conférés au Directeur général de l’OIAC consistant à prendre des mesures pour faire respecter l’objet et le but de la CIAC en toutes circonstances ainsi que cela est réaffirmé par les décisions du Conseil exécutif de l’OIAC en la matière et la résolution 2118 du CSNU, l’approbation unanime de la Mission d’établissement des faits par le Conseil exécutif et son acceptation par la Syrie au travers d’un échange de lettres à ce sujet entre le Directeur général et le gouvernement de la République arabe syrienne, datées du 1er et du 10 mai 2014. Voir OIAC, Compte rendu sur les activités de la Mission d’établissement des faits menée par l’OIAC en Syrie, couvrant la période du 3 au 31 mai 2014, S/1191/2014, 16 juin 2014, disponible sur : www.opcw.org/fileadmin/OPCW/Fact_Finding_Mission/s-1191-2014_e_.pdf. La résolution 2118 du CSNU exige que le personnel de l’OIAC ait « un accès immédiat et sans entrave à tous sites et le droit de les inspecter dans l’exercice de ses fonctions, et [...] un accès immédiat et sans entrave aux personnes dont l’OIAC a des motifs de croire qu’elles sont importantes pour l’exécution de son mandat ».
  • 56Rés. 2118, CSNU, par. 7.
  • 57EC-M-48/DEC.1, préambule par. 5 ; EC-M-50/DEC.1, préambule par. 6 ; rés. 2235, CSNU, préambule par. 8.
  • 58OIAC, Troisième rapport du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de l’Organisation des Nations unies, S/1230/2014, 18 décembre 2014, reproduit in S/2016/738/Rev.1, disponible sur : S_2016_738_Rev-1-FR.pdf et sur : www.opcw.org/fileadmin/OPCW/Fact_Finding_Mission/s-1230-2014_e_.pdf.
  • 59OIAC, « Rapports de la Mission d’établissement des faits menée par l’OIAC en Syrie » Décision du Conseil exécutif EC-M-48/ DEC.1, 4 février 2015, disponible sur : www.opcw.org/fileadmin/OPCW/EC/M-48/ecm48dec01_e_.pdf. Le Conseil exécutif de l’OIAC a réitéré son soutien en faveur de la poursuite de la MEF dans sa décision intitulée « Further Reports of the OPCW Fact-Finding Mission in Syria », EC-M-50/DEC.1, 23 novembre 2016, disponible sur : www.opcw.org/fileadmin/OPCW/EC/M-50/en/ecm50dec01_e_.pdf.
  • 60Rés. 2209, CSNU, 6 mars 2015.
  • 61OIAC, Report of the OPCW Fact-Finding Mission in Syria Regarding Alleged Incidents in the Idlib Governorate of the Syrian Arab Republic between 16 March and 20 May 2015, S/1319/2015, 29 octobre 2015, disponible sur : www.opcw.org/fileadmin/OPCW/Fact_Finding_Mission/s-1319-2015_e_.pdf.
  • 62OIAC, Summary Update of the Activities Carried Out by the OPCW Fact-Finding Mission in Syria in 2016, S/1445/2016, 27 décembre 2016, disponible sur : www.opcw.org/fileadmin/OPCW/Fact_Finding_ Mission/s-1445-2016_e_.pdf.
  • 63Concernant un incident qui serait survenu dans le quartier d’al-Awamid à Alep le 2 août 2016, la MEF a considéré qu’elle ne pouvait pas déterminer avec certitude si un produit chimique avait été ou non utilisé en tant qu’arme. OIAC, Report of the OPCW Fact-Finding Mission in Syria regarding the Incident of 2 August 2016 as Reported in the Note Verbale of the Syrian Arab Republic Number 69 Dated 16 August 2016, S/1444/2016, 21 décembre 2016, disponible sur : www.opcw.org/fileadmin/OPCW/ Fact_Finding_Mission/s-1444-2016_e_.pdf. Concernant un autre incident signalé, la MEF a confirmé que deux femmes avaient été exposées au gaz moutarde à Um-Housh, à Alep, le 16 septembre 2016, et qu’un mortier de 217 mm contenant du gaz moutarde avait été retrouvé. OIAC, Report of the OPCW Fact- Finding Mission in Syria regarding the Incident of 16 September 2016 as Reported in the Note Verbale of the Syrian Arab Republic Number 113 Dated 29 November 2016, S/1491/2017, 1er mai 2017, disponible sur : www.opcw.org/fileadmin/OPCW/Fact_Finding_Mission/s-1491-2017_e_.pdf.
  • 64OIAC, Rapport de la Mission d’établissement des faits menée par l’OIAC en Syrie concernant un incident qui se serait produit à Khan Shaykhun (République arabe syrienne), avril 2017, S/1510/2017, 29 juin 2017, disponible sur : www.opcw.org/ fileadmin/OPCW/Fact_Finding_Mission/s-1510-2017_e_.pdf.
  • 65« Syria War: US Launches Missile Strikes Following Chemical “Attack” », BBC News, 7 avril 2017, disponible sur : https://www.bbc.co.uk/news/world-us-canada-39523654.
  • 66« “Chemical Weapons”: The Pipedream Excuse Used in Syria by Two US Administrations », Sputnik News, 9 avril 2017, disponible sur : https://sputniknews.com/politics/201704091052469244-us-syria-chemical- weapons-war-pretext/.
  • 67Ben Kamisar, « Russia: Syrian Chemical Weapons Attack Could Be “Staged” », The Hill, 14 avril 2017, disponible sur : http://thehill.com/policy/international/328808-russia-questions-whether…- attack-was-staged.
  • 68Josie Ensor, « ‘Were the Children Dead at All?’ Assad Says Syria Chemical Attack “100 Per CentFabrication” », The Telegraph, 13 avril 2017, disponible sur : www.telegraph.co.uk/news/2017/04/13/chemical-weapons-experts-sent-turke….
  • 69OIAC, op. cit. note 64, par. 7.
  • 70« Khan Shaykhun: We Must Establish the Truth », RT, 27 juillet 2017, disponible sur : www.rt.com/op-edge/ 397696-khan-shaykhun-syria-incident-investigation/.
  • 71Anthony Deutsch, « After U.N. Veto, Russia Moves against Chemical Weapons Watchdog », Reuters, 21 novembre 2017, disponible sur : www.reuters.com/article/us-mideast-crisis-chemicalweapons/after-u-n- veto-russia-moves-against-chemical-weapons-watchdog-idUSKBN1DL1UF. Voir « Statement by H. E. Ambassador A. V. Shulgin Permanent Representative of the Russian Federation to the OPCW at the Fifty-Sixth Meeting of the Executive Council Under Agenda Item 4 », EC-M-56/NAT.7, 9 novembre 2017 (déclaration de la Russie), p. 1, où il est dit que « lorsqu’ils mènent une enquête, les inspecteurs doivent se rendre sur les lieux de l’incident. Sinon, tous les éléments de preuve parviennent à la MEF par l’intermédiaire de « tierces parties ». Et cela signifie qu’il y a un non respect du principe fondamental de la chaîne de conservation des éléments de preuve [traduction CICR] ».
  • 72« U.N. and OPCW Investigators to Visit Syria Air Base in Gas Attack Probe », NRT, 13 octobre 2017.
  • 73« Syria War: What We Know about Douma “Chemical Attack” », BBC News, 16 avril 2018, disponible sur : www.bbc.com/news/world-middle-east-43697084.
  • 74OIAC, « Update by the Director-General on the Deployment of the OPCW Fact-Finding Mission to Douma, Syrian Arab Republic, to the Executive Council at its Fifty-Ninth Meeting », EC-M-59/DG.2, 18 avril 2018.
  • 75« “Syria War: “Chlorine” Attack Video Moves UN to Tears », BBC News, 17 avril 2015, disponible sur : www. bbc.co.uk/news/world-middle-east-32346790.
  • 76Rés. 2235, CSNU, 7 août 2015, par. 5.
  • 77Rés. 2319, CSNU, 17 novembre 2016.
  • 78Le Conseil de sécurité « encourage le Mécanisme d’enquête conjoint à consulter, s’il y a lieu, les organes appropriés de l’Organisation des Nations unies chargés de la lutte contre le terrorisme et de la non-prolifération, en particulier le Comité créé par la résolution 1540 (…) et le Comité faisant suite aux résolutions (…) concernant l’EIIL (Daech) et Al-Qaida, afin d’échanger des informations sur les acteurs non étatiques qui se sont livrés à l’emploi de produits chimiques comme arme en République arabe syrienne, qui l’ont organisé ou commandité ou qui y ont participé » et prie le Mécanisme d’informer ces organes des résultats de son travail. Rés. 2319, CSNU, par. 4 et 9.
  • 79Troisième rapport du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de l’Organisation des Nations unies, Doc. NU S/2016/738, 21 août 2016 (Troisième rapport du Mécanisme d’enquête conjoint), par. 54, 56 ; Quatrième rapport du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de l’Organisation des Nations unies, Doc. NU S/2016/888, 21 octobre 2016, par. 19.
  • 80Troisième rapport du MEC, op. cit. note 79, par. 58.
  • 81Selon les médias, le MEC indique dans son rapport qu’il « est convaincu que la République arabe syrienne est responsable de l’utilisation de gaz sarin à Khan Cheikhoun ». « UN-OPCW Investigators ‘Confident’ Damascus Is to Blame for April Sarin Attack », RT, 28 octobre 2017, disponible sur : www.rt.com/news/ 407901-opcw-jim-syria-chemical-attack/.
  • 82Rick Gladstone, « U.N. Panel Points Finger at Syria in Chemical Attack on Village »”, The New York Times, 26 octobre 2017, disponible sur : www.nytimes.com/2017/10/26/world/middleeast/syria-chemical-khan- shekhoun.html.
  • 83« Russia Undermining Action against Chemical Weapons, Says UK, Citing Syria “Cover Up” », Reuters, 27 octobre 2017, disponible sur : https://www.reuters.com/article/uk-mideast-crisis-syria-un-britain-idUK….
  • 84« UN-OPCW Investigators “Confident” Damascus Is to Blame for April Sarin Attack », op. cit. note 81.
  • 85« Tillerson: Assad Family Reign Coming to End, Only Issue Is How to Bring It About », RT, 26 octobre 2017, disponible sur : www.rt.com/news/407855-tillerson-syria-assad-russia/.
  • 86« UN-OPCW Investigators “Confident” Damascus Is to Blame for April Sarin Attack », op. cit. note 81.
  • 87Rodrigo Campos, « Russia Vetoes UN Resolution to Find Out Who Carried Out Chemical Weapons Attacks in Syria », The Independent, 24 octobre 2017, disponible sur : www.independent.co.uk/news/world/europe/russia-syria-chemical-weapons-a… ; « Syria: Russia Blocks Extension of Chemical Attacks Probe », BBC News, 16 novembre 2016.
  • 88Michelle Nichols, « Russia Casts 10th U.N. Veto on Syria Action, Blocking Inquiry Renewal », Reuters, 16 novembre 2017, disponible sur : https://www.reuters.com/article/us-mideast-crisis-syria-chemicalweapons….
  • 89Conformément à la CIAC, la Conférence des États parties « détermine dans quelle mesure la Convention est respectée » et « prend les mesures nécessaires pour assurer le respect de la présente Convention et pour redresser et corriger toute situation qui contrevient aux dispositions de la Convention, conformément à l’article XII » : CIAC, art. VIII, 20 et 21, k). Voir également l’article VIII (35–36), selon lequel le Conseil exécutif est tenu d’examiner tout problème relatif au respect de la Convention, ainsi que l’article XII.
  • 90Julian Borger, « Syria Chemical Attack: US and Russia Fail to Reach UN Agreement as Tensions Rise », The Guardian, 20 avril 2018, disponible sur : www.theguardian.com/world/2018/apr/10/russia-hits-back-over-syria-chemi….
  • 91H. Cooper, T. Gibbons-Neff et B. Hubbard, op. cit. note 10.
  • 92Rés. 2118, CSNU, par. 21 ; Rés. 2235, CSNU, par. 15. Il est à noter que cette mention ne figure pas dans la résolution 2319 du CSNU prolongeant la durée du MEC.
  • 93« Lettre datée du 28 avril 2017, adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Secrétaire général – Progrès accomplis dans l’élimination du programme d’armes chimiques syrien », S/2017/373, 28 avril 2017.
  • 94Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Doc. NU A/CONF.183/9, 17 juillet 1998 (entré en vigueur le 1er juillet 2002) (Statut de Rome), art. 13, b). Deux membres permanents du Conseil de sécurité, la Fédération de Russie et la Chine, ont opposé leur veto à un projet de résolution, proposé par la France en 2014, qui aurait abouti au renvoi de la situation en Syrie devant la CPI. « Syrie : le Conseil de sécurité rejette un projet de résolution sur une saisine de la CPI », Doc. NU SC/11407, 22 mai 2014.
  • 95Le Conseil de sécurité a créé deux tribunaux pénaux internationaux ad hoc en faisant usage des pouvoirs qui lui sont conférés par le Chapitre VII : le TPIY et le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Les  NU ont également joué un rôle essentiel dans la création de tribunaux hybrides, tels que les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux pour le Cambodge, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, le Tribunal spécial pour le Liban et les Chambres spéciales pour les crimes graves commis au Timor oriental.
  • 96OIAC, « Rapports du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU sur l’emploi d’armes chimiques en République arabe syrienne », décision du Conseil exécutif EC-83/DEC.5, 11 novembre 2016, par. 10.
  • 97Ibid.
  • 98Ibid., par. 11.
  • 99La décision du Conseil exécutif a été adoptée suite à un vote – une exception rarissime à la pratique de l’OIAC qui prend habituellement ses décisions par consensus. Une version précédente de la décision, proposée par les États-Unis, employait une formulation plus ferme qui était fondée sur le pouvoir d’action de l’OIAC : voir la « Déclaration de l’ambassadeur Kenneth D. Ward, représentant permanent des États-Unis d’Amérique auprès de l’OIAC lors de la quatre-vingt-troisième session du Conseil exécutif », EC-83/NAT.5, 11 octobre 2016, disponible sur : https://www.opcw.org/sites/default/files/documents/EC/83/en/United_Stat…. La Russie avait fait une contre-proposition de décision qui aurait exigé de la Syrie qu’elle ouvre une enquête nationale sur les allégations. Voir la « Déclaration de la Fédération de Russie par l’ambassadeur A. V. Shulgin, représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l’OIAC lors de la quatre-vingt-troisième session du Conseil exécutif (concernant les résultats du vote relatif au projet de décision du Conseil exécutif sur la Syrie) », EC-83/NAT.20, 11 novembre 2016 (Déclaration de l’ambassadeur russe), disponible sur : https://www.opcw.org/sites/default/files/documents/EC/83/en/ec83nat20_e…. L’Espagne proposa une décision de compromis qui fut finalement été adoptée à une très courte majorité.
  • 100OIAC, Report by the Director-General: Status of Implementation of Executive Council Decision EC-83/ DEC.5 (Dated 11 November 2016), EC-84/DG.25, 6 mars 2017, par. 3, disponible sur : www.opcw.org/ fileadmin/OPCW/EC/84/en/ec84dg25_e_.pdf.
  • 101OIAC, Report by the Director-General: First Inspections at the Barzah and Jamrayah Syrian Scientific Studies and Research Centre Facilities in the Syrian Arab Republic in Accordance with Decision EC-83/ DEC.5 (daté du 11 novembre 2016), EC-85/DG.16, 2 juin 2017 (Rapport des premières inspections), par. 3, disponible sur :  www.opcw.org/fileadmin/OPCW/EC/85/en/ec85dg16_e_.pdf ; OIAC,  « Note by the Director-General: Progress in the Elimination of the Syrian Chemical Weapons Programme », EC-88/ DG.1, 23 mars 2018 (note du Directeur général), par. 11.
  • 102Rapport des premières inspections, op. cit. note 101, par. 4 ; note du Directeur général, op. cit. note 101, par 11.
  • 103L’article III, 1, d) de la CIAC exige que les États parties « indique[nt] l’emplacement exact, la nature et la portée générale des activités de toute installation [qui], depuis le 1er janvier 1946 (...) a été conçue, construite ou utilisée principalement pour mettre au point des armes chimiques (...), entre autres, tout laboratoire ainsi que tout site d’essai et d’évaluation ». En outre, dans son paragraphe 1(A)(iii), la décision du Conseil exécutif EC-M/33/DEC.1 prie la Syrie de soumettre au Secrétariat des informations concernant ses installations de recherche et développement sur les armes chimiques.
  • 104Rapport des premières inspections, op. cit. note 101, par. 10 ; note du Directeur général, op. cit. note 101, par .11.
  • 105Israël est l’un des quatre États qui ne sont pas parties à la CIAC, bien qu’il en soit signataire. Les autres États non parties sont l’Égypte, la Corée du Nord et le Soudan du Sud.
  • 106« “Israeli Jets Hit Syria’s Masyaf Chemical Site” – Reports », BBC News, 7 septembre 2017, disponible sur : www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-41184867.
  • 107Keith Collins, Joe Ward et Karen Yourish, « What We Know About the Three Sites Targeted in Syria », The New York Times, 14 avril 2018, disponible sur : https://www.nytimes.com/interactive/2018/04/14/world/middleeast/syria-a…. Les deux autres frappes aériennes auraient été dirigées contre les sites de stockage d’armes chimiques et le bunker de Him Shinshar.
  • 108L’article VIII, par. 35 de la CIAC dispose que le Conseil exécutif doit examiner tout problème ou toute question relevant de sa compétence qui a des répercussions sur la Convention, y compris les motifs de préoccupation quant à son respect, en informer les États parties et porter la question à l’attention de la Conférence des États parties. Le Conseil exécutif est en outre tenu de faire « des recommandations à la Conférence touchant les mesures à prendre pour redresser la situation et assurer le respect de la Convention ». Si la situation est « particulièrement grave et urgente, le Conseil exécutif porte directement le problème ou la question, y compris les informations et les conclusions pertinentes, à l’attention de l’Assemblée générale des Nations unies et du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies » (art. VIII, par. 36).
  • 109Conférence des États parties de l’OIAC, « Décision – Contrer la menace que constitue l’emploi d’armes chimiques », C-SS-4/DEC.3, 27 juin 2018, par. 10.
  • 110Ibid., par. 12.
  • 111AGNU, rés. A/RES/69/67, 11 décembre 2014, par. 8 du Préambule ; AGNU, rés. A/RES/70/41, 11 décembre 2015, par. 6 du Préambule ; AGNU, rés. A/RES/71/69, 14 décembre 2016, par. 1 du Dispositif ; AGNU, rés. A/RES/71/203, 19 décembre 2016, par. 3-9 et 13 du dispositif, et 8, 13 et 30 du Préambule. Voir également ibidem, par. 42 du dispositif encourageant le Conseil de Sécurité à prendre « les mesures voulues pour assurer le respect du principe de responsabilité, notant le rôle important que la Cour pénale internationale peut jouer à cet égard ».
  • 112AGNU, rés. A/RES/71/248, 21 décembre 2016, par. 4 et 5 du Préambule.
  • 113Ibid, par. 4 du dispositif.
  • 114Rapport du Secrétaire général : Application de la résolution portant création d’un Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables, Doc. NU A/71/755, 19 janvier 2017, par. 6.
  • 115Ibid. par. 12. Voir également l’annexe, « Mandat du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables », par. 5, a).
  • 116Voir CoI, Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, Doc. NU A/HRC/36/55, 8 août 2017, par. 77, concluant « qu’il existe des motifs raisonnables de croire que les forces syriennes ont lâché une bombe au sarin sur Khan Cheïkhoun à environ 6 h 45 le matin du 4 avril, ce qui est constitutif des crimes de guerre d’utilisation d’armes chimiques et d’attaques aveugles contre une zone habitée par des civils. L’utilisation du sarin par les forces syriennes constitue également une violation de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, ainsi que de la résolution 2118 (2013) du Conseil de sécurité ».
  • 117Voir l’infographie sur : https://www.ohchr.org/sites/default/files/SiteCollectionImages/Bodies/H….
  • 118CoI, Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, Doc. NU A/HRC/27/60, 13 août 2014, par. 118.
  • 119CoI, Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, Doc. NU A/HRC/25/65, 12 février 2014, 127-129.
  • 120Site web du Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques : www. noimpunitychemicalweapons.org/-fr-.html.
  • 121« Lancement du partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques (23 janvier 2018) », France Diplomatie – ministère des Affaires étrangères et du Développement international, disponible sur : https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/salle-de-presse/communiques-technique….
  • 122L’ambassadeur russe auprès de l’OIAC a déclaré à propos des rapports du MEC : « Ces conclusions ne sont pas convaincantes ; elles sont toujours fondées sur des données très douteuses. » Voir la Déclaration de l’ambassadeur russe, op. cit. note 99. Voir également la Déclaration de la Russie, op. cit. note 71.
  • 123Somini Sengupta, « Russia and U.S. Clash Over Syria in Security Council Vote », The New York Times, 28 février 2017, disponible sur : www.nytimes.com/2017/02/28/world/middleeast/united-nations-security- council-syria-sanctions-russia-trump.html.
  • 124Ibid.
  • 125Voir op. cit. notes 86-88.
  • 126Voir, par exemple, Seymour M. Hersh, « Whose Sarin? », London Review of Books, vol. 35, no 24, 19 décembre 2013, disponible sur : www.lrb.co.uk/v35/n24/seymour-m-hersh/whose-sarin.
  • 127Gregory Koblentz, « Syria’s Chemical Weapons Kill Chain », Foreign Policy, 7 avril 2017, disponible sur : http://foreignpolicy.com/2017/04/07/syrias-chemical-weapons-kill-chain-…
  • 128« Russia Vetoes UNSC Resolution on Renewing Syria Chemical Weapons Probe », RT, 24 octobre 2017, disponible sur : www.rt.com/news/407641-russia-veto-chemical-un-resolution/.
  • 129Voir par exemple S. M. Hersh, op. cit. note 126.
  • 130Selon la règle 74 de l’Étude du CICR sur le DIH coutumier (op. cit. note 29), « il est interdit d’employer des armes chimiques » tant dans les conflits armés internationaux que non internationaux ». La Règle 156 dispose que « [l]es violations graves du droit international humanitaire constituent des crimes de guerre ». L’article 3, par. a) du Statut du TPIY dispose que la poursuite de personnes ayant commis des violations telles que « l’emploi d’armes toxiques ou d’autres armes conçues pour causer des souffrances inutiles » s’inscrit dans le champ de compétence du Tribunal. Selon les articles 8, par. 2, al. b) (xvii–xviii) et 8, par. 2, al. e) (xiii–xiv) du Statut de Rome, « le fait d’employer du poison ou des armes empoisonnées » et « le fait d’employer des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que tous liquides, matières ou procédés analogues » constituent des crimes de guerre tant dans les conflits armés internationaux que non-internationaux.
  • 131La Syrie n’est pas partie au Statut de Rome. Si elle avait été partie au Statut, la CPI aurait pu exercer sa compétence, s’il avait été considéré que la Syrie n’était pas en mesure ou ne souhaitait pas poursuivre les auteurs de violations commises en vertu du Statut. Voir les articles 12, par. 2), 13 et 17 du Statut de Rome.
  • 132« Russia, China Block Security Council Referral of Syria to International Criminal Court », ONU info, 22 mai 2014.
  • 133Statut de Rome, articles 8, par. 2, al. b) (xvii–xviii), 8, par. 2, al. e) (xiii–xiv).
  • 134Voir Dapo Akande, « Can the ICC Prosecute for Use of Chemical Weapons in Syria », EJIL: Talk!, 23 août 2013, disponible sur : www.ejiltalk.org/can-the-icc-prosecute-for-use-of-chemical-weapons-in-s….
  • 135Pour une analyse, voir Amal Alamuddin et Philippa Webb, « Expanding Jurisdiction over War Crimes under Article 8 of the ICC Statute », Journal of International Criminal Justice, vol. 8, no 5, 1er novembre 2010, pp. 1227–1228.
  • 136Voir, par exemple, Ralf Trapp, « The Investigation into the Islamic State and Chemical Weapons », Just Security, 27 octobre 2015, disponible sur : www.justsecurity.org/27116/investigation-islamic-state-chemical-weapons/ ; Alex Whiting, « The International Criminal Court, the Islamic State, and Chemical Weapons », Just Security, 4 novembre 2015, disponible sur : www.justsecurity.org/27359/icc-islamic-state- chemical-weapons/. Voir, pour une position inverse, Kevin Jon Heller, « The Rome Statute Does Not Criminalise Chemical and Biological Weapons », Opinio Juris, 5 novembre 2015, disponible sur : http://opiniojuris.org/2015/11/ 05/why-the-rome-statute-does-not-criminalise-chemical-and-biological-weapons/.
  • 137Voir William Schabas, « Chemical Weapons: Is It a Crime? », PhD Studies in Human Rights, 23 avril 2013, disponible sur : http://humanrightsdoctorate.blogspot.nl/2013/04/chemical-weapons-is-it-….
  • 138Voir D. Akande, op. cit. note 134.
  • 139Ibid.
  • 140La persécution peut être établie si la ou les personne(s) sont prise(s) pour cible par des armes chimiques en raison de leur appartenance à un groupe ou à une collectivité identifiable, ou en tant que groupe ou collectivité en tant que tel. CPI, Éléments des crimes, art. 7, par. 1, al. h) (2).
  • 141En sa qualité d’ancien Secrétaire général des NU, Ban Ki-moon a déclaré que l’utilisation d’armes chimiques en Syrie constituerait un « crime contre l’humanité » et qu’il y aurait des « conséquences graves » pour les auteurs. « Syrie : Ban souligne que l’utilisation d’armes chimiques serait un “crime contre l’humanité” », ONU Info, 23 août 2013. De la même manière, le président Obama a déclaré que l’utilisation d’armes chimiques serait un crime contre l’humanité. Bureau du porte-parole de la Maison-Blanche, « Remarks by the President in Address to the Nation on Syria », 10 septembre 2013, disponible sur : www.whitehouse. gov/the-press-office/2013/09/10/remarks-president-address-nation-syria.
  • 142Voir Human Rights Watch, « Syrie : Des attaques chimiques ont été menées de manière coordonnée contre Alep », 13 février 2017, disponible sur : https://www.hrw.org/fr/news/2017/02/13/syrie-des-attaques-chimiques-ont….
  • 143Dans l’affaire Anfal, le Tribunal spécial irakien a jugé Ali Hassan al-Majid, secrétaire général du Bureau Nord du parti Baas chargé du commandement de tous les services de l’État dans la région kurde du pays en 1987 et 1988, coupable d’actes de génocide commis contre les Kurdes au moyen d’armes chimiques. Haut Tribunal irakien, Farhan Mutlak Al Jibouri, Sultan Hashim Ahmad Al Tae’e, Hussein Rashid Mohammed et Ali Hasan Al Majid c./ le Procureur général, Cour d’appel, 4 septembre 2007, disponible sur : www.worldcourts.com/ist/eng/decisions/2007.09.04_Prosecutor_v_al_ Majid_et_al.pdf.
  • 144Rés. 2118, CSNU, 27 septembre 2013.
  • 145Ibid, par. 8 du Préambule et 1, 5 et 15 du dispositif (la formulation change légèrement pour devenir « doivent répondre de leurs actes » dans le par. 15) ; rés. 2209, CSNU 6 mars 2015, par. 8 du préambule. Voir également le par. 6 de la rés. CSNU 2209, dans laquelle le Conseil de sécurité des Nations unies souligne une nouvelle fois que « les personnes responsables de l’utilisation comme arme de produits chimiques, y compris le chlore ou tout autre produit chimique toxique, doivent répondre de leurs actes ». En outre, voir rés. 2235, CSNU, par. 4 du Dispositif (réaffirmant que « que les personnes, entités, groupes ou gouvernements responsables de l’utilisation comme arme de produits chimiques, y compris le chlore ou tout autre produit chimique toxique, doivent répondre de leurs actes ») et la rés.  2319, CSNU, par. 4 du Préambule (« réaffirmant que l’emploi d’armes chimiques constitue une violation grave du droit international et rappelant que les personnes, entités, groupes ou gouvernements qui y ont recouru de quelque manière que ce soit doivent répondre de leurs actes »).
  • 146Rés. 2118, CSNU, par. 21 du dispositif ; rés. 2209, CSNU, par. 7 du dispositif ; rés. 2235, CSNU, par. 15.
  • 147OIAC, Note by the Technical Secretariat: Status of Participation In The Chemical Weapons Convention as at 17 October 2015, S/1315/2015, 19 octobre 2015, disponible sur : www.opcw.org/fileadmin/OPCW/S_ series/2015/en/s-1315-2015_e_.pdf. Seuls quatre États ne sont pas parties à la CIAC : l’Égypte, Israël (signataire), la Corée du Nord et le Soudan du Sud (qui a fait part de son intention d’adhérer à la Convention).
  • 148OIAC, Report by the Director-General: Overview of the Status of Implementation of Article VII of the Chemical Weapons Convention as at 31 July 2016, EC-83/DG.11, C-21/DG.11, 11 septembre 2016, par. 19–21.
  • 149CIAC, art. I, par. 1, al a), b) et d).
  • 150Voir op. cit. note 122.
  • 151Les États suivants sont dotés d’une législation qui pourrait permettre de poursuivre des auteurs de crimes constitués par l’emploi d’armes chimiques selon le principe de la compétence universelle : la Suède (Nouveau Code pénal, chap. 2(3)) ; la Biélorussie (Code pénal, art. 6) ; la Finlande (Extrait du Code pénal 39/1889, section 7) ; la Grèce (loi no 2991, section 5, art. 4) ; l’Indonésie (loi no 9 de 2008, art. 3, chap. I et art. 28, chap. V) ; le Liberia (Loi sur les armes chimiques de 2008) ; la République de Serbie (Code pénal 85/2005, art. 7–9).
  • 152En octobre 2017, trente-quatre États parties avaient ratifié le document. Voir : https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVII…. L’amendement entre en vigueur un an après que l’État partie l’a accepté.
  • 153Rapport de la troisième session de la Conférence des États parties chargée d’examiner le fonctionnement de la CIAC, RC-3/3*, 19 avril 2013.
  • 154Déclaration d’Ypres, 21 avril 2015, disponible sur : https://www.opcw.org/sites/default/files/documents/S_series/2015/fr/s-1….
  • 155Voir OIAC, « Destruction des armes chimiques syriennes », Décision du Conseil exécutif EC-M-33/DEC.1, 27 septembre 2017, par. 1 du Préambule ; « Rapports de la Mission d’établissement des faits de l’OIAC de Syrie », Décision du Conseil exécutif EC-M-48/DEC.1, 4 février 2015, par. 1 du préambule, par. 2-4 du dispositif ; « Autres rapports de la Mission d’établissement des faits de l’OIAC en Syrie », Décision du Conseil exécutif EC-M-50/DEC.1, 23 novembre 2015, par. 1 du Préambule, par. 3-5 du dispositif ; « Rapports du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU sur le recours aux armes chimiques en République arabe syrienne », Décision du Conseil exécutif EC-83/DEC.5, 11 novembre 2016, par. 3-4 ; OIAC, « Décision relative à la menace du recours aux armes chimiques par des acteurs non étatiques », Décision du Conseil exécutif EC-86/DEC.9, 13 octobre 2017, par. 3 du Préambule, par.3, 5-8 du dispositif.
  • 156Voir, par exemple, « Déclaration au nom de l’Union européenne : déclaration prononcée par M. Jacek Lylica, envoyé spécial pour la non-prolifération et le désarmement », C-21/NAT.5, 28 novembre 2016 : « L’UE réaffirme sa ferme conviction que l’emploi d’armes chimiques par quiconque, y compris des acteurs non étatiques, où que ce soit et dans quelques circonstances que ce soit, est un acte abominable qui doit être fermement condamné et dont les responsables doivent répondre de leurs actes. L’emploi d’armes chimiques constitue une violation du droit international, un crime de guerre et un crime contre l’humanité [traduction CICR] ». Des déclarations similaires ont été prononcées par la Finlande, l’Allemagne, l’Inde, l’Irlande, Singapour et la Suisse.
  • 157C-21/NAT.17, 30 novembre 2016.
  • 158Déclaration de la Suède lors de la 54e réunion du Conseil exécutif de l’OIAC, 13 avril 2017. Voir également la déclaration du représentant permanent de la Suisse auprès de l’OIAC lors de la Conférence des États parties, 2016 : « Il est fondamental que les responsables de ces violations graves du droit international, qui peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, répondent de leurs actes ».
  • 159Voir, par exemple, Royaume-Uni, R. c. Davison (décision inédite du tribunal de la Couronne de Newcastle, 14 mai 2010) (l’accusé, lié à un groupe de suprémacistes blancs, a produit une quantité de ricine suffisante pour tuer neuf personnes en violation de la section 2(1)(b) de la loi relative à l’interdiction des armes chimiques de 1996 (Royaume-Uni)) ; États-Unis, United States c. Levenderis, 806 F.3d 390 (2015) (l’accusé a produit une certaine quantité de ricine ; bien qu’il n’y ait pas de lien avec un groupe terroriste, le tribunal a conclu que le niveau élevé de létalité de l’arme chimique justifiait des poursuites en vertu de la loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques de 1998 (États-Unis)) ; États-Unis, Bond c. United States, 572 US (2014) ; États-Unis, United States c. Fries aka Burns, 781 F.3d 1137 (2015) (concernant la production et l’emploi d’armes chimiques en violation de la loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques de 1998 États-Unis), plus précisément la production artisanale et l’emploi d’un dispositif chimique à base de chlore ayant produit un énorme nuage et nécessité l’évacuation d’un quartier) ; États-Unis, United States c. Ghane, 673 F.3d 771 (8e circuit 2012) (l’accusé possédait suffisamment de cyanure de potassium pour tuer 450 personnes) ; États-Unis, United States c. Crocker, 260 F. App’x 794 (6e circuit 2008) (l’accusé avait tenté d’acquérir du VX (gaz neurotoxique) et du gaz chloré dans le cadre d’un complot visant un tribunal fédéral) ; États-Unis, United States c. Krar, 134 F. App’x 662 (5e circuit 2005) (per curiam) (l’accusé possédait du cyanure de sodium) ; Royaume-Uni United Kingdom c. Ali (décision non publiée, Cour pénale centrale (Old Bailey), 18 septembre 2015 (l’accusé avait tenté d’acquérir de la ricine sur le « dark web », en violation de la loi relative à l’interdiction des armes chimiques de 1996 (Royaume-Uni)).
  • 160Cour militaire britannique, Zyklon B, affaire no 9, Hambourg, 8 mars 1946, résumé dans Law Reports of Trials of War Criminals, Commission des crimes de guerre des NU, vol. 1, 1947, p. 94.
  • 161Jonathan B. Tucker, War of Nerves: Chemical Warfare from World War I to Al-Qaeda, Pantheon Books, New York, 2006.
  • 162Cour militaire britannique, Zyklon B, op. cit. note 160.
  • 163Ces actes ont été poursuivis en tant que crimes de guerre, car le génocide n’était pas encore inscrit parmi les crimes internationaux au moment de ces procès (la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide a été adoptée en 1948). En outre, en raison de l’application des lois de la guerre par les tribunaux militaires de cette époque, l’affaire porte essentiellement sur les meurtres de civils alliés internés dans les camps plutôt que sur le meurtre des juifs, en dépit du fait que les juifs aient été les principales victimes du Zyklon B.
  • 164Sheldon H. Harris, Factories of Death: Japanese Biological Warfare, 1932–45 and the American Cover-Up, Routledge, Abingdon, 1994 ; Shirley Tourinsky (dir.), Medical Aspects of Chemical AMD Biological Warfare, Bureau du directeur général des services de santé, Département de l’Armée des États-Unis, 2008, p. 418.
  • 165Russell Working, « The Trial of Unit 731 », Japan Times, 5 juin 2001, disponible sur https://tinyurl.com/ycmefuem ; Philip R. Piccigallo, The Japanese on Trial: Allied War Crimes Operations in the East, 1945-1951, University of Texas Press, Austin, TX, 1979 ; Otozo Yamada, Materials on the Trial of Former Servicemen of the Japanese Army Charged with Manufacturing and Employing Bacteriological Weapons, Foreign Languages Publishing House, Moscou, 1950.
  • 166O. Yamada, op. cit. note 165, p. 490.
  • 167Tribunal de district de La Haye, le Procureur c/ Frans Cornelius van Anraat, affaire no 09/751003-04, 23 décembre 2005, disponible sur : https://www.internationalcrimesdatabase.org/Case/178/Van-Anraat/.
  • 168Cour d’appel de La Haye, Le Procureur c/ Frans Cornelis van Anraat, affaire no 2200050906-2, décision d’appel, 9 mai 2007.
  • 169Cour suprême des Pays-Bas, Le Procureur c/ Frans Cornelis van Anraat, affaire no 07/ 10742, jugement, 30 juin 2009.
  • 170CEDH, Frans Cornelis van Anraat c/ The Netherlands, appel. no 65389/09, 6 juillet 2010.
  • 171Haut tribunal pénal irakien, Al Majid et al., op. cit. note 143.
  • 172Haut tribunal pénal irakien, Special Verdict Pertaining to Case No 1/C Second/2006: Al Anfal, Second Criminal Court, réf. no 1/C Second/2006, 24 juin 2007, p. 294, disponible sur : https://www.asser.nl/upload/documents/DomCLIC/Docs/NLP/Iraq/Anfal_verdi…. Voir également Human Rights Watch, « Chemical Ali in His Own Words: The Ali Hassan Al-Majid Tapes », disponible sur : https://www.hrw.org/legacy/campaigns/iraq/chemicalali.htm (fichier audio disponible sur : https://www.hrw.org/legacy/campaigns/iraq/chemali.mp3).
  • 173Selon l’article 36 du Règlement intérieur du Conseil exécutif de l’OIAC, « les décisions du Conseil concernant les questions de fond sont prises à la majorité des deux tiers de l’ensemble de ses membres ». L’article 69 du Règlement intérieur de la Conférence des États parties de l’OIAC dispose que « [l]es décisions sur les questions de fond devraient être prises dans la mesure du possible par consensus. S’il ne se dégage aucun consensus lorsqu’il faut se prononcer sur une question, le président ajourne le vote pendant 24 heures, ne ménage aucun effort entre-temps pour faciliter l’obtention du consensus et fait rapport à la Conférence avant l’expiration du délai d’ajournement. S’il est impossible de parvenir au consensus au terme de ces 24 heures, la Conférence prend la décision à la majorité des deux tiers des membres présents et votants, à moins que la Convention n’en dispose autrement ».
  • 174OIAC, « Rapports du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU sur l’emploi d’armes chimiques en République arabe syrienne », décision du Conseil exécutif EC-83/DEC.5, 11 novembre 2016, par. 10. Cette décision a été adoptée par 28 voix pour, quatre voix contre et neuf abstentions. OIAC, Rapport de la quatre-vingt-troisième session du Conseil exécutif, EC-83/5, 11 novembre 2016, par. 6.27.
  • 175OIAC, Conférence des États parties, op. cit. note 109, par. 10. Cette décision a été adoptée par 84 voix pour et 24 voix contre. OIAC, Rapport de ka quatrième session extraordinaire de la Conférence des États parties, C-SS-4/3, 27 juin 2018, par. 3.15.
  • 176CIAC, articles VIII, art. 21, par. k), XII.
  • 177L’article VIII, par. f de la CIAC dispose que la Conférence peut créer « les organes subsidiaires qu’elle estime nécessaires pour exercer les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Convention ». D’autres organisations internationales ont créé des tribunaux internationaux ad hoc ; par exemple, les Chambres africaines extraordinaires ont été créées en application d’un accord conclu entre l’Union africaine et le Sénégal pour juger des crimes internationaux commis au Tchad entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990.
  • 178OIAC, Conférence des États parties, op. cit. note 109, par. 6 du Préambule (CIAC, art. VIII, par.19). Cette décision fait également référence aux fonctions du Secrétariat technique qui consistent à exécuter des mesures de vérification (CIAC, art. VIII, par. 37)), ainsi qu’à informer le Conseil exécutif de tout doute quant au respect de la Convention constaté dans l’exécution de ses activités de vérification (CIAC, art. VIII, par. 40)).
  • 179OIAC, Conférence des États parties, op. cit. note 109, par. 10 du Préambule (CIAC, art. XII, par. 4).
  • 180OIAC, Conférence des États parties, op. cit. note 109, par. 12.
  • 181OIAC, Conseil exécutif, « Opening Statement by the Director-General to the Executive Council at its Eighty-Ninth Session », EC-89/DG.31, 9 octobre 2018, par. 6.
  • 182Voir la Déclaration de Bruxelles de 1874 (interdisant l’utilisation de poison ou d’armes empoisonnées, ainsi que l’emploi d’armes, de projectiles ou de matières propres à causer des maux superflus) ; la Déclaration de La Haye de 1899 concernant les gaz asphyxiants (interdisant l’emploi de projectiles qui ont pour but unique de répandre des gaz asphyxiants ou délétères) ; la Convention de La Haye de 1907 (interdisant l’emploi d’armes, de projectiles ou de matières propres à causer des maux superflus) ; le Protocole de 1925 concernant la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques ; ainsi que le Préambule et l’article I de la CIAC. Selon l’Étude du CICR sur le droit coutumier, l’interdiction de l’emploi armes chimiques dans le Protocole de 1925 était initialement motivée par la règle interdisant les moyens et méthodes de guerre étant de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles. Voir Étude du CICR sur le droit coutumier, op. cit. note 29, règle 70.
  • 183Ibid., Règles 12, 71.
  • 184« Syria Denies & Condemns Use of Chemical Weapons – Foreign Minister », RT, 7 avril 2017, disponible sur : www.rt.com/news/383677-syria-bomb-checmical-depot-terrorists/.
  • 185Sur l’emploi des armes chimiques par l’État islamique, voir Éric Schmitt, « ISIS Used Chemical Arms at Least 52 Times in Syria and Iraq, Report Says », The New York Times, 21 novembre 2016, sur : www.nytimes.com/2016/11/21/world/middleeast/isis-chemical-weapons-syria…. Bien que cela ne soit pas explicitement mentionné dans le droit islamique, lequel est antérieur à la création des armes chimiques, on peut raisonnablement penser qu’il interdirait aussi les armes chimiques, au même titre qu’il interdit d’employer du poison ou de polluer l’environnement, qu’il pose le principe de distinction et qu’il prévoit l’interdiction de causer des souffrances inutiles.  Voir Katariina Simonen, « Chemical Weapons, Ayatollah Khomeini and Islamic Law », Global Security: Health, Science and Policy, vol. 2, no 1, 2017. Dans le livre de Khalil al-Maliki sur le Djihad, il est dit que les combattants ont l’interdiction d’employer des armes susceptibles de causer des souffrances inutiles à l’ennemi, sauf dans des circonstances exceptionnelles ; ainsi, l’utilisation de lances empoisonnées est interdite, puisqu’elle infligerait des maux superflus. Sayyid Mustafa Muhaqqiq Dāmād et al., Islamic Views on Human Rights, Centre d’études culturelles internationales, Téhéran, 2003, p. 266.
  • 186B. Van Schaak, op. cit. note 2, p. 339.
  • 187Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l’Axe, Londres, 8 août 1945.

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