Appel à contribution : “l’avenir du cadre juridique et politique de protection de l’environnement en période de conflit armé”

Appel à contribution : “l’avenir du cadre juridique et politique de protection de l’environnement en période de conflit armé”

L’environnement en temps de guerre

L’environnement doit faire face à la triple crise planétaire que constituent le changement climatique, la pollution et la perte de la biodiversité – une crise encore aggravée par la guerre. Bien que cette urgence soit une donnée nouvelle, les dommages causés à l’environnement par un conflit armé sont aussi anciens que la guerre elle-même. Au cours des dernières décennies, les conflits se sont distingués notamment par l’empoisonnement délibéré de sources d’eau, l’extraction de ressources naturelles afin de financer la guerre et l’utilisation de moyens et méthodes de guerre comme la tactique de la terre brûlée, avec des conséquences désastreuses pour l’environnement.

Aujourd’hui, les progrès en matière de collecte des données lors des conflits contemporains permettent d’avoir une connaissance plus approfondie de la façon dont la guerre détruit l’environnement. La communauté internationale mesure désormais mieux combien le fait de prendre pour cible des zones urbaines, d’y mener des attaques sans discrimination et de provoquer des dommages collatéraux, notamment sur des ouvrages et installations contenant des forces dangereuses, peut polluer l’eau, la terre ou l’air. Nous sommes également plus conscients de certains effets indirects de ces actions sur l’environnement : les conséquences d’un conflit, comme le déplacement ou l’épuisement des ressources naturelles, peuvent aussi contribuer à la dégradation de l’environnement. Nous commençons à nous interroger sur le fait que les activités industrielles et militaires, l’accroissement du transport terrestre, aérien et maritime, et les particules émanant des munitions et des projectiles utilisés lors des conflits armés – qui émettent d’énormes quantités de gaz à effet de serre – pourraient fortement contribuer à l’empreinte carbone de l’humanité.  

Comme tous les éléments qui composent l’environnement sont interdépendants, des changements provoqués sur ou par l’un d’entre eux entraîneront des effets (in)directs sur d’autres. À titre d’exemple classique, plusieurs phénomènes induits par l’homme comme la déforestation, la croissance démographique et la pollution ont modifié l’environnement en profondeur. C’est pourquoi les effets environnementaux de la guerre risquent de faire partie inhérente de la crise planétaire de mille et une façons, qu’elles soient visibles ou non.

 

Le cadre juridique international en matière de protection de l’environnement naturel dans le contexte des conflits armés

Jusqu’en 1977, l’environnement naturel n’était pas expressément protégé par le droit international humanitaire (DIH). Depuis, l’évolution régulière de différentes branches du droit international a permis d’élargir la protection de l’environnement naturel avant, pendant et après un conflit armé. Il semble pourtant que beaucoup reste à faire.

Les États et la communauté internationale prennent des mesures afin de renforcer la protection de l’environnement en temps de guerre et répondre aux besoins en la matière. En 2022, au terme d’un processus de plusieurs années, la Commission du droit international a ainsi adopté un Projet de principes sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés1 . Les 27 principes qu’il contient pourvoient à la protection de l’environnement en temps de conflit armé et établissent les responsabilités des États et des acteurs non étatiques. Tout en fixant le droit applicable en période de conflit armé, ces principes s’appliquent aussi avant et après une guerre. Ils traitent également de l’obligation qui incombe aux États de prendre les mesures législatives, administratives et juridiques nécessaires pour protéger l’environnement, recommandent la déclaration de zones protégées avant le conflit et portent sur le retrait des restes de guerre sur terre ou en mer après les affrontements.

En 2020, le CICR a publié une version actualisée de ses Directives sur la protection de l’environnement naturel en période de conflit armé2 . Il s’agit d’une série de règles et de recommandations du DIH en matière de protection de l’environnement. La version de 2020 contient également des commentaires qui peuvent servir de référence à toutes les parties impliquées dans un conflit armé ou à celles qui sont en mesure de les influencer. Dans le but de protéger l’environnement naturel, ces Directives appellent à la diffusion des règles pertinentes du DIH, à l’adoption de mesures permettant de faire mieux connaître les effets des conflits armés sur l’environnement naturel, à la détermination d’espaces démilitarisés afin de protéger les zones particulièrement importantes ou fragiles et à l’échange de bonnes pratiques afin d’influencer le comportement des belligérants.

Appel à contribution

La Revue internationale de la Croix-Rouge invite toute personne intéressée à soumettre des propositions sur le cadre normatif international de protection de l’environnement en temps de conflit armé pour une prochaine édition prévue en 2023. Cette édition visera à mettre en avant des contributions relatives à l’interprétation contemporaine des défis posés par la protection de l’environnement pendant un conflit armé. Vu le grand nombre de publications existantes à ce sujet, nous sommes surtout intéressés par des propositions de réflexion prospective qui fournissent des recommandations sur les moyens de remédier aux problèmes humanitaires et juridiques actuels, ainsi que par des articles dont les arguments novateurs et créatifs pourraient avoir des effets sur les futurs débats juridiques et politiques en la matière.

Voici une liste non exhaustive de questions et de thèmes qui pourraient vous inspirer et vous encourager à soumettre des propositions pour la prochaine édition :

  • Comment le DIH et le droit international en général, sous leurs formes actuelles, protègent l’environnement naturel en temps de conflit et régissent l’utilisation des moyens et méthodes de guerre contemporains
  • Conduite des hostilités et protection de l’environnement :
    • Certaines parties de l’environnement naturel pourraient-elles perdre leur caractère civil et devenir des objectifs militaires ? Si oui, dans quelles situations ?
    • Quelles sont les incidences des règles interdisant toute destruction de l’environnement naturel non justifiée par une nécessité militaire impérieuse (notamment l’interdiction de la destruction arbitraire des ressources naturelles) ?
    • Application des principes fondamentaux du DIH à l’environnement naturel (interdiction des attaques dirigées contre l’environnement ou lui portant atteinte dans le contexte des principes de distinction, proportionnalité et précaution)
    • Emploi des moyens de guerre et leurs effets sur l’environnement naturel (armes explosives, incendiaires, chimiques, biologiques, nucléaires, etc.)
    • Mesures de représailles contre l’environnement naturel
    • Parties de l’environnement naturel considérées comme des biens spécialement protégés
  • Protection de l’environnement naturel et droit de l’occupation
  • Groupes armés non étatiques et protection de l’environnement en temps de conflit armé
  • Zones protégées et/ou démilitarisées particulièrement importantes ou fragiles sur le plan environnemental dans le cadre des conflits armés
  • Mise en œuvre nationale des lois protégeant l’environnement naturel en temps de conflit armé
  • Environnement, conflits armés et domaines du droit international qui se recoupent :
    • Interaction entre le DIH, le droit des droits de l’homme, le droit de l’environnement et/ou le droit pénal dans la protection de l’environnement naturel lors des conflits armés
    • Poursuites pénales liées à l’environnement dans le cadre du droit pénal international, notamment le crime d’écocide dans le droit international et/ou national
    • Crimes environnementaux (transnationaux) dans les conflits armés
  • Mise en regard des conceptions anthropocentriques et des conceptions écocentriques/intrinsèques dans la protection de l’environnement en temps de conflit armé
  • Responsabilités environnementales des opérations de paix
  • Protection juridique de l’environnement de la mer et/ou de l’espace extra‑atmosphérique dans les conflits armés
  • Lois et politiques climatiques et leurs implications pour le DIH ou leurs interactions avec celui‑ci dans des situations de conflit
  • Avancées en matière de recueil de données sur les dommages causés à l’environnement en temps de conflit armé et conséquences sur l’application et la responsabilité du DIH
  • Opportunités et défis pour l’architecture multilatérale mondiale et le « lien entre nature et sécurité »
  • Prochaines étapes : évolution du cadre normatif de protection de l’environnement en temps de conflit armé maintenant que le projet de principes de la Commission du droit international et que les directives du CICR ont été établis
  • Défis ou protections de l’environnement dans les conflits armés qui n’ont pas encore été abordés par le cadre normatif international actuel

 

Comment soumettre votre proposition

Nous invitons toute personne intéressée à soumettre, d’ici au lundi 14 novembre 2022, un projet d’article (500 mots maximum) accompagné d’un CV ou d’une biographie (300 mots maximum). Veuillez noter que la version finale de votre article devra compter entre 8000 et 10 000 mots, bien que nous soyons ouverts à toute proposition d’autres formats (notes d’opinion, etc.). Nous privilégions les propositions inédites qui pourraient clairement contribuer aux débats juridiques et politiques et les faire progresser dans cet espace pendant les années à venir. 

Votre projet d’article doit comprendre :

  1. l’énoncé du titre ;
  2. les principaux arguments que vous souhaitez développer ; et
  3. une note expliquant en quoi votre thème enrichit de façon inédite la littérature existante et reste en accord avec la ligne éditoriale de la Revue (pour plus de détails, nous vous invitons à consulter nos Lignes directrices à l’intention des auteurs)

Veuillez faire parvenir votre dossier en format Word par courriel à l’adresse suivante : review@icrc.org. Veuillez noter que, conformément à notre volonté constante de donner la parole à une pluralité de voix dans ce domaine, nous encourageons aussi bien les auteurs établis que les nouveaux auteurs à nous adresser leur dossier de candidature.

Vous recevrez une réponse le vendredi 16 décembre 2022 au plus tard. Si vous êtes invité·e à soumettre la totalité de l’article, le texte complet de votre contribution devra être livré au plus tard le vendredi 3 mars 2023.

Les propositions seront examinées par un jury dont la composition sera communiquée d’ici lundi 14 novembre 2022.